Une soirée d'hiver + Willow

Le soleil commençait déjà sa course vers le sommeil, les pensionnaires de l’institut se faisant plus rares dehors. L’hiver chassait bien vite les quelques courageux qui avaient décidé de le braver pour bavarder sur la pelouse. Tu t’installes doucement auprès d’un arbre. Le froid ayant toujours été ton allié, tu portes un pull sur toi seulement pour éviter que les derniers rayons du soleil ne puissent venir blesser tes bras s’il se montrait plus fort que les nuages qui le cachaient. Le calme et la tranquillité de l’hiver était juste ce qu’il te fallait pour te concentrer sur le prochain chapitre de ta bande dessinée. Il fallait que tu le finisses rapidement, bien que tu sois seul à la publication, tu as des délais à respecter si tu ne veux pas perdre les quelques lecteurs que tu as réussi à trouver.

Le temps file sans que tu ne le réalises et bientôt, tu finis la dernière case qu’il te restait à remplir. Fier de ton travail, tu relis l’intégralité, vérifiant que tu n’as fait de faute ni à l’écriture, ni au dessin. Tu mets beaucoup de cœur dans ce que tu fais et tu tiens particulièrement à ce que tout soit toujours parfait. Ta bande dessinée, c’est un peu la seule chose que tu as, alors tu en prends soin, tu passes du temps dessus, et tu la rends meilleure un peu plus chaque jour. Tu mets beaucoup de toi dedans, parfois un peu trop. Les critiques ne sont pas toujours faciles, elles sont parfois même un peu blessantes et les dernières font mal. C’est pour ça que tu as passé autant de temps sur ton chapitre, pour qu’il soit meilleur que le précédent.

Tu verrouilles l’écran de ta tablette après avoir bien vérifié que tu as tout enregistré au moins trois fois. En rentrant dans ta chambre, tu t’empresseras de le publier. Ton site était simple, fonctionnant sur un principe d’abonnement mensuel, les lecteurs avaient accès à tous les chapitres. Il était l’un de tes seuls moyens de communiquer avec l’extérieur. En dehors des réseaux sociaux, tu n’avais d’interaction qu’avec les personnes qui vivent ici, à l’institut, avec toi. Une ombre passe devant toi, te faisant relever la tête et enfin tu remarques la présence de la personne face à toi. Un petit sourire sur pose sur tes lèvres, alors que tu te relèves doucement. « Bonsoir. » Dis-tu doucement, à ton interlocuteur. « Désolé, je me suis perdu dans mes pensées. »

Après un dîner rapide, Willow s'était éclipsée dans sa chambre, pour lire. Elle n'avait aucune envie de discuter ce soir, trop de choses encombraient ses pensées et son esprit pour qu'elle puisse se focaliser sur une conversation. Et comme souvent, son côté solitaire prenait le dessus dans ces moments-là, et elle préférait s'isoler. Alors, assise sur le rebord de sa fenêtre, elle lisait, profitant du soleil descendant en guise de lumière. Lumière douce et naturelle du coucher de soleil que la blonde avait toujours aimé, depuis aussi longtemps qu'elle se souvenait.
Quand la lumière devint trop faible pour que ses yeux se concentrent sur la lecture, Will laissa ses pupilles divaguer sur le parc qui finissait de se vider des dernières pensionnaires et adultes, rentrant au chaud, rejoignant les pièces communes ou les chambres. Voir le parc se vider, et la nuit s'installer donna envie à la mutante d'aller y faire un tour, dans la fraîcheur nocturne du soir. Cela lui changerait les idées.

Prenant la première veste qui passait, la blonde quitta sa chambre et descendit les escaliers du manoir pour rejoindre rapidement la terrasse la plus proche, souriant aux mutants qu'elle croisa. Puis, une fois dehors, elle inspira une grande bouffée de l'air frais de la fin d'hiver avant de descendre les marches de la terrasse et de rejoindre le parc. En silence, son ouïe se focalisant sur les bruits de la nuit, elle savourait l'instant.
Puis, au détour d'une allée, son regard tomba sur une silhouette à quelques mètres d'elle, contre un arbre. Celle d'un élève de l'Institut, qu'elle mit quelques secondes à reconnaître avec la faible luminosité.

- Bonsoir Thomas.

Répondit en souriant la jeune femme.

- Ne t'en fais pas, j'étais moi aussi dans mes pensées. C'est rare de voir encore du monde dehors à cette heure-ci.

Oui, d'ordinaire, les jeunes rentrent tôt, Will les croisant que très rarement lors de ses balades nocturnes. Encore plus l'hiver, avec le froid qui régnait à l'extérieur.

Le soleil finissait sa course pour rejoindre les ténèbres quand la silhouette familière de madame Bowman apparut devant tes yeux. Le calme et le froid avaient pris possession du parc et les élèves, encore présents à ton arrivée, étaient vite partis se réchauffer à l’intérieur. L’hiver avait eu raison d’eux bien plus vite que tu ne l’aurais pensé ou peut-être que tu étais resté assis là bien plus longtemps que ce que tu avais imaginé. Qu’importe, tu avais pris l’habitude de rester seul en soirée pendant les jours d’hiver. C’était le seul moment où tu pouvais vraiment profiter de l’air frais et du monde extérieur sans te sentir oppressé par la chaleur et le soleil brûlant ta peau.

Tu souris doucement à la bibliothécaire. « Je pense qu’ils sont tous rentrés se mettre au chaud. » Réponds-tu sans la moindre hésitation. Tu étais bien le seul à apprécier le vent glacial soufflant sur tes joues, et tournant le bout de ton nez au rouge. « Je profite un peu de l’hiver avant de ne plus pouvoir sortir. Il va bientôt recommencer à faire beau et chaud et j’aime bien m'asseoir dans le parc pour dessiner. » C’est triste, mais tu es si différent des autres. Tu portes le poids de ta malédiction, et tu sais à quel point elle continuera de te hanter jusqu’à la fin de tes jours, alors tu essayes de prendre ce que la vie t’offre.

Ton attention se reporte sur le professeur de littérature. Tu sais que tu ne devrais pas être dehors, que l’heure tourne et bientôt, ça ne sera plus possible pour toi de rester là, mais tu avais tellement envie de profiter un peu plus de l’air frais que tu en as complètement oublié de vérifier l’heure, et quelque part, tu as peur d’avoir été un peu trop long. Tu te demandes si tu n’as pas interrompu les habitudes de ton aîné. « Je ne pensais pas rencontrer quelqu’un ce soir, est-ce que je vous ai dérangé dans votre promenade ? » Finis-tu par demander, pour te rassurer. Ta présence n’a jamais été qu’un problème aux yeux des autres, ce n’est plus vraiment une surprise.

Comme souvent, la jeune femme avance, dans le parc plongé dans l'obscurité de cette douce mais froide nuit d'hiver, plongée dans ses pensées. Ainsi, elle est légérement pensive quand son regard tombe, au détour d'une allée, sur la silhouette d'une élève. Thomas, un jeune mutant qu'elle a en cours, et vu plusieurs fois déjà à l'entraînement. Doucement, elle lui sourit, avant d'entamer la discussion avec lui, laissant sa surprise s'exprimer de le voir ici, à cette heure tardive, quand d'ordinaire tout le monde est rentrée. Tous au chaud. Des mots que prononcent Thomas qui la font doucement sourire.

- Oui, il fait bien frais encore le soir pour rester longtemps.

Dit-elle simplement, en souriant, toujours. Mais elle, elle aimait se balader dans cette fraîcheur nocturne, surtout qu'elle avait peu de chance de rencontrer du monde, ce qui rendait encore plus attrayant la balade. Une chose que partage le jeune homme face à elle, qui bientôt ne pourrait plus sortir, comme il le fait remarquer, faisant doucement grimacer la bibliothécaire.

- Tu as bien raison d'en profiter autant que tu peux.

Murmure-t-elle simplement. Chacun d'entre eux subissait des spécificités duent à leur mutation, et celle de Thomas n'était pas des plus joyeuse aux yeux de la blonde.

- Ce n'est pas moi qui vais aller te dénoncer parce que tu es dehors !

Ajoute-t-elle au bout de quelques secondes, avant de faire un clin d'oeil au jeune homme. Qu'il reste autant de temps qu'il veut. De toute façon, il n'y a pas de chaperon pour surveiller. Elle sourit un peu plus, doucement, en entendant le brun reprendre la parole. Willow le trouve attentionné et inquiet pour rien, alors d'un geste de la main, elle le rassure, avant de le faire oralement.

- Non, ne t'en fais, tu n'as rien dérangé. Je marchais simplement pour me changer les idées et profiter de l'air frais avant d'aller me coucher.

C'était même une habitude presque aussi vieille qu'elle. Quand elle était petite, à Hawaï, ses parents et elle allaient se promener après le dîner, et en vieillissant, la blonde avait continué à le faire, même à l'époque où elle se cachait et évitait au maximum de sortir.

- Je peux te demander ce que tu faisais de beau, tout seul, assis ?

Curieuse Willow ? Un peu. Mais jamais de manière méchante.

La vie à l’institut était vraiment une bénédiction à tes yeux, et pour rien au monde tu n’aurais voulu perdre ce privilège que la vie t’avait offert. Il faut dire qu’ici, tu avais enfin l’impression d’être un peu compris, et surtout, d’avoir trouvé un endroit où on pouvait t’accepter assez pour que tu puisses vivre sans te soucier des disputes entre tes parents ou des reproches de tes frères et sœurs. Pouvoir juste exister était un tel bonheur que tout le reste disparaissait. Enfin, presque. En vérité, la malédiction était toujours là, et peu importe combien tu essayais de l’oublier, elle finissait par revenir à la charge.

D’une grande bienveillance, ton professeur approuve ton désir de profiter un peu de l’air frais. Intérieurement, tu lui es reconnaissant pour sa compassion et sa gentillesse.  « Merci, vraiment. J’ai bien peur de ne plus pouvoir sortir d’ici quelques semaines si les températures augmentent encore… ». De tous les cours que tu suis, la littérature est certainement l’un de tes préférés. Il faut dire que l’art, l’écriture, et la lecture, c’est un peu ce qui donne un sens à ta vie, alors celui-ci plus qu’un autre, tu aimes prendre le temps de le suivre. Aussi, le professeur Bowman était l’un de tes professeurs préférés. Tu souris un peu plus à ton tour, heureux que ça soit elle plutôt qu’un autre professeur que tu aies croisé. Néanmoins, elle te rassure, au moins, tu ne l’as pas dérangé dans sa promenade.  

Finalement, elle te pose une question sur ce que tu faisais dehors, et ton regard s’illumine. Un sourire bien plus grand et bien plus heureux s’affiche sur ton visage. Si tu n’es pas forcément certain de l’intéresser, tu adores parler de ta passion, et de ton petit contenu.  « J’avais envie de profiter de pouvoir sortir pour écrire mon chapitre dehors. Vous savez, je dessine une bande dessinée dont j’écris aussi le scénario avant de la publier sur internet, et j’ai des délais à tenir pour ne pas décevoir les lecteurs. Ce n’est pas une grande œuvre d’art, mais je suis fier de mon travail, et je suis heureux de le partager alors il est important de tenir mes délais. » Ta petite bande dessinée, tu peux en parler pendant des heures durant avec la même étincelle de bonheur dans le regard.  

L'Institut c'est une grande famille, enfin c'est ainsi que Willow voit les choses depuis qu'elle a rejoint celui-ci. Une famille de coeur, entre mutants qui se soutiennent. Un lieu d'espoir pour beaucoup, et la blonde était heureuse d'en faire partie, bien qu'elle soit certainement parmi les mutants les plus discret de l'Institut. Une vieille habitude venue de son côté solitaire, dont elle ne se débarassait pas. Et qui expliquait notamment sa balade nocturne seule dans le parc, alors que l'air se faisait plus glacial au fur et à mesure des minutes.
Bienveillante, Will confie à Thomas, qu'elle croise au détour d'une allée, qu'elle ne dirait rien sur sa présence tardive dans le parc, ni même s'il y restait un peu plus longtemps. Elle connaissait sa mutation, et les inconvénients qu'elle procurait au jeune homme. Comment pourrait-elle lui dire de rentrer alors que d'ici peu, il ne pourrait plus profiter de l'extérieur ? Elle sourit alors simplement, en guise de réponse aux remerciements du jeune homme, n'ajoutant rien, ne voyant rien à ajouter. Après tout, c'était normal, tout du moins à ses yeux. Et puis, l'Institut n'était pas une école rigide sur les règles.

La conversation continue entre la professeure et l'étudiant, et après l'avoir rassuré sur le fait qu'elle n'avait pas été dérangée, elle ne put s'empêcher de lui demander ce qu'il faisait à cette heure tardive, dans le parc, seul. Et soudainement, le regard du jeune homme s'illumine, ce qui surprend la Bowman qui ne s'attendait pas à le voir autant s'illuminer. Elle a touché un point sensible du brun, quelque chose qui lui plaisait. Et quand elle l'écouta en parler, elle comprit qu'elle avait posé une bonne question. Ainsi, il dessinait et écrivait. Une bande dessinée. La blonde sourit en entendant cela, amusée et ravie.

- Et tu as raison d'être fier de ton travail, Thomas. C'est super que tu fasses ça !

Elle sourit sincère, avant de reprendre.

- C'est du genre comics ou vraiment bande dessinée ?

Elle avait connu la naissance des comics, mais c'est surtout avec son fils Ben qu'elle avait fait connaissance avec cette littérature, lui qui était fan enfant et adolescent, en achetant plusieurs par semaines à l'époque.

- Et tu as beaucoup de lecteurs ?

Ne put-elle s'empêcher d'ajouter, avant de reprendre, en grimaçant, désolée et un peu gênée.

- Désolée, je suis un peu curieuse.

Les yeux pétillants encore de bonheur et de fierté à l’évocation de son œuvre, Thomas hocha la tête avec un grand sourire. Il n’y a rien qui lui apportait plus de joie que de pouvoir partager avec ses lecteurs, et même si son professeur ne faisait pas partie d’eux, il était aussi heureux de pouvoir lui en parler, même si ce n’était qu’un tout petit peu. « Une bande dessinée ! » Dis-tu avec beaucoup d’entrain. « J’aime beaucoup les comics, mais la bande dessinée me correspond mieux. » En vérité, ta bande dessinée, une partie de toi, et tu ne te vois juste pas comme un personnage de comics. Tu es loin d’être assez intéressant pour ça, toi. Tu n’es que toi, après tout, qui ça pourrait bien intéresser si tu avais la prétention d’écrire un comics sur ta propre personne ?

Néanmoins, tu es lancé, et quand tu te lances, c’est un peu difficile de t’arrêter, alors avant même que madame Bowman ne te le demande, tu poursuis sur ta lancée. « C’est l’histoire d’un petit lapin blanc dans une famille de lapin brun. Les autres ont du mal à l’accepter parce qu’il n’est pas comme eux, et que les autres le trouvent étrange. On le cache, on l’exclut, on fait comme s’il n’existait pas, alors un jour, il part de chez lui. Dans ma bande dessinée, on suit ses aventures, ses rencontres, et son évolution. Petit à petit, il apprend à faire confiance et à s’accepter. ». Cette histoire, c’est la tienne. Même si les choses sont légèrement différentes, tu as juste évoqué ce que tu connaissais, tes sentiments et tes peurs.

La bibliothécaire te demande si tu as beaucoup de lecteurs et tu hoches la tête. Certes, ce n’était pas non plus un succès planétaire qui te propulsera au sommet de la popularité, mais tu pouvais compter déjà plusieurs abonnés qui reviennent sur ton site à la sortie de chacun de tes chapitres. « J’ai déjà une cinquantaine de lecteurs qui me suivent depuis presque un an, et ça augmente un peu plus à chaque chapitre. Je crois que j’aurai bientôt atteint une centaine d’abonnement, ce qui est pas mal pour une bande dessinée auto-publiée. » Un peu comme un enfant à Noël, tu es juste sincèrement heureux d’en parler, même si tu doutes que ça puisse réellement l’intéresser.

Intriguée, et un peu curieuse, il faut l'avouer, Willow demande à Thomas s'il dessine et écrit une bande dessinée ou un comics. Elle ne sait pas vraiment ce qui plait le plus aux jeunes d'aujourd'hui, alors autant poser la question qui lui brûle les lèvres. Une question qui semble faire plaisir au jeune étudiant, qui répond avec un entrain que la blonde décèle immédiatement, et qui la fait sourire. Un entrain qui lance le brun, et le voilà déjà, avant même que la bibliothécaire ne l'interroge, résumant l'histoire de sa bande dessinée: celle d'un petit lapin blanc, mis de côté par les siens. Une histoire qui lui donne un instant un pincement au coeur. Elle ne sait pourquoi, mais elle sait que cette histoire est inspirée de celle du O'Leary, bien que jamais, Will ne l'est jamais questionné sur sa vie. A vrai dire, elle ne questionne jamais les gens sur leur passé, elle qui n'aime pas vraiment qu'on la questionne sur le sien.

- Je dois avouer ne pas y connaître grand chose en bande dessinée, je suis plus roman, mais ça a vraiment l'air pas mal ce que tu fais ! Et tu fais vraiment tout, tout seul ?

Sans aide de personne ? Une chose qu'elle admirait déjà, avant même d'avoir la réponse. Tout faire soi-même devait demander du temps et un investissement sans bornes.

- Tu t'inspires de ta vie pour écrire ou tu inventes tout ?

Ne put-elle s'empêcher de demander au bout de quelques secondes, faisant un peu plus sa curieuse. Puis, elle interrogea sur le nombre de lecteurs qu'il avait, lui qui visiblement publiait en ligne. Enfin, c'est ce qu'en déduisait la Bowman. Une nouvelle question qui amena la jeune femme à s'excuser curieuse avant même qu'il ne réponde, sans que le jeune n'en fasse cas.

- Bientôt une centaine d'abonnés ? C'est chouette ! Vraiment !

S'exclame avec entrain la jeune femme, en souriant doucement.

- Tu te fais de la publicité, ou les lecteurs viennent d'eux-mêmes, en te trouvant sur Internet, ou via du bouche à oreille ?

Et une nouvelle question. Elle se mordille un instant la lèvre inférieure.

- C'est ma dernière question promis !

Ajoute-t-elle rapidement, en souriant doucement.

Une fois sur ta lancée, il est difficile de t’arrêter. Fier et heureux de partager cette chose si précieuse à tes yeux, c’est si facile de parler de ta bande dessinée que tu pourrais continuer comme ça pendant des heures durant ! Si c’était beaucoup de travail au quotidien, c’était avant tout ton moteur, ce qui te faisait tenir depuis si longtemps que tu ne t’imaginais plus arrêter un jour. Ton professeur sourit en voyant que tu en parles avec bonheur. Tu t’arrêtes enfin, et elle te complimente, avant de te demander si tu fais tout toi-même, et tu hoches la tête avec encore une fois beaucoup de fierté.  « Je m’occupe de tout ! » Réponds-tu spontanément.

La question suivante, en revanche, te fit légèrement perdre ton entrain.  Tu réfléchis à la formulation idéale pour répondre, n’ayant pas vraiment envie de mentir à madame Bowman. « Il y a une partie inventée, et l’autre partie, c’est un peu de moi. J’ai commencé à l’écrire un soir où j’étais vraiment seul chez moi, et au début, c’était juste pour essayer de tenir le coup. Elle m’a tellement aidée, ça me fait tellement de bien de l’écrire que je ne me vois plus arrêter. »  Tu souris doucement, si c’était douloureux d’en parler, tu préfères faire semblant que ce n’est qu’un détail, pas quelque chose de très important. Après tout, ce n’était sans doute qu’un détail aux yeux de ton professeur.

Heureux de changer de sujet, tu évoques le nombre de tes lecteurs, et cela semble quelque peu surprendre la blonde. Ce n’est pas énorme, et tu en es conscient, mais tu en es fier, et tu espères vraiment que le temps te permettra d’en gagner d’autres. Si tu ne rêves pas d’être le prochain Stan Lee, tu espères que ton œuvre ne tombera pas dans l’oubli.  « La majorité des lecteurs viennent parce qu’on leur a conseillé. C’est vraiment réconfortant, ça veut dire que ça plait assez pour qu’on la recommande ! Pour le reste, je publie des extraits sur les réseaux sociaux, et parfois, ça attire un peu de monde aussi. » Il n’y a rien de plus flatteur que de lire qu’on a suggéré la lecture de ta bande dessinée, et que c’est une belle découverte.

Finalement, la bibliothécaire se mord la lèvre en promettant ne plus poser de question, et tu ne pus t’empêcher de lui répondre.  « Oh non, c’est moi, désolé. Quand je commence à en parler, je m’arrête plus, et j'interromps votre promenade avec tout ça, vraiment désolé. »
 

Willow était impressionnée par ce qu'elle découvrait de Thomas en cette balade nocturne. Encore plus quand elle sut qu'il faisait tout lui-même pour sa BD. Elle, pour sa part, elle peignait, et elle trouvait ça déjà bien accompli et dévoreur de temps, alors réalisait tout une BD ? Imaginer le dessin, le scénario et les paroles des personnages ? Voilà qu'elle était impressionnée, et qui lui permettait aussi de comprendre pourquoi le jeune homme semblait si passionné pendant ses cours de littérature. Le tout fit un peu plus sourire la jeune femme.

- Je suis impressionnée.

Lâcha-t-elle, sincère, avant de se laisser dévorée par sa curiosité et de poser les questions qui lui viennent à l'esprit. Des questions qui ne font qu'augmenter l'entrain du jeune mutant qui y répond avec plaisir. Enfin c'est ainsi que la blonde voit les choses. Ce qui ne la fait qu'un peu plus sourire. Bien qu'après quelques secondes, son sourire s'amoindrit un peu quand elle entend le brun lui confier quand il avait commencé à écrire. Elle n'aimait pas voir tant de gamins chahutés ou mis de côté par leurs proches, car mutants. Un monde injuste... Et pourtant, elle avait déjà connu bien des horreurs par le passé, mais elle semblait se répéter d'une nouvelle manière, comme si l'homme n'apprenait jamais de ses erreurs.

- Je vois. C'est chouette que l'écriture ait été un refuge pour toi ! C'est ce que je trouve magique dans le pouvoir de l'écrit.

Il lui arrivait à elle-même, certains soirs, de se caler dans sa chambre et d'écrire dans un carnet pendant des heures, tout ce qui lui passait par la tête. Depuis des années. Elle en avait plusieurs de rempli qu'elle gardait cachés sous son lit. Mais elle garde cela pour elle, et continue la conversation, s'intéressant aux lecteurs cette fois-ci. Curieuse comme elle est.

- C'est vraiment super que ça fonctionne par le bouche à oreille ! C'est comme ça qu'un bon livre se vend, enfin c'est ce que disait mon père il y a bien longtemps, et je suis entièrement d'accord avec lui. Quant aux réseaux sociaux, c'est le petit miracle de ce siècle.

Un vrai miracle auquel elle était accro. Super accro même, elle que rien ne prédestinait à connaître cette aire des réseaux. Pas du tout même. Mais elle y passait bien deux heures par jour.

- Je suis très heureuse pour toi, en tout cas.

Ajouta-t-elle rapidement, balayant de la main les dernières paroles de Thomas qui s'excusait d'interrompre sa promenade. C'était bien la dernière chose à laquelle elle pensait en cet instant. Et ce n'était pas bien grave. Elle faisait juste un tour pour se fatiguer et trouver facilement le sommeil, rien de bien important n'avait été perturbé.

- Ce n'est rien, ne t'en fais pas. C'est même plus agréable de discuter avec quelqu'un que de faire un tour seule, je dois le reconnaître.

Elle sourit doucement en disant cela. Willow était peut-être quelqu'un de solitaire, ce qui n'était pas vraiment un secret, mais elle n'aimait jamais être dérangée. Hormis certains cas.

- Tu veux faire un tour avec moi avant de rentrer, ou préfères-tu rejoindre ta chambre ? Ca ne me dérange pas, et si ça te permet de bénéficier un peu plus du froid ambiant, autant profiter !

Le vent souffle doucement sur ton visage qui sourit encore. Tu te sens bien, tu te sens vivant en cet instant, en plein milieu du parc de l’institut à discuter avec ton professeur de littérature. Tout à l’air si parfait… Tu en aurais presque fini par oublier que l’heure tourne, que le couvre feu approche, et que le printemps aussi. Bientôt, tu ne pourras plus sortir, et les murs de ta chambre redeviendront ta plus grande compagnie. Cette pensée te chagrine, t’attriste. Tu ne seras jamais totalement capable de vivre une vie normale, comme tous les autres, et tu en as parfaitement confiance, même si le temps d’une soirée, tu aurais préféré l’oublier et prétendre que tu n’étais pas si différent.

Ton professeur perd un peu de ton sourire, et tu comprends que c’est à cause de ce que tu venais de lui dire. Si tu avais été honnête avec elle, tu commençais à regretter un peu, et tu te contentes d'hocher la tête quand elle souligne que l’écriture est magique. Tu ne pouvais dire le contraire, l’écriture était la plus belle chose que tu aies dans ta vie, et elle était à l’origine d’une partie des plus belles relations que tu aies pu construire. C’est aussi grâce à ta bande dessinée que tu es encore là et que tu continues à espérer d’avoir une vie plus facile, plus belle, et meilleure que ce que tu as pu connaître jusqu’à maintenant.

Un petit sourire vint à nouveau se poser sur tes lèvres alors que tu parles de tes lecteurs, et de comment ils trouvent ta petite bande dessinée. De nouveau, tu hoches la tête. Les meilleures livres, c’est ceux qu’on a envie de recommander, ceux qu’on aime partager, et si c’était le cas de ton modeste ouvrage, tu ne pouvais qu’en être fier. Né en deux milles deux, tu as grandi bercé par internet et les réseaux sociaux. Tu ne peux imaginer ce qu’était le monde avant, et tu remercies les génies du siècle passé qui ont réussi à inventer une chose aussi merveilleuse qu’internet. Sans ça, tu aurais sombré.  « Je sais pas comment les gens faisaient avant les réseaux sociaux, mais sans eux, j’aurai presque aucun contact avec le monde. » Finis-tu par laisser échapper.  

Néanmoins, il est tard et on est en plein hiver. Ton professeur aurait peut-être préféré être seule, et ne pas avoir le récit de ton ouvrage, alors tu t’excuses. Loin d’avoir envie de perturber le quotidien de la bibliothécaire, tu es soulagé quand elle te dit qu’elle préfère papoter à rester toute seule. Intérieurement, tu as cette peur de déranger qui est presque viscérale. Peu importe combien tu apprécies et tu es apprécié, tu ne cesses de te dire qu’à un moment ou un autre, ta présence finira par être de trop, et on finira par ne plus vouloir de toi. Tu vis avec cette crainte depuis si longtemps que tu n’es plus capable de t’en défaire. Un petit sourire se pose sur tes lèvres, ce n’est pas ce soir qu’on te rejettera, au moins.

La blonde te demande si tu préfères rentrer ou l’accompagner dans sa promenade, et tu hésites. Si tu as beaucoup aimé cette conversation et que tu estimes beaucoup madame Bowman, il commençait déjà à se faire tard, et il fallait que tu publies ton chapitre. Aussi, tu redoutais que ta présence finisse par être désagréable. Tu secoues doucement la tête, souriant toujours. « Merci beaucoup, mais je pense que je vais rentrer. Il faut que j’aille m’occuper de mon site internet, et puis je ne veux pas vous embêter plus longtemps. Merci beaucoup pour ce soir, et pour notre conversation. » Réponds-tu finalement.

Willow était peut-être curieuse, mais jamais, elle n'osait poser des questions franches et directes aux jeunes présents à l'Institut sur leur vie. La peur de raviver de mauvais souvenirs chez eux, ou encore de se montrer indélicate par mégarde. Sans compter qu'elle n'aimait pas qu'on la questionne sur sa propre vie. Mais ce soir-là, les choses se faisaient plutôt naturellement avec le jeune Thomas. La blonde découvrait une autre facette de cet élève si discret, et une belle facette. Tout du moins à ses yeux.
Son sourire connaissait des hauts et des bas au fil de la conversation, mais la jeune femme restait positive pour n'en tirer que le bon de ce que lui racontait le jeune homme qu'était cette bande dessinée, qui faisait la joie du brun. Il avait visiblement du talent, mais aussi des lecteurs. Un jour, peut-être, il serait publier. En tout cas, la Bowman l'espérait très fort.

Parlant de la magie des réseaux sociaux, l'invention miracle de ce siècle pour Willow, elle ne peut s'empêcher de sourire en entendant le garçon reprendre la parole. Elle se retint même de rire un instant. Cette génération qui ne pouvait vivre sans les réseaux sociaux, ni imaginer le monde d'avant sans. Pourtant, autrefois, on ne s'ennuyait pas sans les réseaux. Pas du tout même. C'était juste différent. Très différent.

- Tout se faisait autrement et bien plus lentement.

Sourit-elle simplement, en haussant les épaules. Elle observa un instant le brun, avant de reprendre.

- C'était un autre monde, mais comme on ne connaissait ni les réseaux sociaux, ni Internet, cela ne nous manquait pas.

Mais aujourd'hui, elle, qui était née un siècle auparavant, ne pourrait plus se passer des réseaux sociaux dont elle était devenue accro plus facilement qu'elle ne l'aurait pensé.

- Mais aujourd'hui cela fait tellement parti du quotidien, que c'est impossible de passer à côté.

Elle sourit à nouveau, de toutes ses dents cette fois-ci, avant de remonter sa veste sur ses épaules pour resterbien au chaud. Le froid se faisait un peu plus ressentir en cet instant. En tout cas, elle était très heureuse de discuter avec le jeune homme, ce qu'elle n'hésita pas à lui dire, avant de lui proposer de l'accompagner dans le reste de son tour, si ça lui disait bien entendu. La conversation était agréable, alors pourquoi pas.
Néanmoins, Thomas déclina poliment la proposition de Will, qui hocha la tête respectueusement, tout en l'écoutant. Il faisait comme il le souhaitait, et elle comprenait totalement que publier ses écrits étaient plus important pour lui. Elle en garda même son sourire, le même qu'elle avait sur les lèvres depuis plusieurs minutes maintenant.

- De rien Thomas, ce fut un plaisir de discutuer avec toi en tout cas. Et tu ne m'as pas dérangé le moins du monde. J'ai eu la chance d'en apprendre un peu plus sur toi ce soir, comme ça !

Et elle avait découvert une jolie facette du jeune homme, une qui lui plaisait en tout cas.

- Je te souhaite une bonne fin de soirée en tout cas, et bon courage pour la suite de ton oeuvre. Et si un jour tu as besoin d'aide, tu sais où me trouver !

Dans sa bibliothèque, son repair, son chez elle, ou presque.

- Passe une bonne fin de soirée Thomas.

Elle lui sourit une dernière fois, et après qu'il l'ait salué à son tour, elle le regarda s'éloigner en direction du manoir, avant de reprendre sa marche dans le parc assombrit par la nuit d'hiver.