To my lover, I'd never lie | ÁNGEL

Coup d'envoi de la dernière ligne droite donné, Leta rendait son clin d'œil à son fiancé en le regardant s'éloigner avec attention. Dents calant l'ongle du pouce dans la réflexion et le regard qui vagabondait bientôt d'Ángel à la piscine occupée par une Anna excédée, Leta s'approchait de quelques pas pour réceptionner l'annonce de la Cheffe. Comment ça, c'était terminé ?

Ça ne serait terminé que lorsqu’ils l'auraient décidé.
Ni plus, ni moins.

Pliant les genoux au rebord de la piscine afin de se placer à la hauteur de l'employée, la mutante jeta d'abord un coup d’œil au serveur – pataugeant un peu plus loin – qui lui adressa une légère moue ennuyée. En réponse, l'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres fugacement avant de s’évanouir tandis qu’elle octroyait toute son attention à Anna. « Vous n'avez pas terminé votre travail. »

« Et alors ? Nous n'avons pas être traité comme ça ! »
« On s'amuse, Anna.. » Susurra Leta avec une pléiade de sous-entendus passés sous silence.
« Je ne suis pas là pour m'amuser, moi. » Claqua froidement la Cheffe en réponse alors que Leta penchait le visage sur le côté.
« Vraiment ? Pas même quand tu tentes ouvertement de draguer mon fiancé sous mon nez ? »

Du tutoiement à la mise au pieds du mur.
C'était tout à coup le gros moment de silence.

Le serveur doublement trempé sortait de la piscine avec une démarche de crabe afin d'éviter le tête-à-tête particulièrement glacial. Pour toute réponse offusquée, Anna réitéra son ordre au fameux Antony qui arriva en compagnie d'Ángel. Leta se redressa afin de faire un pas sur le côté. Posture volontairement condescendante et sourire charmant, elle statua à l'attention d'Anna.. « Très bien. Laissez donc le repas et dégagez. Je ne vous paierais pas pour votre incompétence.. »

Anna prête à rager un coup supplémentaire se retrouva à boire la tasse tandis que Leta fut éclaboussée en voyant Ángel sauter avec le fameux Antony. Haussant un sourcil, d'abord dans la contrariété de l'échange avec Anna, la mutante finit par sourire amusée puis rire devant la satisfaction de son fiancé.

« Tu as triché ! » Clamait-elle en le désignant de l'index. Quittant ensuite ses talons pour les déposer sur le côté, elle sauta dans l'eau en prenant soin d'éclabousser la Cheffe. Plongeon habillé, elle nagea jusqu'à Ángel et émergea devant lui en passant un bras autour de son cou. « Mais je t'accorde cette victoire.. Tu as tout donné pour l'obtenir. » Lui annonça-t-elle avec un sourire.

Si Leta était une mauvaise perdante avérée, il n'en demeurait pas moins qu'elle reconnaissait que son fiancé avait fourni un effort supplémentaire pour l'emporter. Portant son regard sur les deux serveurs prêts à sortir de l'eau, elle leur adressa un signe de la main. « Antony et.. »

« Jim. » Marmonna timidement le serveur doublement perdant.
« Jim. » Répéta Leta en conséquence. « Je vous remercie d'avoir participé. C'était fun, non ? »
Provocatrice, elle jeta un regard en biais à Anna avant d'en revenir à Ángel avec un clin d'œil.

« C'était.. Ouais, ça l'était. » Répondait Antony avec plus d'amusement que sa patronne.
« .. Oui. » Répondit plus timidement Jim alors qu'il captait le regard courroucé d'Anna.
« Eh bien, vous avez un meilleur sens de l'humour que votre Cheffe. »
Il fut évident que Leta avait un autre mot en bouche que .. Cheffe. Mais elle savait rester correcte lorsqu'il le fallait. Si on oubliait qu'elle était dans une piscine, habillée, et pendue au cou d'Ángel.

« En attendant, vous refusez de nous payer pour votre petite blague ! » Clama fièrement Anna, dans l'espoir de coincer celle qui l'avait employé. Leta adressa un sourire à son fiancé avant de remonter son regard Anna.
« J'ai dit que je ne te paierais pas pour ton incompétence. Antony et Jim n'ont rien à voir là-dedans.. Je m'arrangerais avec le restaurant. »

Quelle peste.
Jusqu'au bout.
En attendant, les serveurs eurent leur petit soupir de soulagement a contrario d'Anna qui enragea un peu plus.

Victoire de l'un pour défaite de l'autre ; la perdante parvenait tout de même à reconnaitre sa défaite tant que celle-ci appartenait à Ángel. Légèreté au rendez-vous, le moment fut pourtant entre-coupé d'une intervention d'Anna. Colère et rancœur bouillonnants dans la piscine, un peu plus loin ; lorsque ce fut le Persécuteur qui prit la relève, la Cheffe grimaça un sourire hypocrite alors qu'elle quittait l'eau en bouclant ses lèvres sur tous les jurons qui auraient pu en sortir.

Nul doute que le couple aurait été rhabiller pour quelques saisons et Leta le savait bien. Elle salua d'un sourire léger les deux serveurs qui suivirent leur dictatrice en tablier et lorsque finalement le portail claqua sur leur départ, elle en revint totalement à Ángel. Soulevée dans le mouvement de l'eau, Leta vint resserrer l'emprise de ses cuisses autour de la taille de son fiancé afin de se redresser.

Un sourire aux lèvres, elle le transforma en une moue comédienne tandis que son regard céruléen s'accrochait à celui d'Ángel. « Je suis terriblement déçue.. Tu sais combien je déteste perdre. » Murmurait-elle tandis que son corps s'animait de mouvements lascifs volontairement provocateurs. A eux deux, ils étaient - comme toujours, quelques soit les circonstances - sur la même longueur d'onde. Joueuse pourtant, elle esquissa un sourire en rapprochant ses lèvres des siennes. « Tu vas devoir me consoler de ma défaite. » Capturant ses lèvres le temps d'un baiser brulant, elle illustrait sans pudeur aucune la consolation attendue par son fiancé.

Tête-à-tête qui s'enflammait d'une passion partagée, Anna était oubliée à la faveur d'un jeu qui n'avait fait qu'embraser leurs désirs. Et au bout de compte, c'était avant tout eux qui l’emportaient et se retrouvaient.

Comme toujours.
Et à jamais.


Quelques heures plus tard, Leta entrait dans la cuisine ; s'étirant légèrement dans une avancée qui se faisait pieds nus, elle replaçait son kimono rouge et noir sur ses épaules alors qu'elle avait fait le choix de s'habiller d'un maillot de bain dans les mêmes teintes. Assurée de vouloir retourner squatter la piscine, ce fut immanquablement une décision ponctuée de bon sens.

Après tout, elle l'avait dit.
Toute la nuit.
Elle comptait passer toute la nuit dans l'eau.

Ainsi se retrouvait-elle vêtue de cette tenue de vacances devant les fourneaux éteints. Menu à demi achevé, elle soulevait quelques couvercles pour observer le contenu abandonné çà et là. L'index trempait dans une sauce qu'elle goutait jusqu'à acquiescer.

Le regard bleu passant sur les alentours, elle se mit en quête d'une recette ou d'un mode d'emploi.. Ce qui fut aussi illusoire que fou. Anna était le mode d'emploi.. D'ailleurs, elle aurait dû les servir convenablement.

Un peu désespérée et tout autant déterminée à éviter que son fiancé cuisine pour cette soirée qu'elle avait préparé, Leta se résigna avec une moue.. « Darla ? » Appelait-elle discrètement. « Allez, fait pas ta garce.. Darlalalalalala. » Chantonnait Leta avant de sentir l'exaspération de son alter ego. Si elle ne pouvait entendre ses paroles ou ses pensées, elle avait conscience de partager ses ressentis, et c'était bien assez.

« Ah bah t'es là ! » Le dépit succédait à l'exaspération. La Peste était douée pour saouler la Garce ; c'était d'ailleurs tout un art. Un part que Leta maitrisait avec brio. «  ..Tu sais cuisiner ? »

La réponse fut immédiate.
Vraiment.

Darla fut si amusée que Leta ne put retenir un léger rire avant de secouer le visage négativement. « Okay, message reçu, tant pis ! » Et elle faisait le tour du plan de travail. « ..Je vais me débrouiller. »

En conséquence, Darla eut peur et retourna à son sommeille comme pour fuir la catastrophe en devenir et Leta eu une moue. « C'est bon, je peux y arriver. »

Ouvrant le frigidaire où trônait les quelques ingrédients nécessaires à la recette, elle aperçut les œufs et eu l'idée grandiose d'au moins faire une omelette. Alors, pour cela, elle attrapa une poêle, la plaça sur un feu et l'alluma. A vif. Sur une plaque à induction.

Partant en quête d'une huile ou de n'importe quel matière grasse à balancer au préalable dans la poêle, elle prit un long moment.. Un trop long moment avant de trouver le Saint Graal. S'arrêtant devant la poêle fumante, elle versa un peu du liquide qui.. Fuma exagérément et s'embrasa alors qu'elle recula.

« OH MERDE ! » Posant la bouteille sur l'autre plan de travail, Leta balaya la fumée d'une main et s'enquit d'un torchon pour étouffer la flamme avant de se rendre compte qu'Ángel était là. Elle lui adressa un regard entendu. « ..Sans commentaire. » Vraiment ? « C'est la poêle. »

Bien sûr.
Ça n'avait donc rien à voir avec sa malédiction de la cuisine.
Rien du tout.

Tentative soldée par un échec, c'était l'illustration parfaite d'un savoir-faire totalement absent. Depuis des années pourtant, il était évident que la solitaire ne pouvait compter que sur son habileté à cuisiner afin de se nourrir.. Surement eut-elle trouvé des façons détournées de s’en sortir afin de ne pas s’empoisonner. Tout de même dépitée face au constat de son incapacité à préparer un plat simple – voir enfantin – à Ángel, elle se refrogna alors que la fumée eut déjà envahi l'espace cuisine.

Lorsque son regard se reporta finalement sur son fiancé, elle capta son sourire et son regard luisit d'une lueur tout aussi irritée que ses traits tirés. Fronçant ensuite les sourcils, elle reporta son attention sur le fameux torchon pour comprendre rapidement sa méprise et aussitôt jurer avec naturel. « .. Putain, mais fait chi.. » Coupée dans son élan alors qu'elle se mordait la langue, son regard fugacement glacé trahi l'autre présence. « Aïe ! » Si Darla ne fut pas prête à cuisiner, elle n'apprécia pas pour autant d’entendre son alter ego jurer comme un Bates. « Ça va pas non ?! » Souffla Leta à voix basse, menant sa main à sa lèvre inférieure pour effleurer le bout de sa langue mordue.

Voyant ensuite Ángel arrêter son désastre afin de prévenir une catastrophe plus grande, elle plissa le nez en réponse à sa moquerie. « Je vais arrêter de vouloir essayer hein.. » Effectivement, il serait fâcheux qu'elle soit veuve avant de se marier ou même qu'elle meurt avant l'échéance.

Croisant les bras, Leta semblait alors décidée à ne plus toucher aucun ustensile de cuisine, ni même ingrédient à cuisiner. Pour autant, elle comprit assez vite que son choix avait été avisé lorsqu'elle perçue la réaction de sa moitié. « ..Ça aurait été encore mieux si Anna avait pu les terminer. C'était pas bien compliqué pourtant. » Grommelait-elle en observant casserole et poêle abandonnées sur le champs de bataille de leur petit jeu perfide.

Si ça avait été parfait sur l'instant,
La conséquence lui semblait soudain amère.

Râleuse décroisa finalement ses bras afin de glisser ses mains le long de ceux d'Ángel alors qu'il l'enlaçait. Regard céruléen lui revenant, elle scruta ses traits pendant un instant avant de laisser son attention vagabonder sur sa peau et ses tatouages. Un de ses index vint même redessiner ses contours avec attention. « J'ai faillis foutre le feu en voulant faire des oeufs.. » Rappelait-elle avec une pointe de dépit, mi-boudeuse, mi-consternée avant de river ses iris claires sur les siennes. « T'aimes vraiment vivre dangereusement. » N'est-ce pas.

Pensive, elle jaugea ensuite les plats abandonnés en pinçant les lèvres.
Cap ou pas cap, Leta ?

Soupirant afin d'expulser sa contrariété et ne pas gâcher leur soirée si bien entamée, elle en revint à Ángel au bout de quelques secondes de réflexion, sans pour autant quitter le confort de ses bras. « Okay.. Mais je garantis pas de l'issue. » Au moins, c'était honnête.. Et réaliste.

« Tu sais, » Reprit-elle ensuite, le sourire de retour sur ses lèvres pour marquer sa malice. « Même si j'aimerais continuer à profiter de la vue, je me dois tout de même de te dire que je t'ai amené des affaires.. » Doigts revenant dessiner les encres marquant la peau d'Ángel, elle jouait la carte de l'innocence alors même qu'elle savait que sa révélation avait un peu tardée. Désignant de ce même index joueur les affaires rangées dans un sac qu'elle avait mis de côté dans le salon, elle haussait les épaules, l'air de rien. « ..J'avais oublié ? »

Ou pas.
Ce mensonge n'avait rien de convainquant.
Mais qui pouvait l'en blâmer ?  

Tête à tête qu'Ángel préférait et que Leta ne pouvait qu'approuver avec un sourire ; La boudeuse préféra laisser son humeur orageuse de côté afin de profiter de la soirée. Pour autant, elle jugea opportun de rappeler à son fiancé qu'il aimait décidément vivre dangereusement.

Consciente qu'elle en était en partie – ou grandement, tout dépendait des points de vue – responsable, elle ne put s'empêcher d'être captivée par ce regard et cette expression que lui adressait son fiancé et surtout, qui se passait de tous les mots superflus. Regard vibrant fugacement, elle resta silencieuse quelques secondes encore avant de finalement laisser échapper spontanément un.. « ..Je pourrais traverser l'enfer pour ce regard, tu t’en rends compte ? » Alors que sa main glissait contre sa joue jusqu'à ce que son pouce vienne flirter doucement avec ses lèvres.

Finalement, l'un pour l'autre, ils étaient indubitablement capables de tout.
Du meilleur comme du pire.
Et ils l'avaient déjà prouvé.

Passion dangereuse aux limites reniées, c'était pourtant dans celle-ci que Leta se retrouvait le mieux lorsqu'elle songeait à son fiancé. Pour celle qui avait passé sa vie dans la retenue de ses sentiments, elle se retrouvait à en écraser les limites.
C'était un paradoxe de plus à ajouter à la longue liste de celle qu'elle était. De ce qu'ils étaient.

L'aveu malicieux tombait ensuite alors qu'Ángel décidait de rester dans sa tenue actuelle.. – Si tant est que cela puisse être finalement considéré comme une tenue – pour le plus grand plaisir de Leta. Le choix glissé à l'oreille et l'emprise plus ferme la fit se rapprocher alors qu'elle vint glisser contre ses lèvres quelques mots : « Je vais te suivre alors. » Concluait-elle d'ailleurs d'un baiser faussement chaste alors qu'elle se détachait pour ôter sa veste kimono et la déposer sur le dossier d'une chaise, le tout agrémenté d’un regard malicieux lancé au Persécuteur.

Faire la cuisine avec le moins de vêtements possibles, c'était tout un concept.
Venant se placer de l'autre côté du plan de travail, Leta attrapait finalement le couteau planqué dans son rangement et observait la lame. « .. Ça, je sais faire. »

C'était une certitude alors qu'elle observait la lame d’un œil critique. « Mes couteaux de cuisine sont meilleurs et pourtant.. Je ne cuisine pas. » Râlait-elle, parce qu'évidement, eux aussi appartenaient à une collection. C'était une évidence.

Attrapant les légumes, elle préparait le terrain avant de se mettre à les couper avec une habileté qui trahissait son habitude à manier toutes lames lui passant sous la main. Son aisance contrebalançait surement la catastrophe qu'elle pouvait être en tant que cuisinière.. Ou pas.

Terminant ses diverses découpes, elle déposa le tout sur le côté pour aller se laver les mains et revenir près d'Ángel. « Alors ? Ça se passe bien ? » Evidemment que ça se passait bien, puisque lui ne mettait pas le feu à la cuisine.
Venant gouter une sauce tranquillement, son regard s'éclaira. « C'est trop bon. » Attrapant un contenant avec des grains blancs, elle l'examina. « Un peu plus de sel peut-être ? » Prête à ajouter, elle s'arrêta en jaugeant Ángel et dans un éclair de lucidité gouta d'abord quelques grains pour constater que c'était.. Du sucre.

« .. Peut-être pas, finalement. » Leta reposa le sucre sans annoncer que ça en était, évidemment. A la place de cela, elle le planqua loin avec une légère moue et finalement retourna s'appuyer contre le plan de travail en venant poser son menton au creux de ses mains. Pensive, elle regarda faire son fiancé avant de finalement river son regard sur ses traits et rompre son silence. « Tu sais.. J'ai un grand frère. »

Non.
Il ne savait pas.  
Personne ne savait.
C'était d'ailleurs pour cela qu'elle en parlait.
Pour briser le tabou à la Forsyth.

« J'ai commencé à le chercher.. » L'esprit ailleurs, rôdant autour des quelques souvenirs qui lui restait de Darcy, elle joua machinalement avec les légumes empilés sous sa main. « J'aimerai lui annoncer notre mariage avant d'aller voir.. Les Forsyth. » Ce nom, dans sa bouche, c'était intuitivement plus froid. Parce qu'elle les avait distancés depuis son départ.

Ils ne faisaient plus parti de sa vie depuis dix ans maintenant et ça lui semblait d'autant plus compliqué de renouer avec eux.

Parce qu'elle était différente.
Parce qu'elle était devenue la contradiction de ce qu'ils avaient espérés faire d'elle.
Parce qu'elle était ce qu'ils méprisaient avec ferveur.

Avant même que la passion ne devienne maitresse de leur relation, la confiance s'était jadis installée. Confident et pilier d'une existence vouée à la déchéance, Ángel avait toujours été l'oreille attentive à laquelle la mutante avait livré certains de ses secrets.

Pour autant, il existait des tabous que ni l'un, ni l'autre, n'avaient cherchés à franchir ; si pour le premier, c'était essentiellement par méconnaissance, pour l'autre c'était plutôt par mécanique de rejet et de déni. De la fugue à ses raisons, puis de l'accident aux conséquences de l'éveil du gène X, Leta était consciente qu'elle avait cumulé les zones d'ombre par simple habitude du silence.

Solitaire dans l'âme mais aussi dans ses douleurs les plus profondes, elle s'était accoutumée aux non-dits jusqu'à voir sa bulle de confort capitonnée de déni lui exploser au visage. Depuis, Leta tentait d'appréhender ses zones d'ombre autrement ; elle tentait de revenir sur un chemin qui lui serait bien moins délétère. Âme qui comprenait enfin l'essence de ses déboires passés, c'était grâce à cette fenêtre ouverte sur celles qu'elle fut que Leta se retrouvait à évoluer.

Si Ángel était en mesure de le comprendre, la Forsyth avait pourtant conscience de devoir, dans le processus, lui apporter un lot de surprises dont elle se serait bien passée. Ainsi, lorsqu'elle voyait son fiancé digérer la nouvelle, elle ne put s'empêcher de pincer les lèvres tandis que machinalement, une de ses mains jouait avec un des couteaux laissé sur le côté.

Regards se partageant dans le silence, elle entendait les mots suspendus et acquiesçait simplement d'un mouvement du menton. Une part d'elle savait cette démarche tout à la fois libératrice et essentielle. Un sourire léger et vague se perdit sur ses lèvres lorsqu'Ángel lui proposa même de lui parler de son frère.

Le regard céruléen se détournait en quête des quelques souvenirs éparses et de cette première peine au cœur qu'elle avait subi. Si la mémoire de Leta était un véritable champ de mines du fait de la superposition des âmes, elle se souvenait néanmoins encore parfaitement de ce sentiment qui l'avait accablé lorsqu'elle avait vu pour la dernière fois le dos de son frère s'éloigner puis sentie le silence s'abattre sur ses épaules.

L'abandon.
Leta en avait enfin compris la définition.

Reposant le couteau sur le plan de travail, elle inspira en se redressant légèrement. « Il a été adopté avant moi.. Quand je suis arrivée, il était déjà là. Il fait d’ailleurs parti de mes premiers souvenirs. » Adoption dont elle n'aimait pas réellement aborder le sujet, par habitude qui alliait les questionnements associés aux parents biologiques et problématiques des parents adoptés. C'était à cause de tout cela que Leta s'était jurée de ne jamais être vraiment famille. « Il avait huit ans de plus de moi.. » Mal à en parler au présent, elle se ravisait en se mordant la lèvre inférieure. « Enfin, il a.. Huit ans de plus que moi. »

Regard hésitant trahissant cette maladresse devenue ordinaire à exprimer ses sentiments, Leta revenait porter ses iris claires sur les traits d'Ángel afin de s'enquérir d'un réconfort qu'il était le seul à pouvoir lui offrir. Passé quelques secondes de silence, elle reprenait finalement : « On était proches, lui et moi. Il veillait toujours sur moi. » Et malgré toute cette proximité, son prénom n'avait pas encore passé ses lèvres, comme dans une ultime défense. Un besoin d'encore distancer le souvenir le plus marquant qu'elle allait devoir partager pour justifier sa réserve. « ..Sauf qu'un jour, il est parti. » La chute frappait de manière presque trop abrupte alors que par instinct, elle se retranchait derrière son habituelle distance. « J'avais huit ans, et je me souviens juste des.. Des hurlements puis de son absence. »

Du tout au rien, c'était ce premier gouffre qui l'avait hanté pendant longtemps. Qui avait façonné les prémices de sa peur de l'abandon.

Mais cela, elle ne le verbalisait pas.
Mais cela, elle laissait le loisir à Ángel de lire entre ses lignes.

« Après ça, les Forsyth m'ont juste ordonné de ne plus jamais parler de lui. Plus jamais. » Mécanique du déni dont avait hérité Leta qui se dévoilait dans l'ordre quasi-militaire qui lui avait été donné, il s’avérait qu’elle avait été conditionnée à suivre un chemin.

Et finalement, c'était ce qu'elle avait fait.
Et finalement, c'était au nom de cela et de tant d'autres choses qu'elle leur en voulait.

« En bonne gamine, je l'ai fait. » Concédait-elle le regard détourné pendant un instant avant d'en revenir aux traits d'Ángel. « Je n'avais pas d'autre choix. J'avais .. » Elle en eu un rire incrédule et faussement amusé tandis que son visage signait négativement. « Je crois que j'avais peur qu'ils me rapportent pour m'échanger, si je n'obéissais pas. C’est débile, je te l’accorde. »

Parce qu'elle avait grandi avec un amour conditionnel.
Un amour marchandé.
Un amour artificiel.