Du porte à porte [PV Zayn]

S'il y avait bien un mot pour qualifier Hugh Reid, c'était "méticuleux". "Têtu" était également en haut de la liste, et ces deux traits de caractère le guidaient aujourd'hui encore, au sein de ce quartier duquel il était peu familier, un carnet à la main, griffonnant méthodiquement les pages de l'ouvrage jusque là vide.

Depuis ses dernières retrouvailles avec Zayn Garett, Hugh s'était mis en tête de revoir celui qui avait été son ami (même si cela n'avait pas été partagé) et de lui rendre ce qu'il n'avait pas pu récupérer. Il avait soigneusement rassemblé tout ce qu'il avait été en mesure de retrouver du travail du scientifique, compilant les données sur une clé usb qu'il avait glissé dans sa sacoche.

Cette dernière rebondissait contre sa jambe au fur et à mesure de ses pas rapides, alors que Hugh sortait de l'immeuble qu'il avait investigué en profondeur. Zayn ne lui avait pas vraiment donné de moyens de le retrouver, et Hugh avait donc décidé de mener son enquête.

Sans réelles pistes, hormis l'endroit où ils s'étaient retrouvés par pur hasard, Hugh avait donc commencé ses recherches. C'était le premier immeuble qu'il investiguait de la journée, et le cinquième depuis qu'il avait récupéré les données de Zayn et avait entamé son enquête.

Hugh ne pouvait pas se permettre que sa sœur puisse soupçonner quoi que ce soit, et il devait aussi prendre garde au couvre-feu, ce qui ralentissait considérablement ses recherches. Mais il n'abandonnait pas pour autant. Cela prendrait le temps nécessaire. Hugh Reid pouvait se montrer d'une extrême patience lorsqu'il le souhaitait.

L'homme attendit que quelqu'un daigne entrer dans l'immeuble pour le suivre, entamant son enquête. Malgré son désir de retrouver Zayn, Hugh n'avait rien d'un Sherlock Holmes, et, avec les éléments dont il disposait, il n'avait donc pas eu d'autre idée que celle de toquer à chaque porte jusqu'à tomber sur Zayn. En espérant qu'il habitait à proximité de l'endroit où ils s'étaient retrouvés, et non à des kilomètres et des kilomètres de là.

Première porte ouverte. Première politesse échangée mécaniquement, suivi immédiatement d'une question, son crayon prêt à griffonner dans le carnet :

"Bonjour. Est-ce que Zayn vit ici ?"

L'homme grommela un vague "Non" avant de lui claquer la porte au nez. Après un sursaut incontrôlé, Hugh raya le numéro de l'appartement, avant de procéder à la prochaine porte. Il n'était pas certain du nombre de portes auxquelles il avait tapé lorsque ses recherches portèrent enfin leurs fruits, la porte s'ouvrant sur son ami.

Un sourire commença à se dessiner sur les lèvres de Hugh, avant que cette expression ne s'efface dans l'immédiat, se rappelant des circonstances de leurs précédentes retrouvailles. Regard fixé sur un point quelconque derrière Zayn, Hugh articula soigneusement, tout en rangeant son carnet dans sa sacoche :

"Bonjour, Zayn. Tu n'étais pas facile à trouver. Je ne crois pas que tes voisins te connaissent particulièrement."

Il ajouta, tapotant sa sacoche :

"Je viens te rapporter ce dont je t'ai parlé."

Hugh espérait qu'il apprécierait son initiative. Il avait même réussi à récupérer sa fameuse agrafeuse, qu'il avait subtilisé chez Trask Industries. Hugh détestait l'idée de voler, en particulier son employeur, mais il avait fait une promesse à son ami, et Hugh ne se défaisait jamais de ses promesses.

Il n'y avait pas besoin d'être particulièrement perceptif pour comprendre que Zayn n'était pas ravi de la présence de Hugh. Le bio-informaticien ne put s'empêcher d'avoir un léger mouvement de recul lorsque Zayn le fusilla du regard, mais il eut tôt fait de se redresser, prenant une profonde inspiration pour se calmer.

Il n'avait rien à se reprocher. Il avait bien fait comprendre à son ami qu'il avait l'intention de le revoir, mais c'était Zayn qui avait choisi de le fuir sans demander son reste. Tout ça, alors que Hugh devait tenir sa promesse, aussi bien de lui rendre ses dossiers qu'il n'avait pu récupérer à Trask Industries que de le rembourser de leurs boissons que son ami avait payé pour eux deux.

Ce que Hugh lui fit comprendre, ses doigts s'égarant le long de ses jambes pour les tapoter nerveusement :

"Tu sais pourquoi je suis là, et je ne vais pas être plus spécifique tant que je serais sur le pas de ta porte, où tout le monde pourrait nous entendre. Je t'ai promis quelque chose, et tu sais que je tiens toujours mes promesses. Si tu m'avais donné un moyen de te recontacter, nous n'en serions pas là actuellement."

Hugh avait débité ces phrases rapidement, un peu trop rapidement, son tapotement s'accélérant en suivant le rythme de ses paroles. En vérité, il était agacé par la manière dont leur dernière rencontre s'était terminée, Zayn le fuyant sans lui laisser le temps ni l'opportunité de répondre à ce qu'il lui avait dit. Il savait très bien que l'état dans lequel se trouvait Hugh ne lui permettait pas de le rattraper ou de l'appeler pour qu'il daigne se retourner, et il en avait profité pour l'éviter. C'était déloyal, à ses yeux.

Une autre inspiration. Hugh devait se calmer. Il ne pouvait pas se laisser aller à de la colère avec Zayn, encore moins alors que leur interaction venait à peine de commencer. L'homme se concentra brièvement sur sa respiration, s'assurant de sa lenteur, avant de reporter son attention sur son ancien collègue lorsque ce dernier lui demanda comment il savait où il habitait. Ce fut donc en toute franchise qu'il lui fit réponse :

"Je suis parti de l'endroit où nous nous sommes retrouvés, et j'ai exploré les immeubles alentour. J'ai tapé à chaque porte en demandant si un certain Zayn était présent. Je n'en ai pas dit davantage."

Hugh eut un léger frisson, ajoutant d'une voix qui transcrivait clairement son inconfort :

"Quelqu'un m'a craché la figure. Un autre m'a demandé de le payer pour me donner réponse, et il m'a finalement dit qu'il n'a jamais entendu parler d'un Zayn. Ce jour-là, je n'avais plus les moyens pour prendre le bus, et j'ai dû rentrer à pied. J'ai failli me retrouver hors-la-loi, à ne pas pouvoir respecter le couvre-feu. Ton voisinage est réellement désagréable."

Il ajouta, comme s'il devinait ce que Zayn pourrait lui reprocher :

"Je n'aurais pas eu à faire du porte-à-porte si tu m'avais donné ton adresse. Ou ton numéro de téléphone. Ou n'importe quoi de tangible pour te retrouver. C'était tout ce que je te demandais, pour pouvoir respecter ma promesse, et tu ne m'as rien donné de cela."

Hugh croisa les bras, se balançant légèrement sur ses pieds, son regard se posant sur l'appartement de Zayn, derrière son "ami" :

"Est-ce que je peux entrer ? Je pourrais parler plus librement chez toi. Et je ne dirais pas "non" à un verre d'eau. Ton immeuble est le deuxième que j'investigue aujourd'hui, le précédent avait une dizaine d'étages. Et l'ascenseur était en panne."

Et s'il entrait, Hugh pourrait enfin tenir sa promesse et lui rendre tout ce qu'il stockait dans sa sacoche. Et après ? Après, il espérait que Zayn ne le jette tout simplement pas dehors... Et qu'ils pourraient essayer de construire quelque chose ensemble. Malgré leurs premières retrouvailles peu concluantes.

Pour Hugh, la situation était des plus simples. Il avait promis de rendre à Zayn ce qu'il n'avait pas été en mesure de récupérer chez Trask Industries, et, pour cela, il était nécessaire que Hugh parvienne à le localiser. Zayn avait mille façons de lui permettre de faire cela sans que Hugh n'ait à le traquer ou parler de lui à qui que ce soit, mais, au lieu de cela, son ex-collègue avait pris la poudre d'escampette, et Hugh avait donc dû se débrouiller avec le peu qu'il avait, c'est-à-dire rien du tout.

Hugh ne réalisait pas vraiment qu'il était le seul à s'être mis en tête cette idée, malgré le refus évident de Zayn de le fréquenter et de le revoir. Tout ce qu'il voyait, c'était qu'il avait fait une promesse à un ami, même si leur relation n'était plus aussi évidente qu'elle l'était par le passé, et qu'il ne pouvait tout simplement pas la trahir, qu'importe les conséquences. S'il avait dû investiguer Zayn de la sorte, c'était donc forcément de sa faute, comme il paraissait s'en offusquer après ses paroles.

Face à sa protestation, Hugh hocha donc la tête vigoureusement, arguant avec l'entêtement qui le caractérisait :

"Bien sûr que c'est de ta faute ! Comme je te l'ai dit, j'avais une promesse à tenir, et rien de concret pour te retrouver, après que tu sois parti sans rien me laisser. Mes promesses, je les respecte toujours."

Pourtant, après lui avoir fait le récit de ses mésaventures, Hugh ne put que s'incliner devant la logique de Zayn. Il se rappelait très bien leurs retrouvailles, presque au mot près, et il était vrai que Zayn n'avait jamais fait ce type de promesses de son côté. S'il voulait bien reconnaître cela, Hugh persistait à penser que cela signifiait que son ami ne pouvait absolument pas se plaindre de sa présence ici ou des moyens par lesquels il était parvenu à le trouver. A quoi s'attendait-il, en revenant dans sa vie comme ça et en s'échappant de la sorte ?

Lorsque Hugh lui demanda d'entrer, Zayn s'effaça du passage, après un soupir visiblement ennuyé. La frustration était partagée, car le bio-informaticien aurait largement préféré que son ancien collègue lui donne la permission explicite de passer le pas de la porte. Il avait presque l'impression de s'introduire chez Zayn sans son autorisation, et cela le rendait inconfortable. Un "Hmm contrarié franchit le seuil de ses lèvres, mais après une brève hésitation, Hugh parvint finalement à se pousser à entrer.

Une fois que la porte fut fermée derrière eux, Hugh se laissa aller à un de ses laïus, regard fixé vers le sol, doigts tapotant énergiquement ses jambes :

"Je pense avoir pu récupérer la majorité de ce qui t'appartenait à Trask Industries. Je ne voulais pas laisser des traces de mon action, et j'ai donc mémorisé le contenu de tes recherches qui n'était pas déjà numérisé avant de les retranscrire sur ordinateur en-dehors du travail. Comme tu le sais, j'ai une mémoire particulièrement avancée, et si je ne pourrais plus te les réciter au mot près maintenant, loin de là, j'en étais capable au moment où j'ai transcris tes recherches. Tout est sur clé usb. Et... Et..."

Hugh farfouilla dans son sac, récupérant la clé usb, l'agrafeuse de Zayn, ses stylos et sa tasse personnelle, les déposant sur le meuble le plus proche tout en continuant à se perdre dans son récapitulatif :

"J'ai récupéré aussi tout cela, parce que ce sont tes affaires, et que t'empêcher de les emporter avec toi constituait un vol. Je n'aime pas qu'on me prenne mes affaires, j'ai supposé qu'il en était de même pour toi. Et, et, et je n'ai moi-même rien volé, puisque je me contente de restituer ce qui t'appartient. Je ne suis pas en tort là-dedans."

Hugh n'était pas certain qu'il cherchait à convaincre Zayn autant qu'il essayait de se persuader lui-même qu'il n'avait rien à se reprocher. Même s'il avait parfois ses propres moments de doute vis-à-vis de Trask Industries, il détestait l'idée de causer du tort à sa chère entreprise d'une quelconque façon. Malgré tout, il avait fait une promesse à un ami, et, dans l'échelle des priorités de Hugh Reid, cela passait avant son devoir de loyauté envers son entreprise.

L'homme reprit son souffle après son long monologue, tirant machinalement sur ses manches dans un réflexe incontrôlé. Il n'avait pas encore retiré sa veste, ni effectué le moindre geste qui pourrait indiquer qu'il se sentait pleinement invité chez Zayn, partant immédiatement dans son discours comme si sa vie en dépendait. Il lui fallut un instant pour retrouver le fil de ses pensées, ainsi que la parole, soufflant d'une voix un peu plus calme :

"Est-ce que je peux avoir ce verre d'eau ? S'il te plaît ?"

Attendant la réponse de son ami, Hugh laissa son regard dériver sur l'environnement qui l'entourait, absorbant peu à peu les informations qu'il pouvait percevoir. La musique qui résonnait dans l'appartement accaparait ses sens, et il avait du mal à s'accommoder du volume sonore, même s'il ne pensait pas à l'exprimer actuellement, focalisé avant tout sur la soif qui la tenaillait, et l'anxiété grandissante que, ses affaires récupérées, Zayn le jette simplement hors de chez lui...

Une part de Hugh savait que Zayn avait raison, et que Trask Industries ne considérerait pas son acte comme acceptable. Si le scientifique n'avait rien pu emporter en étant viré manu militari, c'était bien qu'il y avait une raison. Mais cette raison, obscure à ses yeux, ne satisfaisait pas Hugh, pas plus que le fait que Zayn avait dû laisser une partie de lui sans avoir la chance de la récupérer. Ce n'était pas juste. Ce n'était pas normal.

Il se raccrocha donc obstinément à son point de vue, tirant un peu plus fort sur ses manches au risque de les déchirer, affirmant d'une voix qui se voulait déterminée, mais qui était incapable de dissimuler pleinement les doutes qui lui traversaient l'esprit :

"Je ne suis pas en tort, et ce n'est pas un vol. Ils n'avaient pas à te renvoyer comme ça, qui plus est sans te laisser l'opportunité de récupérer ce qui t'appartient."

Et là était le nœud du problème. Avec le retour de Zayn dans sa vie, la frustration liée à son départ incompréhensible et soudain se faisait de nouveau présente, alimentant un peu plus les racines fragiles du doute vis-à-vis de Trask Industries.

A sa connaissance, Zayn n'avait rien fait qui justifiait de le renvoyer, et qu'il n'ait pas même eu l'opportunité de répondre de ce que l'on accusait écœurait Hugh. Ils ne l'avaient pas écouté non plus, lui, le mutant neurodivergent, alors qu'il se faisait l'avocat de celui que personne ne voulait défendre. Ce n'était pas normal. Ce n'était pas acceptable. Ce n'était pas juste. Et s'il y avait bien quelque chose que Hugh ne pouvait pas supporter, c'était l'injustice.

Heureusement pour eux deux, la musique toujours un peu trop forte et le verre d'eau qui lui fut alors apporté parvinrent à distraire Hugh de ses pensées et de son agacement. Il avala le contenu du verre sans demander son reste, réalisant seulement maintenant à quel point il était assoiffé, avant que son cerveau ne daigne finalement donner sens aux dernières paroles de Zayn.

Essuyant ses lèvres d'un geste distrait, Hugh posa le verre vide sur le buffet à proximité, sa tête se penchant légèrement sur le côté comme elle avait tendance à le faire lorsque le bio-informaticien était intrigué par quelque chose. Il prit alors la parole, non sans curiosité :

"Une autre promesse ?"

Hugh essayait de se rappeler de ce qu'il avait pu lui promettre, avant de réaliser qu'il ne l'avait toujours pas remboursé pour les verres qu'il était censé payer pour deux, la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Un petit "Oh." lui échappa et il glissa sa main dans sa sacoche pour en tirer son porte-feuille, comptant l'argent qui se trouvait dedans avant de lui tendre la somme au centime près :

"Cette promesse-là ? J'étais censé payer pour nous deux, lorsque nous sommes allés dans ce bar, mais c'est toi qui a finalement payé le tout. Et même un peu plus."

Hugh ne voulait pas garder cet argent qui n'était pas le sien, cet argent qu'il aurait dû dépenser la dernière fois. Heureusement, aujourd'hui, il n'avait dû financer personne pour obtenir des informations, et il lui restait donc largement de quoi payer son retour à domicile, même après avoir effacé sa dette. Une promesse de tenue, une fois de plus. A moins que Zayn ne voulait lui parler d'autre chose ?

Hugh laissa échapper un petit "Hmm ?" après la question inattendue de Zayn. Il ne répondit pas immédiatement, se balançant doucement sur ses pieds, talon, pointe, talon, pointe, alors qu'il s'efforçait de répondre à une interrogation qu'il ne s'était jamais posée. Pour lui, c'était l'évidence même. Zayn n'était pas coupable de ce qu'on l'accusait. Il avait une éthique de travail, un attachement profond à son entreprise, et le Zayn qu'il connaissait à l'époque ne serait pas rabaissé à commettre les actes dont on l'avait décidé coupable. Ce qu'il finit par dire, en toute simplicité, comme s'il ne pouvait pas y avoir d'autre réponse à donner :

"Parce que j'ai confiance en toi. Et que le collègue que je connaissais n'aurait pas agi comme ça."

Hugh en était intimement convaincu. Il l'était à l'époque, et il l'était toujours aujourd'hui, même s'il réalisait que Zayn était bien différent de l'homme qu'il avait fréquenté alors. Peu importe. Hugh n'était peut-être pas familier avec ce Zayn actuel, mais celui d'autrefois n'aurait pas commis les actes dont on l'accusait.

Ce n'était simplement pas lui. Et Hugh ne comprenait pas cet acharnement à son égard, aussi injuste que déplorable. Mais le bio-informaticien avait été impuissant pour stopper cela, et il ne pourrait davantage changer les choses aujourd'hui. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était essayer de soutenir son ancien collègue. Avec ses maigres moyens.

La promesse que Zayn avait évoqué n'était pas celle à laquelle il pensait. Son "ami" refusa son argent, une décision qui n'était pas sans contrarier Hugh, qui décida arbitrairement de poser la somme sur le buffet, avec le reste de son bric-à-brac, et de ne pas repartir avec, qu'importe ce que Zayn pourrait lui dire.

Peut-être que cela ne lui importait pas, mais, pour Hugh, cela restait une promesse qu'il ne voulait pas garder brisée. Il était supposé payer leurs boissons, et il ne l'avait pas fait, et s'il ne pouvait pas réparer cela d'une façon ou d'une autre, Hugh serait incapable d'arrêter d'y penser. Et il n'avait définitivement pas l'énergie, ni le mental pour cela.

Zayn finit par se montrer plus explicite, et Hugh lâcha un autre "Oh.", admettant que cela faisait beaucoup plus de sens, venant de son ami. Il avait plus ou moins compris que l'homme voulait préserver sa discrétion, ce pourquoi il n'avait pas colporté plus que son prénom lorsqu'il s'était mis en tête de le chercher.

Il n'était pas certain de la raison exacte de sa méfiance, probablement quelque chose à voir avec ses recherches dont Hugh ne gardait maintenant qu'un bref souvenir (sa mémoire ne conservait pas éternellement ce qu'elle absorbait, surtout si vite et en si grande quantité), mais ce serait un sujet de discussion pour une prochaine fois, si Zayn voulait en parler avec lui. Pour l'instant, il voulait surtout essayer d'être considéré comme un potentiel ami par son hôte, et cela passait par une certaine restreinte de son indéniable curiosité.

"Personne ne saura rien. Tu sais, tu n'es pas le premier à me demander de garder un secret, et je n'ai trahi aucun de ceux que l'on m'a confié."

Il posa son index sur ses lèvres, non sans une certaine fierté, malgré le doute qui l'habitait quelque peu. Il pensait surtout au secret qu'il partageait avec Darius, sa nature, ses activités, son opposition à Trask Industries... Hugh savait qu'il devrait dénoncer son ami, mais il était son ami, et il lui avait fait une promesse, et cela passait avant tout le reste. Qu'importe les conséquences.

La musique commençait doucement à lui scier les nerfs. Sa veste était chaude sur sa peau, et Hugh brûlait de s'asseoir et de pouvoir se reposer un peu de ses pérégrinations. Des désirs qui s'entrechoquaient et se se heurtaient les uns aux autres, laissant Hugh à court de mots pendant un instant, ses mains venant presser ses oreilles dans un geste maladroit. Il ferma les yeux, prenant de profondes inspirations pour calmer l'agitation qui régnait dans son corps et son esprit. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Progressivement, les mots lui vinrent, et c'est soigneusement qu'il articula, comme s'il voulait s'assurer de communiquer le plus clairement ses pensées :

"La musique est trop forte. Il fait chaud. Peut-on s'asseoir pour discuter ?"

S'ils s'asseyaient, ce serait un premier signe que Zayn l'acceptait chez lui. Même si, pour l'instant, Hugh avait surtout en tête de pouvoir reposer son corps fatigué, et cherchait l'opportunité de se rouler en boule, comme il avait tendance à le faire dès lors qu'il cherchait à être confortable.

"S'il te plaît."

Trop poli. Toujours. Même s'il persistait à croire que Hugh était singulièrement différent au travail et dans sa vie privée, il n'en gardait pas moins ce réflexe de montrer malgré lui des signes de soumission dans ses interactions. Un signe certain de son manque d'estime de soi, et de ses difficultés à interagir d'égal à égal avec ses pairs...

Hugh ne prit pas même la peine de relever le soupir agacé de Zayn, après avoir déposé ouvertement l'argent qu'il refusait de lui prendre. Une nouvelle fois, il était responsable, après tout.

Hugh n'avait jamais demandé qu'il paie pour eux deux, il l'avait simplement fait pour pouvoir s'enfuir sans être retenu par qui que ce soit. C'était par sa faute que Hugh s'était endetté auprès de lui, et il était donc bien mal placé pour se plaindre. Une terrible mauvaise foi, vraiment...

Mais pas d'inquiétude. Hugh était là pour rétablir la vérité, sa vérité, et il ne plierait pas à ce sujet-là. Quand il le voulait, le bio-informaticien pouvait se montrer des plus inflexibles. Comme il l'était lorsqu'il s'agissait de garder un secret, afin de tenir une promesse...

Une force qui ne transparaissait guère à ce moment, alors que les sens de Hugh étaient bouleversés de toute part, aussi bien par le bruit que la chaleur, ou encore la fatigue. Les mains de l'homme étaient venues presser furieusement ses oreilles, comme s'il espérait atteindre la totale surdité par ce geste.

L'ouïe, cela avait toujours été son sens le plus aigu, le perturbant au quotidien quand la plupart des gens ne prêtaient pas même attention aux sons qui le déstabilisaient ainsi. Il était parfois si difficile de vivre dans un monde aussi bruyant que l'était celui-là, malgré le casque anti-bruit dont il se séparait rarement lorsqu'il s'aventurait dehors...

Pour son plus grand soulagement, toutefois, Zayn daigna prêter attention à sa détresse, et mit fin à sa torture, non sans maugréer à ce sujet. Une fois la musique baissée, Hugh parvint à rassembler ses pensées pour répondre, tordant légèrement ses doigts dans un geste automatique :

"J'ai dit que la musique était trop forte. Pas mauvaise. Y a-t-il vraiment besoin de l'écouter à un volume pareil pour l'apprécier ?"

En soi, l'audition de Hugh n'avait rien de surhumaine. S'il lui arrivait d'entendre le bourdonnement d'un frigo, c'était surtout que son ouïe ne lui permettait pas de prioriser ce qu'il percevait en bonne et due forme. Là où un neurotypique pouvait généralement faire abstraction des sons parasites, ceux-ci résonnaient aussi forts que le reste pour Hugh. Il lui devenait donc difficile de mettre de l'ordre dans ses pensées, ou de réussir à articuler quoi que ce soit, quand tout était aussi bruyant autour de lui...

Heureusement pour lui, l'environnement était déjà beaucoup plus supportable, bien qu'il brûlait toujours de retirer sa veste. Tirant sur les manches de cette dernière, Hugh se retrouva pris de court devant la question soudaine de Zayn. Pour lui, cela faisait sens qu'il n'était pas simplement venu rendre ce qui appartenait à son ancien collègue. Certes, il voulait respecter sa promesse, mais... mais il voulait aussi une chance de reconnecter avec Zayn. D'apprendre à le connaître, et à se faire apprécier de lui. Mais, visiblement, cela n'avait rien d'évident pour son "ami".

Hugh se mordit la lèvre inférieure à cette pensée, son regard se posant brièvement sur Zayn, avant de s'égarer derrière lui, incapable d'entretenir plus longtemps le contact visuel. Il finit par souffler, d'une voix presque honteuse :

"Non, je ne suis pas venu juste pour cela. En fait, j'avais peur que tu me jettes dehors une fois tes dossiers récupérés. Et... Et j'ai encore peur de ça, maintenant. Un peu."

L'embarras se faisait évident dans sa posture, ses mimiques, ses gestes incontrôlés. Hugh ne tenait plus en place, ses doigts s'approchant de son propre torse pour le tapoter doucement, le regard définitivement fuyant. Il aurait aimé que Zayn lui propose spontanément de rester. De refaire connaissance. Au lieu de cela, il devait lui expliquer qu'il n'était pas venu juste pour lui rendre ses affaires. Et c'était beaucoup lui demander...

"Je ne sais pas exactement de quoi je veux discuter, mais... mais je veux avoir une chance de pouvoir le faire. Pouvoir te demander ce que tu es devenu et, et, et tu me répondras autant que tu te sentiras confortable de le faire. Et je pourrais aussi parler de ce qui s'est passé depuis qu'on s'est quittés, si cela t'intéresse. Je ne sais pas si ça t'intéresse."

Hugh n'était pas doué pour converser. Cela ne lui venait pas naturellement. Il avait presque envie de sortir ses cartes d'habileté sociale, avec des sujets tout trouvés pour converser, mais il doutait que cela soit du goût de Zayn. Cela n'était déjà pas du sien...

"Et je veux pouvoir t'aider, si tu as besoin de moi. Je veux que tu puisses te dire "j'ai envie de le revoir", et que tu résistes au désir de venir me trouver chez moi, parce que ma sœur est là, et qu'elle n'apprécierait probablement pas notre amitié, mais que tu trouverais moyen de me contacter malgré tout. Je... hem... J'aimerais bien discuter de tout cela. Je suppose. Et d'autres choses aussi."

S'ouvrir de la sorte était toujours demandeur en énergie. Une fois ces dernières paroles articulées, Hugh laissa place au silence, se balançant doucement sur place, ses doigts tapotant toujours son torse à un rythme connu de lui seul. Hugh n'aurait jamais été aussi ouvertement lui-même au travail, pas sans trouver refuge aux toilettes pour que ses collègues n'aient pas à le voir aussi vulnérables. Mais il permettait à Zayn de le voir ainsi. Parce qu'il avait confiance en lui. En dépit de tout.

Hugh était sincèrement désolé pour ce qui était arrivé à Zayn, ce qui les avait éloignés de la sorte et avait conduit l'homme à vivre dans ce quartier, loin du travail qui était auparavant tout pour lui. Il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait fallu que les choses se déroulent ainsi, et il détestait tout particulièrement l'impuissance qu'il avait ressenti alors et qu'il ressentait toujours face aux décisions prises par d'autres que lui, sans qu'il ne saisisse le raisonnement qui se trouvait derrière. Zayn ne méritait pas d'être viré. Il n'avait aucune raison de l'être.

"Tu n'es pas rien du tout. Avec ou sans Trask Industries, tu es toujours Zayn."

Un brillant scientifique, un homme d'esprit avec qui Hugh aimait, autrefois, échanger sur toutes sortes de sujets, lorsque le travail ne les absorbait pas trop pour lui permettre de le faire. Trask Industries ne pourrait jamais lui enlever cela, même s'il l'avait privé du reste. Concernant son train de vie, Hugh était tout aussi impuissant à changer cela. Zayn avait lutté pour accepter l'argent dont il lui était redevable, Hugh doutait qu'il prendrait bien l'idée qu'il puisse vouloir lui donner davantage. Et sa sœur n'approuverait pas non plus. C'était elle qui contrôlait toujours ses finances, après tout...

Hugh s'était ouvert auprès du scientifique d'une manière particulièrement intense, confiant à quel point il souhaitait pouvoir à nouveau discuter avec Zayn, renouer avec lui d'une façon qui impliquerait que son ancien collègue puisse vouloir sa présence, et regretter son absence. C'était probablement beaucoup lui demander, mais c'était ce que Hugh avait toujours voulu. Quelqu'un pour penser à lui lorsqu'il n'était pas là, et qui voudrait chercher à le revoir, peu importe les circonstances.

Plus généralement, c'était Hugh qui faisait ce pas vers les autres. Qui allait vers ses pairs et leur proposait d'être là pour eux. C'était presque toujours lui qui avançait vers autrui, et non l'inverse. Rares étaient ceux qui désiraient réellement la présence de Hugh Reid, et qui souhaitaient pouvoir combler son absence... Aussi naïf pouvait-il parfois être, Hugh était tristement réaliste à ce sujet, percevant la manière dont on le considérait, et la place qu'il occupait ou non dans la vie d'autrui. Et c'était ce qu'il voulait pouvoir changer avec Zayn. Ce qui était probablement stupidement optimiste de sa part.

Enfin, Zayn finit par lui proposer un siège. Il fallut un instant à Hugh pour sortir de sa semi-torpeur, avant de répondre à l'invitation de son "ami" et de s'asseoir sur le fauteuil. Prenant cela pour une permission d'être un peu plus à son aise, Hugh finit par retirer sa veste, soupirant ouvertement de soulagement lorsque le poids du vêtement fut enlevé de ses épaules, avant de finalement s'asseoir sur le fauteuil, croisant ses jambes jusqu'à les tordre légèrement.

Ses doigts allèrent instinctivement chercher une imperfection dans les bras du fauteuil, un fil sur lequel il pouvait tirer et dont il entortilla son index, tandis qu'il considérait avec attention les propos que Zayn lui avait précédemment adressé. Ce n'était pas la pitié qui le guidait, même si Hugh était attristé par ce qui était arrivé à son ancien collègue. Il détestait lorsqu'on le regardait comme une pauvre petite chose, ce n'était pas pour réserver le même sort à Zayn. Non, ce n'était pas pour cela qu'il lui proposait son aide, loin de là...

"Je sais ce que je vaux, et je sais pourquoi la plupart des gens que je connais acceptent de me garder dans leur vie. Parce que je peux leur être utile à quelque chose. Et... Et si je peux t'aider d'une quelconque façon, cela veut dire que tu verras une utilité en moi, et que tu accepteras de me revoir. Que tu voudras me revoir, peut-être."

Les yeux de Hugh étaient focalisés sur le fil avec lequel il jouait, le geste l'aidant à calmer ses nerfs et à se focaliser sur le monde qui l'entourait, au lieu de la richesse envahissante de ses propres pensées. A le voir, il était difficile de croire qu'il payait attention à ce qu'on pouvait lui dire, mais, en vérité, éviter le contact visuel et occuper ses mains étaient, pour lui, le meilleur moyen d'être là, bien présent. Ce dont il avait besoin pour converser à Zayn et lui faire comprendre ce qu'il voulait.

"Je n'ai pas pitié de toi, Zayn. Je suis simplement désolé des circonstances injustes t'ayant mené à cette situation, et je suis frustré de mon inaptitude à te redonner pleinement ce qui t'a été volé. Tout ce que j'ai pu faire, c'est te ramener ces fichiers, et ces objets, mais ça ne te rendra pas ton poste. Peut-être que si j'avais été plus convaincant, ils ne t'auraient pas poussé vers la sortie de la sorte..."

Mais personne ne l'avait écouté. Personne ne lui avait accordé le moindre crédit. Alors, Hugh avait fini par baisser les armes, incapable de se battre éternellement contre le système dont il était un des innombrables rouages. Que faire, sinon essayer de préserver ce qui lui rappelait la présence de Zayn ? Que faire, sinon lui ramener ce qui lui appartenait ?

"J'aimerais t'être utile, Zayn. Il y a généralement deux raisons pour lesquelles les gens me gardent dans leur entourage : parce qu'ils s'y sentent obligés, ou parce que je peux leur servir à quelque chose. Et je sais que tu n'as aucune raison de te penser obligé de me garder. Alors, il faut que je te sois utile."

Hugh leva les yeux vers Zayn, un regard qui n'était pas dénuée d'une certaine supplique, tout autant que d'un sentiment de résignation. Les belles amitiés, telles qu'il pouvait les voir dans les livres ou les films, cela n'était pas fait pour Hugh Reid. Il devait s'en accommoder. Se contenter de ce qu'il pouvait avoir.

"Il doit y avoir quelque chose que je puisse faire pour toi. N'importe quoi."

S'il n'y avait pas cela, comment Hugh était-il supposé justifier sa présence dans la vie de Zayn ? Comment pouvait-il espérer que, un jour, peut-être, il manquerait sincèrement à son "ami" ?

Hugh hocha la tête sans mot dire, lorsque Zayn déduisit que le Zayn qu'il était actuellement, sans Trask Industries, lui suffisait. Si leur travail leur avait permis de créer un lien tangible, ce n'était pas son emploi de scientifique qui définissait Zayn Garett aux yeux de Hugh Reid. Scientifique, il le restait, même en-dehors de Trask Industries. Il ne disposait simplement plus de son laboratoire ou des moyens que lui procuraient Trask Industries. Mais, Hugh le savait, Zayn n'avait certainement pas perdu son amour pour les sciences, tout comme ses propres passions ne s'éteignaient pas lorsqu'il franchissait le seuil de son lieu de travail. Scientifiques, ils l'étaient tous deux, peu importait les circonstances.

Hugh se mordit brièvement la lèvre inférieure lorsque Zayn l'informa que voir d'autres personnes était loin de faire partie de ses activités préférées. Il ne savait que rétorquer à cela, il n'était lui-même pas extrêmement sociable, même s'il appréciait la compagnie d'autrui, se fatiguant rapidement de l'effort qu'il devait effectuer chaque fois qu'il partageait une conversation avec quelqu'un. Malgré tout, Hugh était prêt à affronter cette fatigue et tout ce qui en découlait, ne serait-ce que pour continuer à exister aux yeux d'autrui. Pour ne pas se sentir seul, irrémédiablement seul.

"Je peux le comprendre. Je ne chercherai pas à te voir constamment, je te le promets. Je... Je voulais juste m'assurer que j'étais malgré tout en mesure de le faire, une fois que je t'aurais rapporté tes affaires. Que cela ne s'arrêterait pas là."

Hugh ne pouvait pas se satisfaire d'une fin pareille pour leur relation. Il avait déjà été hautement frustré lorsque Zayn avait été renvoyé du jour au lendemain, et qu'il n'avait pas même été en mesure de comprendre ce qu'il s'était passé, ou de pouvoir lui dire "au revoir" proprement. Se contenter de lui rendre ses fichiers et autres objets, et partir pour ne plus jamais le revoir, ce n'était tout simplement pas imaginable. Hugh avait besoin de "plus", même s'il apprendrait à s'harmoniser à ce sujet avec Zayn pour ne pas l'envahir constamment.

Hugh grimaça lorsque Zayn lui fit remarquer qu'il aurait été probablement renvoyé à son tour, s'il s'était montré plus convaincant et virulent dans sa défense. Une pensée traversa brièvement l'esprit de Hugh, si vite qu'il n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage lorsqu'elle franchit le seuil de ses lèvres :

"Peut-être que cela aurait été pour le mieux."

Le sens des propos qu'il venait d'articuler le frappa soudainement, et Hugh émit un son étranglé, ses doigts s'enfonçant dans le bras du fauteuil. Il n'avait jamais vocalisé cette idée, et il ne comprenait pas d'où lui venait subitement cette impulsion. Il savait qu'il s'était retrouvé malgré lui à réfléchir à son rôle au sein de Trask Industries, notamment après ce qui s'était passé avec Darius, mais... mais le dire ainsi, sans retenue...

"Non, non, ça n'aurait pas été pour le mieux. Oublie ce que j'ai pu dire, s'il te plaît."

Hugh aimait son travail. Trask Industries, c'était toute sa vie. Tout ce qu'il lui restait de sa mère, et de l'amour fusionnel qu'ils partageaient avant qu'elle ne vienne à mourir. Il ne pouvait pas s'imaginer y renoncer ou, pire encore, en être jeté. Etait-ce seulement possible, alors qu'il était pucé ? Que lui feraient-ils, s'il commençait à exprimer à haute voix ce genre d'idées ? Hugh secoua la tête, profondément mal à l'aise, et préféra se focaliser sur ce que pouvait lui dire Zayn, soufflant d'une petite voix :

"J'aurais aimé pouvoir faire plus qu'essayer."

Mais il n'avait pas le pouvoir pour ce faire, de quelque façon que ce soit. Hugh n'était qu'un petit bio-informaticien, dont on appréciait le travail, mais généralement peu la présence, surtout lorsqu'il se faisait remarquer d'une façon ou d'une autre. Comment aurait-il pu espérer pouvoir faire pencher la balance en faveur de Zayn ? Il n'avait aucune chance d'y parvenir...

Hugh avait parlé à nouveau de ces deux façons par lesquelles les gens tendaient à le fréquenter, et Zayn s'entreprit de lui dire qu'il s'agissait d'un mensonge, car ce n'était pas le genre de relations qu'ils partageaient autrefois. Hugh laissa échapper un "Hmm" contrarié à ses propos, ses doigts se détendant légèrement pour recommencer à jouer avec ce fameux fil, rétorquant comme s'il s'agissait de l'évidence la plus pure :

"J'ai employé le mot "Généralement", cela signifie que ce que je voulais dire s'applique à une majorité de situations, mais pas à toutes. Autrefois, tu étais mon ami, et j'étais ton collègue. Aujourd'hui, je continue tant bien que mal à te voir comme mon ami, et je ne suis plus ton collègue. Que puis-je être pour toi, sinon quelqu'un qui te serait utile ? J'ai bien compris que tu ne me voulais pas comme ami."

La gorge de Hugh se serra à ces derniers mots, et il se recroquevilla légèrement sur lui-même, comme pour se préserver de cette idée qu'il était incapable d'accepter pleinement. Depuis leur collaboration au sein de Trask Industries et le départ forcé de Zayn, Hugh s'était persuadé que l'amitié qu'il éprouvait pour Zayn était réciproque, et même s'il avait eu droit à un peu de temps pour se faire à cette idée, cela n'en restait pas moins difficile à accepter. Hugh Reid n'était pas fait pour être l'ami d'autrui. Y compris de quelqu'un d'aussi singulier que Zayn Garett.

Zayn qui n'hésita pas à lui demander d'arrêter de le pister comme un chien de chasse, avec la franchise qui lui était caractéristique, réveillant l'embarras dont pouvait être capable Hugh dans certaines circonstances. Il examina rapidement les actions qui l'avaient mené à retrouver Zayn, et un petit "Oh." lui échappa, résigné tout autant que honteux :

"Ce n'est pas approprié, n'est-ce pas ? Même si je voulais seulement respecter ma promesse et te rendre ce qui t'appartenait. Je... Je suppose que je te dois des excuses à ce sujet."

Malgré tout, il s'avéra extrêmement difficile pour Hugh de faire plus que de marmonner un vague "Pardon." sans réelle conviction. S'il comprenait que son comportement obsessif n'était pas acceptable, il restait convaincu que cela avait été une nécessité uniquement parce que Zayn ne lui avait pas donné les moyens de remplir sa promesse sans recourir à ce moyen. S'il lui avait laissé quoi que ce soit pour le retrouver, cela ne se serait pas passé ainsi...

"Je n'ai pas nécessité de te pister davantage, si tu ne déménages pas. Je sais où tu habites, et je peux donc te visiter. Si tu as besoin de moi, je saurais te trouver."

S'il avait besoin de lui... Hugh se demanda comment il pourrait être utile à Zayn. Il supposait qu'il pourrait lui proposer de lui rapporter des données provenant directement de Trask Industries, mais le jeu serait aussi risqué pour lui que pour Zayn, qui ne voulait pas être retrouvé. En-dehors de son affiliation avec Trask, toutefois, Hugh possédait un atout qui, il le savait, pouvait avoir son intérêt pour Zayn. Même s'il n'était pas sûr d'apprécier la tournure que prendrait alors leur relation...

"Tu travailles toujours sur la mutation ? Je suis un mutant, tu sais. Je pourrais te servir."

Hugh n'aurait jamais imaginé proposer volontairement d'être le cobaye de qui que ce soit, mais aux grands maux les grands remèdes. Si Zayn ne voulait pas de lui d'une autre manière, et qu'il ne restait que cette solution... Il s'y plierait. Pour son ami.

Hugh secoua frénétiquement la tête devant l'insistance de Zayn à savoir ce qu'il pouvait bien vouloir dire, après avoir déclaré sans y penser qu'il aurait été peut-être mieux qu'il soit sur le départ de Trask Industries en même temps que son ancien collègue.

S'il s'était passé des choses ? Oh, oui, il s'en était passé... Darius, son "ami" du club d'échecs (ses interactions avec Zayn l'avaient poussé à repenser la moindre de ses relations), s'était révélé être un mutant rebelle, qui était convaincu que Hugh était prisonnier de l'entreprise pour laquelle il travaillait, et qui avait ses propres plans concernant l'entreprise.

Malgré tout, Darius avait respecté les limites de Hugh, en échange de la promesse de garder le secret sur leur interaction afin de conserver leur amitié (ou peu importe ce qu'était véritablement leur relation). Et si Hugh était déterminé alors à rester loyal à Trask Industries envers et contre tout, les propos de Darius, et les mois suivants passés au sein de son entreprise avaient fait vaciller légèrement ses convictions. Très légèrement.

"C'est un secret. J'ai promis de n'en parler à personne. Tout va bien. Rien n'a changé."

Mais tout avait changé. En décidant de prioriser sa relation avec Darius sur les intérêts de son entreprise, Hugh avait franchi une ligne, et une autre encore en prenant le risque de recopier les recherches de Zayn pour les lui rapporter. Il refusait de l'admettre ouvertement, mais le dévouement que Hugh éprouvait pour Trask Industries s'était fissuré d'une manière qu'il ne pouvait pas imaginer réparer... Mais qu'avait-il, s'il n'avait plus Trask Industries ? Et avait-il seulement le choix de quitter l'entreprise ?

Même si le sujet qu'ils abordèrent ensuite n'avait rien d'agréable, Hugh préférait le malaise et la honte qu'il éprouvait, enterrant profondément les graines du doute plantées malgré lui dans son esprit. Il ne put s'empêcher de tressaillir lorsque Zayn refusa ses excuses et lui demanda sans ménagement s'il serait prêt à le traquer à nouveau, s'il en voyait la nécessité. Les mains de Hugh s'aventurèrent brièvement dans ses cheveux pour les tirer, avant qu'il ne finisse par admettre, confus, ému et embarrassé :

"Je ne sais pas ! Si... Si... Si tu as des ennuis, ou que quelqu'un te veut du mal, et que je n'arrive pas à te trouver ou à communiquer avec toi d'une quelconque façon, qu'est-ce que je suis censé faire ? Rien ?"

Hugh savait pertinemment que la possibilité était infime, voire inexistante. Comment serait-il informé, si qui que ce soit voulait s'en prendre à Zayn ? Comment saurait-il que son "ami" a des ennuis, si ce dernier ne lui parlait pas ? Malgré tout, l'idée refusait de le quitter, et il était terrifié de ne pas pouvoir être présent si, pour une raison ou pour une autre, Zayn avait besoin de lui. Aussi absurde cela puisse-t-il être.

Cette nécessité d'être utile à son "ami", qu'il ait envie et juge profitable de le voir, c'était ce qui avait poussé à Hugh à faire une proposition qu'il n'avait jamais fait auparavant, qu'il n'aurait jamais pensé faire. Du peu qu'il savait de la division M (déjà trop, à son goût), Hugh était clairement effrayé de passer un jour d'employé de Trask Industries à sujet de leurs expérimentations. Mais pour Zayn ? Pour son ami ? Il le ferait.

"Tu travaillais sur les mutants, avant. Je suis un mutant. Tu peux travailler sur moi. Comme ça, tu auras besoin de moi. Tu seras mon ami, et je serais ton cobaye. C'est une façon d'exister pour toi."

Hugh faisait une claire fixette sur Zayn Garett, et d'autant plus depuis qu'il avait pu le retrouver après tout ce temps d'absence. Une part de lui idéalisait visiblement la relation qu'ils avaient partagé, du temps où ils étaient collègues au sein de Trask Industries. L'avoir perdu aussi brutalement avait créé une brisure au sein de Hugh qui ne s'était pas refermée, et il n'avait pas réussi à entamer pleinement le processus de "deuil" nécessaire pour progresser au-delà de cette relation qui nourrissait jusqu'alors son quotidien.

Hugh voulait retrouver ce confort, cette part importante de sa routine que constituait précédemment Zayn, et il ne réalisait pas pleinement ce qu'il proposait de sacrifier pour y parvenir. Tout ce qui comptait, pour lui, c'était de restaurer cette relation qui avait été si importante pour lui. Une relation en-dehors de sa sœur, et de sa tutelle autoritaire et invasive.

Recroquevillé sur lui-même, évitant obstinément le regard de Zayn, Hugh répéta dans un réflexe écholalique, d'une voix éteinte :

"Une façon d'exister pour toi."

Le mal-être de Hugh, un compagnon d'existence depuis aussi longtemps qu'il puisse se souvenir, se faisait plus évident que jamais, alors qu'il refusait l'inévitable et se jetait dans les solutions les plus extrêmes pour éviter cette solitude dont il était tant effrayé. Sans ses circonstances particulières, Hugh aurait pleinement réalisé à quel point ce qu'il proposait était absurde, voire dangereux.

Mais l'homme avait toujours vécu sous l'autorité d'autrui, apprenant à considérer la moindre de ses relations comme le ferait un subalterne avec ses supérieurs. Personne n'avait cherché à lui faire comprendre qu'il valait plus que ce qu'il pouvait apporter aux autres. S'il n'avait pas le droit à l'amitié, il devait se contenter de tout ce qui lui était proposé pour ne pas être seul. Voilà tout.

Hugh avait lui-même fait la moue lorsque Zayn avait été allé jusqu'à lui dire que sa petite phrase révélatrice et l'absence de détails étaient presque criminels. Il n'avait pas idée à quel point... Si le personnel de Trask Industries apprenait que Hugh avait délibérément dissimulé les projets d'un mutant cherchant à démanteler leurs activités et désactiver leur puce, le bio-informaticien ne donnait pas cher de sa peau. Et Hugh ne pouvait absolument pas se défendre de ce fait, comme il avait essayé de se convaincre intérieurement que récupérer les affaires et dossiers de Zayn n'avait rien de répréhensible.

Il savait pertinemment qu'il était en tort, et que si Darius, et probablement d'autres personnes impliquées, passait à l'attaque, il serait en faute pour ne pas l'avoir dénoncé. Une promesse au nom de l'amitié, cela n'avait aucune valeur juridique, et encore moins avec son propre statut de mutant. D'employé pucé, Hugh se retrouverait soumis à pire sort encore... Et pourtant, Hugh persistait à garder le secret. Et avec cette décision, les doutes étaient nés dans son crâne, et persistaient à le hanter, malgré le déni dans lequel il persistait.

"Je ne voulais pas le dire. C'est un secret."

Il détestait cette manière qu'il avait de parler malgré lui, sans contrôler pleinement ce qui sortait de son esprit. La plupart du temps, c'était généralement inoffensif, quoiqu'inapproprié, mais s'il ne faisait pas davantage attention, il risquait de dire ce genre de choses devant d'autres que Zayn, des personnes qui pourraient bien ne pas apprécier ses idées nouvelles, et les rapporter à qui de droit...

En toute sincérité, Hugh ne savait pas qui pourrait vouloir du mal à Zayn. Il avait déjà été renvoyé de Trask Industries, et après ? Après... Toutes sortes de choses pouvaient arriver. Un mutant sur lequel il avait travaillé qui voudrait prendre sa revanche. Un scientifique qui voudrait lui extorquer ses connaissances. Des dangers, Zayn pouvait certainement en rencontrer, mais, même Hugh devait l'admettre, les scénarios qu'il se fabriquait tenaient plus du roman que de la potentielle réalité. Et, malgré tout, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Probablement une manière que son esprit avait trouvé de justifier la nécessité de sa présence auprès de Zayn.

Tout comme il essayait actuellement de le faire, en proposant à son ancien collègue de devenir son cobaye. Après réflexion, c'était tout ce que Hugh pensait pouvoir offrir à Zayn, pour que son "ami" veuille bien de lui à ses côtés. Qu'avait-il, sinon ses capacités que Zayn pourrait étudier ? Que proposer à son ancien collègue, sinon de travailler sur lui comme un vulgaire rat de laboratoire ? La basse estime que Hugh avait pour lui-même ne lui permettait pas d'envisager une autre idée, et la peur que Zayn lui file définitivement entre les doigts le motivait davantage à s'enfoncer dans des propositions aussi déraisonnables que dangereuses.

Même Zayn, en dépit de sa curiosité scientifique, réalisait pleinement que Hugh se montrait trop excessif. Qu'il était désespéré, et que cela se voyait très clairement. Hugh haussa les épaules à sa question. Une part de lui savait qu'il en faisait trop, et que c'était aussi pathétique qu'inquiétant. Il était incapable de s'expliquer pleinement cette obsession qu'il avait développé pour Zayn, et ce qui en découlait, mais il savait qu'il n'était pas prêt à accepter que l'homme disparaisse à nouveau de sa vie, alors qu'il venait tout juste de réapparaître. Le perdre une deuxième fois, ce serait... ce serait...

"J'ai besoin de toi dans ma vie. Tu es parti, et, et, et je n'ai pas eu le temps de l'accepter avant que tu reviennes, et tu es là à nouveau, et... et..."

Hugh perdit ses mots. Il dissimula son visage derrière ses mains un court instant, pressant sur ses yeux dans un geste nerveux. Plus il parlait, plus il savait qu'il s'enfonçait, et moins il avait de chances que Zayn le considère un jour comme un ami. Même s'il doutait de plus en plus que cela arrive un jour...

"Et... Et si tu as besoin de moi aussi, pour une quelconque raison, ça voudra dire que je ne serais pas seul. Même si je dois être ton cobaye pour cela."

Hugh se mordit intérieurement la joue, appréhendant comme il le pouvait les émotions diverses et contradictoires qui le traversaient. Rien ne s'était passé comme il l'espérait. Il avait supposé que, peut-être, Zayn serait suffisamment reconnaissant qu'il lui ait rapporté ses affaires pour vouloir le revoir. Que Hugh serait en mesure de parler avec lui comme il le faisait autrefois, à Trask Industries, et qu'il retrouverait ce bonheur qui avait été le sien alors, même dans un contexte différent.

Mais ce n'était pas le cas. Et Hugh ne voyait pas d'autres solutions que de se rabattre sur le domaine préféré de Zayn, et exploiter sa propre mutation pour l'intéresser... C'était vraiment pitoyable. Hugh se donna un rapide coup sur la tempe, comme pour se punir de ses pensées et de ses idées sordides, avant de reprendre :

"Je suis excessif. Je l'ai toujours été. Mais... Mais je le pense vraiment. Si la seule manière dont je peux exister pour toi, c'est en tant que cobaye, je suis prêt à l'accepter."

Ce serait mieux que rien, n'est-ce pas ? Mieux que de devoir à nouveau panser cette plaie béante qu'il n'avait jamais réussi à refermer...

Hugh secoua la tête, frustré et agacé. Non, son opinion modifiée ne constituait pas le secret qu'il devait garder, la promesse qu'il avait fait à quelqu'un, quand bien même il préférait garder cela pour lui, afin d'éviter les ennuis. Ce n'était que la conséquence indésirable de ce qu'il devait réellement cacher, des pensées qu'il ne souhaitait pas explorer, des idées qui le hantaient malgré lui.

Mais, bien évidemment, Hugh ne pouvait pas dire tout cela à Zayn. Pas sans trahir la confiance de Darius. Ce pourquoi il se contenta de dire, visiblement irrité que son "ami" puisse vraiment croire qu'il parlerait aussi légèrement de ce qu'il avait promis de garder pour lui :

"Ce n'est pas le secret que j'ai juré de taire. Celui-là, je n'en parlerais à personne."

S'il gardait tout cela pour lui, Hugh n'hésitait toutefois pas à faire part de sa vulnérabilité à Zayn, espérant que son offre lui permettrait enfin d'obtenir le sésame tant attendu : le droit de venir et revenir le voir. Plus que cela, la certitude que Zayn avait besoin de lui. Au fond, c'était tout ce que Hugh souhaitait. Se sentir désiré, pour une raison ou pour une autre. Même s'il devait se rabaisser à jouer les cobayes, Hugh était prêt à le faire. Tout pour ne pas être tout seul. Tout pour avoir l'impression d'exister aux yeux de quelqu'un.

Mais Zayn ne voulait pas de lui en tant que sujet d'étude. Hugh se mordit la lèvre inférieure tandis que le scientifique lui assénait ces propos, se recroquevillant un peu plus sur lui-même. Zayn lui avait dit qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il lui demandait et, il devait l'avouer, c'était le cas.

Hugh ne savait pas ce que Zayn pourrait lui faire, s'il devenait un de ces cobayes. Il se doutait que ses travaux impliquaient des expériences peu humaines, voire douloureuses, mais au-delà de ce sentiment de malaise qu'ils lui inspiraient, Hugh était profondément ignorant de ce qu'il pourrait subir. Et s'il voulait croire qu'il était pleinement conscient du sacrifice qu'il était prêt à effectuer, il n'en était rien. Ce n'était qu'une tentative désespérée pour se préserver de la solitude, une demande impulsive et stupide née des idées les plus noires de Hugh Reid. Et Zayn l'avait reconnue en tant que telle.

Hugh avait hésité à s'excuser, mais les propos suivants de son "ami" détournèrent son attention de son chemin de pensée actuel, et il se redressa sur le fauteuil, ses yeux sombres se posant sur Zayn avec curiosité, et un relent d'embarras :

"Je... J'y tiens, bien sûr ! Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?"

Si Zayn lui trouvait une utilité, ses angoisses seraient calmées. Ce n'était pas l'amitié qu'aurait voulu Hugh, au moment où il avait retrouvé Zayn après tout ce temps, mais il prendrait ce qu'il pourrait avoir. Tout plutôt que de ne plus pouvoir le revoir...

Lorsqu'il serait plus calme, seul avec lui-même, Hugh aurait le temps de se demander pourquoi il était si désespéré pour la présence de Zayn dans sa vie qu'il était prêt à jouer les cobayes pour lui. Il n'était pas stupide ni ignorant, même s'il ne connaissait pas l'étendue de toutes les expériences de son "ami", Hugh se doutait bien de ce que cela impliquerait pour lui. Qu'il en souffrirait, grandement, et qu'il pourrait bien ne pas le supporter au point de tout perdre. Ne serait-ce pas pire que de renoncer à une amitié à sens unique ?

Aussi évidente la réponse à cette question était-elle, Hugh ne pouvait malgré tout trancher sur le sujet. Zayn était... spécial. Tout comme Hugh, il avait ses particularités qui faisaient de lui un marginal, quelqu'un de sensiblement différent des neurotypiques que Hugh avait côtoyé toute sa vie durant. En sa présence, Hugh ne se sentait pas comme "l'autre", celui qu'on accommodait tant bien que mal avec un sourire gêné, dont on ne savait que faire. Lorsqu'il travaillait avec Zayn, Hugh se sentait apprécié. Estimé.

Aujourd'hui ? Aujourd'hui, il n'était plus sûr de rien, mais il cherchait malgré tout ce souvenir de leur relation d'antan, obsessivement. Après le départ de Zayn, personne n'avait su combler cette place bien particulière. Et cette absence le hantait depuis. Ce pourquoi il était prêt à tout pour le garder dans sa vie. Y compris au pire.

Hugh avait immédiatement réagi lorsque Zayn lui avait demandé de l'aider à nouveau, mais il avait déchanté en entendant sa demande, retournant se recroqueviller dans son siège. Il n'avait pas de réponse à lui donner. Personne ne s'était vanté directement des faits en sa présence. On lui avait juste fait comprendre que Zayn était parti, que ça ne servait rien de protester ce fait, et qu'il ferait mieux de se taire à ce sujet et de passer à autre chose. Avec des mots beaucoup moins polis. Ce qu'il confia à Zayn, d'une voix un peu honteuse :

"S'ils en parlent entre eux, ce n'est pas devant moi. Ils m'ont surtout dit de me taire, et que ce n'était pas mes affaires, toute cette situation. Mais..."

Hugh se redressa à nouveau, reprenant d'un ton rempli d'espoir :

"Je peux enquêter. Et... Et si je trouve quoi que ce soit, je te tiendrai informé, promis. Ils... Ils n'avaient pas le droit de te faire ça. C'était injuste."

Non, ils n'avaient pas le droit. Et Zayn méritait de comprendre ce qui s'était passé. Peu importe ce qu'il ferait de cette information par la suite...

"Est-ce que... Est-ce que je pourrais revenir ? Pour te faire part de tout cela, et... je ne sais pas... autre chose ?"

Hugh tira nerveusement sur ses cheveux. Autre chose, c'était vague. Parce qu'il n'était pas certain de ce qu'il pouvait espérer de sa relation avec Zayn. Parce qu'il était perdu, confus, et que les paroles qu'il aimerait pouvoir prononcer lui échappaient, ses pensées plus éloquentes que ne le serait jamais sa communication verbale.

Hugh la connaissait bien, cette injustice qu'évoquait Zayn comme une fatalité. Il en avait été le témoin tout autant que la victime à de nombreuses reprises. Pour autant, il lui était impossible de s'y résigner, de l'accepter comme une part inévitable de son existence, et de ne pas s'offusquer de ses manifestations.

Peut-être que de l'eau avait coulé sous les ponts, mais la manière dont Zayn avait été traité n'en restait pas moins injuste. Tout comme le fait que Hugh ne s'était pas vu accorder la plateforme nécessaire pour le défendre, lui qui ne voyait clairement pas ce que Zayn pourrait avoir fait de mal pour attirer l'ire des employés de Trask Industries. Rien de tout cela n'était acceptable. Une pensée que Hugh s'empressa de vocaliser, son regard se levant brièvement vers Zayn avant de s'égarer dans le lointain :

"Ce n'est pas parce que l'injustice domine ce monde que je vais l'accepter. Même si je n'ai pas le pouvoir de changer la situation."

Montrer qu'il était là, qu'il croyait en son "ami", qu'il le supportait envers et contre tous... C'était déjà quelque chose. Mieux que de simplement laisser les choses se faire et s'en lamenter ou s'abandonner à la résignation. Hugh n'était pas comme ça. En particulier lorsqu'il assistait à toutes formes d'injustice, plutôt que d'en être lui-même l'instrument...

Hugh avait tenté une nouvelle proposition, mais son espoir se retrouva mort dans l’œuf lorsque Zayn s'empressa de lui faire comprendre que son idée n'était pas viable. Ils n'avaient pas parlé avant, ils ne parleraient pas davantage maintenant. Et Hugh n'avait définitivement pas les capacités sociales nécessaires pour un jeu de manipulation qui permettrait de tirer de nouvelles informations. Mais... Mais...

La gorge serrée, Hugh dissimula son visage dans ses mains un court instant, avant de relever la tête en entendant le "Soit." de Zayn, un "Uh." s'extirpant malgré lui de ses lèvres. Le reste des propos de son ancien collègue combla tout particulièrement Hugh, un sentiment euphorique qui se répandit dans tout son être, jusqu'au bout de ses doigts, qu'il agita joyeusement.

Dans un élan impulsif et incontrôlé, Hugh se leva rapidement, sautant presque à pieds joints du fauteuil, et prit l'une des mains de Zayn dans la sienne, la serrant fort et brièvement, avant de se défaire tout aussi vite de ce contact physique, arguant avec la sincérité qui était sienne :

"C'est toi qui me manquais. Et... Et la science que nous partagions."

Une vibration dans sa poche interrompit son fil de pensées. Hugh en tira son téléphone, perplexe, avant de se mordiller la lèvre inférieure, légèrement agacé par ce qu'il lisait. Un sentiment qui ne dura pas, face à l'euphorie qui continuait à l'envahir en vagues constantes :

"Ma sœur s'inquiète de ne pas me voir. Je ne voudrais pas qu'elle puisse remonter jusqu'à toi et te poser problème. Je ne t'embêterai pas davantage. Mais je reviendrai !"

Hugh fredonna joyeusement un air sans queue ni tête, se balançant sur ses pieds, son visage affichant clairement et presque exagérément son contentement. Il pourrait revenir. Même s'il partait maintenant, il pourrait revenir, pour discuter science avec Zayn. C'était à présent assuré, comme une promesse implicite. Même si Zayn n'avait juré de rien.

"Je te laisserai savoir ce que j'apprends. Et... Et si tu as besoin d'aide pour quoi que ce soit, tu sais que tu peux compter sur moi."

Hugh sortit une petite carte de sa sacoche, sur laquelle était inscrite son numéro de téléphone portable :

"Si tu as besoin de me joindre !"

Peut-être le ferait-il, un jour... Hugh l'espérait. Même s'il avait proprement horreur du téléphone.