Coïncidence [PV Zayn]

Hugh s'était habitué tant bien que mal à sa mutation, depuis qu'il en avait découvert la nature. Au fond, cela ne représentait pas un si grand changement sur certains aspects, puisqu'il restait le même, avec cette capacité à se focaliser sur plusieurs choses à la fois et à mémoriser bien plus que la plupart des gens. C'était juste un mot à poser sur sa condition, un mot qui lui permettait de trouver soutien auprès d'autres comme lui.

Mais cette nouvelle évolution de sa mutation lui déplaisait singulièrement, et Hugh était profondément contrarié par cette capacité qu'il avait acquise malgré lui. Lire à toute vitesse le privait de son plaisir préféré, celui de se plonger des heures durant dans ses livres, et Hugh ne parvenait pas à faire le deuil de cette pratique. Cet agacement avait engendré une dispute avec sa sœur, qui l'avait poussé à quitter leur appartement pour marcher et évacuer sa frustration sans violence.

Elle ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas. Et cela l'énervait au plus haut point, parce qu'il voulait que quelqu'un puisse empathiser pleinement avec ses difficultés. Peut-être n'était-il pas le plus à plaindre, concernant sa mutation, mais devoir renoncer au plaisir de la lecture le torturait au plus profond de son être, et sa sœur ne mesurait absolument pas l'étendue de sa frustration.

Il s'était aventuré dans le Bronx, là où, il le savait, sa sœur ne penserait pas à le chercher, car il était bien loin de leur quartier et de leur appartement. Encore une déviation dans sa routine bien huilée, mais il préférait ça au fait de rester enfermé dans sa chambre, entouré des livres qu'il ne pouvait plus savourer. Cette pensée le contraria davantage, et Hugh planta brièvement ses dents sur son index, la douleur l'aidant à se recentrer sur lui-même et à évacuer l'anxiété.

Il n'en avait que faire du regard des gens posé sur lui à cet instant, mais son attention se focalisa tout de même sur une personne, qu'il n'avait pas vue depuis des mois à présent. Même si Hugh n'était pas forcément des plus physionomistes, il ne pouvait que reconnaître Zayn Garett, son ancien collègue, écarté de leur entreprise sans sommation ni justice.

Hugh avait besoin d'une distraction, et il l'avait trouvée. Sûrement, Zayn allait être heureux de le voir, n'est-ce pas ? Ils étaient amis, après tout. Hugh en était persuadé, en tout cas. Ses pas le menèrent avec précipitation vers son ancien collègue, et il s'interposa devant lui sans réfléchir davantage, le coupant dans sa route.

"Zayn !"

Un sourire maladroit s'étira sur ses lèvres, en dépit de la contrariété toujours présente. Se balançant doucement sur ses pieds, talons, orteils, talons, orteils, Hugh s'efforça de mettre de l'ordre dans ses pensées et dans cette conversation, articulant exagérément, comme il avait tendance à le faire lorsqu'il se forçait à adopter des conventions neurotypiques pour sociabiliser avec ses pairs :

"Bonjour, Zayn. J'espère que tu vas bien. Cela me fait plaisir de te croiser par hasard."

Les politesses évacuées, Hugh retrouva une attitude plus naturelle, tirant doucement sur ses cheveux avec l'index qu'il avait mordillé précédemment :

"J'ai gardé les affaires que tu as oublié au bureau. Je n'ai laissé personne prendre ton agrafeuse ou toucher au moindre de tes dossiers. Je ne les ai pas utilisés ou ouverts non plus. Je ne les ai pas sur moi, mais je te les ramènerai, promis."

Hugh pencha légèrement la tête sur le côté, observant Zayn en fuyant obstinément son regard qu'il se refusait de croiser, mal à l'aise face au contact visuel. Il finit par demander d'une voix curieuse :

"Tu vis ici ?"

Ce n'était pas un très bon quartier. Sa sœur n'approuverait pas, pour sûr.

Hugh avait envisagé que cette conversation pourrait prendre plusieurs potentielles directions, et avait essayé en un très court temps de se préparer pour chacune d'entre elles. Il préférait généralement pouvoir planifier ses interactions en avance, afin de ne pas être pris au dépourvu et de se montrer le plus agréable et plaisant possible pour son interlocuteur. Il avait fait de son mieux pour communiquer la joie réelle qu'il ressentait à l'idée de revoir son ancien collègue, son ami, et entretenir la discussion d'une manière jugée appropriée.

Il n'avait certainement pas songé que l'ambiance tournerait ainsi au vinaigre, sans préambule ni explication. Si Hugh avait sursauté devant la première exclamation de Zayn, il avait rapidement rationalisé qu'il avait simplement dû le surprendre et qu'il avait réagi sous le coup de coeur. Le reste ne pouvait toutefois pas être expliqué aussi facilement. Ses sens envahis par l'odeur de la cigarette, Hugh ne put s'empêcher de froncer le nez avec une expression contrariée, reculant d'un pas malgré lui lorsque son ami répondit à sa salutation et ses politesses par une pure expression de frustration.

Un "Hmm" anxieux se glissa hors de sa gorge nouée, tentant tant bien que mal de comprendre la direction soudaine qu'avait pris leur conversation, et de corriger les erreurs qu'il avait certainement commises pour en arriver là. C'était probablement de sa faute. C'était généralement de sa faute. Les neurotypiques avaient leurs règles bien particulières qu'il n'avait jamais été particulièrement doué pour deviner et, il avait internalisé cette idée depuis des années, il était en faute pour ne pas savoir jouer à ce jeu de conventions comme ils le faisaient naturellement.

Ses cheveux, qu'il triturait doucement jusqu'alors, furent brutalement tirés dans un geste sec et nerveux, dont Hugh avait à peine conscience à ce moment précis. Il n'avait pas utilisé les bons mots. Il n'avait pas abordé correctement son ami. Et maintenant, il devait réparer ses erreurs. Obtenir le pardon de Zayn, qui ne méritait pas ce traitement.

Zayn insistait pour croiser son regard, et l'intensité du contact visuel le coupait dans son élan pour tenter de s'exprimer, envahissant son esprit et brouillant ses pensées. Dépassé, déconcerté, Hugh était à deux doigts de tenter de contacter sa sœur pour qu'elle soit là pour lui, à gérer cette situation difficile à sa place. L'idée de dépendre à ce point de sa cadette renforça sa frustration, mais également son désir de gérer cette discussion qui était partie du mauvais pied.

Tournant résolument le dos à Zayn pour fuir son regard et retrouver ses mots, Hugh serra les poings, ses doigts se refermant sur le tissu de son pantalon, alors qu'il laissait libre cours au flot incontrôlable de mots qui cherchaient à s'extirper de son esprit depuis un petit moment déjà :

"Oui, oui, ça me fait plaisir de te voir, parce que tu es mon ami, et que je ne savais pas ce que tu étais devenu ! Et... Et... Et je me fiche que tu sois dans le Bronx, ou ailleurs, parce que cela ne change rien au fait que tu sois mon ami, et que ne plus te croiser au travail me manque !"

Hugh inspira profondément, le visage légèrement rougi, ses doigts plus crispés que jamais sur le tissu maltraité de son pantalon. Lentement, il entreprit de se retourner pour faire face à Zayn, le souffle court, gardant les yeux résolument fixés vers le sol. Il ne pouvait pas même regarder le visage de son ami sans se sentir noyé par ses expressions et l'intensité de son regard.

"Je suis désolé."

Il l'était, en toute sincérité. Il n'avait toujours pas compris ce qu'il avait fait de mal, mais il était profondément désolé.

"Oublié n'était pas le terme approprié. Si j'avais su que je te croiserais aujourd'hui, je n'aurais pas employé ce mot. Mais... Mais ma proposition tient toujours. Je te ramènerai tout ce que je peux, si tu m'autorises à le faire. Je ne sais pas si je pourrai tout récupérer, mais... mais..."

Hugh répéta ce dernier mot deux fois encore, avant de se retrouver muet malgré lui, dépassé par ses émotions. Il était déjà profondément frustré par sa dispute avec sa soeur et les difficultés liées au nouvel aspect de sa mutation, et cette interaction teintée d'échec n'avait fait qu'aggraver les choses.

Un nouveau "Hmm" nerveux, presque guttural, fit encore une fois son chemin hors de sa gorge. Il devait se calmer. Reprendre le contrôle de la situation. Il ne voulait pas contrarier Zayn davantage. Il lui avait déjà causé assez de tort comme ça, en l'espace d'une paire de minutes... Hugh se fustigea silencieusement, se mordant la lèvre inférieure.

Tapotant sa hanche du bout des doigts, le mouvement répétitif l'aidant à retrouver son calme et ses mots, Hugh souffla d'une voix qui se voulait sympathique, mais qui était plus proche de l'atone que de la moindre expression :

"J'ai mal commencé toute cette discussion, et j'en suis désolé. Je sais que, contrairement à mes leçons d'habiletés sociales, je ne peux pas recommencer cette interaction ratée, mais j'aimerais réparer cela."

Hugh se balança doucement sur ses pieds, dans un mouvement qui le rassurait :

"Je ne mentais pas lorsque j'ai dit que ça me faisait plaisir de te revoir. Je ne mentais pas. Dans le Bronx ou ailleurs. J'étais venu ici, car je me suis disputé avec ma sœur et j'avais besoin d'aller quelque part où elle ne penserait pas à me chercher, et je t'ai croisé. Ce n'était pas prévu. Si j'avais su, j'aurais préparé cette discussion. J'aurais fait le nécessaire pour ne pas t'incommoder."

Hugh se tendit brièvement, demandant d'une petite voix :

"Est-ce que j'ai encore dit quelque chose de mal ?"

Il espérait que ce n'était pas le cas. Hugh ne souhaitait qu'une chose, pouvoir évacuer son mal-être et apprécier la compagnie d'un ami qu'il n'avait pas vu depuis bien trop longtemps maintenant. Ce qui ne pouvait pas être le cas tant que cette tension persistait entre eux.

Ce fut un véritable coup au cœur que d'entendre Zayn affirmer qu'il n'avait jamais eu d'amis. Hugh eut un mouvement de recul, comme si les mots de l'homme avaient été un coup de poing à encaisser. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Loin de là. Hugh portait généralement plus d'estime à son prochain que l'inverse, et, contrairement aux gens qui l'entouraient, il ne parvenait presque jamais à le percevoir par lui-même, jusqu'à ce que la vérité lui soit jetée en pleine figure d'une manière qui ne pouvait être mal interprétée.

Un petit "Oh." lui avait échappé, alors qu'il tentait tant bien que mal d'intégrer cette nouvelle donnée dans sa vision du monde et dans sa réalité. Jamais amis. Hugh ne parvenait plus à comprendre la nature de leurs interactions, avant tout ça, avant que Zayn ne soit éjecté manu militari de Trask Industries sans plus de manières. Si ce n'était pas de l'amitié, qu'est-ce que cela pouvait être ?

Zayn avait-il profité de lui ? Abusé de sa gentillesse ? Cela avait beau être un thème récurrent dans sa vie, il avait toujours autant de mal à y croire. A comprendre comment différencier ces fausses relations des vraies, des amitiés profondes et réelles. Peut-être n'avait-il jamais eu de véritable ami, pour ne pas parvenir à distinguer les deux...

Zayn tournait autour de lui, et ses mots se faisaient poison, alors qu'il crachait à la figure de Hugh tout le mépris qu'il avait pour Trask Industries et tous ceux qui représentaient l'entreprise. Ses paroles n'étaient pas sans contrarier le mutant, qui était profondément attaché à son travail et à ce qu'il parvenait à apporter à ses collègues et ses supérieurs. Il secoua la tête sans mot dire, incapable de vocaliser ses pensées à cet instant précis, pas sans risquer d'attiser davantage la colère de Zayn.

Il ne comprendrait pas le dévouement qu'il persistait à ressentir pour Trask Industries. Peut-être même le châtierait-il, pour lui apprendre à tenir sa langue et à cesser de l'importuner. Hugh se tendit davantage à l'idée, mais ce fut sans l'ombre de la nervosité qui le traversait qu'il répondit à la première question de Zayn, sincère, direct, sans ambages :

"Parce que je ne suis pas ton ami, mais que tu es le mien. Et... Et que la manière dont tu as été traité n'était pas appropriée. Ce n'était pas juste. Pouvoir récupérer tes affaires, ce serait la moindre des choses."

Pour ces raisons-là, Hugh était prêt à faire tout son possible pour permettre à Zayn de tourner définitivement et proprement la page sur Trask Industries, sans laisser derrière lui son travail, une part de lui-même. Il persistait à considérer Zayn comme son ami, même si le sentiment n'était pas réciproque. Sa mère lui avait dit un jour qu'il était plus précieux d'aimer que d'être aimé, et Hugh avait appris tant bien que mal à accepter cette règle de vie, qui semblait régir ses rapports avec autrui.

La deuxième question de Zayn prit définitivement Hugh de court. Il releva la tête vers lui, visiblement déconcerté, son visage retranscrivant presque exagérément les émotions qui le parcouraient et qu'il n'avait jamais été doué pour dissimuler, même s'il avait souhaité le faire.

"Pourquoi je te suivrais ?"

Hugh était légitimement curieux à ce sujet. Zayn semblait anxieux vis-à-vis de cette idée, soupçonneux, même. Etait-il simplement contrarié que Hugh puisse connaître son train de vie actuel, visiblement bien éloigné de ce que leurs salaires respectifs leur permettaient autrefois, ou y avait-il une autre raison pour son comportement ?

Hugh commença à entrouvrir ses lèvres pour poser d'autres questions à ce sujet, quand il réalisa soudainement que ce ne serait pas une bonne idée. Au lieu de cela, il se retrouva à marmonner le fond de sa pensée, dans un réflexe écholalique incontrôlé :

"Il ne veut pas en parler. Laisse-lui son espace. Pas de questions insistantes."

Sa voix sonnait légèrement différente, un peu plus aiguë, alors qu'il mimiquait le ton de sa thérapeute, qui lui inculquait (avec plus ou moins de délicatesse et de considération) les bases de la socialisation, dans un exercice sans fin qui l'épuisait et le lassait continuellement.

Après un court instant de silence, lui permettant de rassembler ses pensées, Hugh se répéta pour expliquer ce qu'il faisait ici :

"Je me suis disputé avec ma sœur. Je ne voulais pas qu'elle puisse me trouver avant que je ne me sois calmé."

Il ne voulait pas risquer de lui faire mal par mégarde, ou de dire des choses qu'il pourrait regretter. Elle ne comprenait pas, et cela en demeurerait probablement ainsi.  Hugh devait prendre sur lui, ravaler ses sentiments, et essayer de la convaincre qu'il n'avait pas constamment besoin d'elle. Qu'il pouvait se débrouiller seul, en dépit de ce qu'elle pouvait penser.

Hugh recommença à tirer doucement sur ses cheveux, tentant de faire abstraction de l'odeur de la cigarette de Zayn sans grand succès. Vraiment, comment qui que ce soit pouvait fumer cela volontairement ?

"Je ne traîne pas vraiment ici. Elle n'aura donc pas l'idée de venir m'y chercher. J'ai marché, j'ai pris un bus, je rentrerai quand je serais prêt à rentrer. Avant 22 heures. Je n'ai pas le droit d'être dehors après 22 h. La loi."

Il ne voulait pas risquer une amende, ou pire encore. Pour le coup, sa sœur serait vraiment contrariée, si cela venait à arriver. Et il ne voulait pas risquer qu'elle puisse restreindre davantage sa liberté, comme un enfant pris en faute.

"Je ne savais pas que tu serais ici. Je suis désolé de t'avoir importuné. J'aurais dû comprendre que ce n'était pas une façon de t'aborder. Faire davantage attention."

Il força un sourire sur ses lèvres, maladroit, peu naturel :

"Je suis content de te voir. Vraiment. Je n'ai pas beaucoup d'amis, et même si ce n'est pas mutuel, j'apprécie ce que nous avons partagé. Je voudrais essayer de reconstruire cela. Si tu veux bien."

Ne plus voir le scientifique du jour au lendemain avait été dur à encaisser. Hugh avait une routine bien carrée, et cette routine comprenait les personnes qui fréquentaient sa vie. Il y avait désormais un trou à la place de Zayn dans son quotidien, et même si cela ne pouvait être comme avant, Hugh souhaitait réellement combler cette absence.

En-dehors de ses centres d'intérêt et de son travail, Hugh luttait à chaque instant pour comprendre les nuances des conversations qu'il devait entretenir ou qu'il entendait en passant, son attention se focalisant sur tout et rien à la fois. Il trouvait beaucoup plus aisé de transformer une théorie en pratique, de transposer les attentes de ses collègues sur des pages et des pages de codes, plutôt que devoir saisir toutes les subtilités d'une discussion.

Il mentirait s'il disait que cela n'était pas frustrant au quotidien. Même s'il n'avait pas développé les armes nécessaires pour lutter contre ce fait, Hugh était conscient de la manière dont on s'adressait à lui, de la façon dont il était considéré et de ce que cela impliquait. Il les connaissait, les surnoms infantilisants qu'il n'avait pas autorisé, les contacts physiques non désirés, les propos complaisants et condescendants. Ce n'était pas parce qu'il ne savait pas y répondre ou qu'il mettait plus de temps que les autres à les percevoir qu'il en était inconscient.

Hugh ne jugeait pas les gens sur leur manière d'être ou de s'exprimer, et il apprécierait que, pour une fois, la politesse lui soit rendue. Mais, même avec Zayn, l'homme qu'il considérait comme un ami, ce n'était pas le cas. Au fur et à mesure que la conversation avançait, Hugh prenait pleinement note de la manière dont il était traité, du choix des mots de son ami et du ton qu'il employait à son égard. On l'avait habitué à s'excuser d'exister, mais Hugh n'était pas pour autant une éternelle serpillère. Le ton de Hugh se fit un peu plus affirmé, alors qu'il offrit une première réponse à Zayn :

"Il n'y a qu'une vérité. Et je sais que tu ne méritais pas d'être renvoyé. J'ai parlé pour te défendre, mais je n'ai pas été écouté. Je suis conscient de la valeur de ma parole dès lors que je cesse d'être utile à mes collègues et à mes supérieurs, mais j'ai essayé."

Il pouvait entendre la frustration de Zayn vis-à-vis de Trask Industries, même s'il ne la partageait pas. Il pouvait comprendre son agacement au premier abord face à la manière dont Hugh l'avait abordé, mais cela ne justifiait pas la manière dont cette conversation poursuivait. Hugh s'était excusé à plusieurs reprises pour ses torts, et faisait de son mieux pour les réparer. Encore une fois, il était le seul à faire cet effort. On le poussait constamment à ravaler sa frustration, lui lançant à la figure qu'il "ne comprenait pas" ou qu'il "devrait prendre les choses avec calme", mais il avait espéré ne pas avoir à agir de la sorte en présence de son ami.

Trésor. L'appellation lui restait au travers de la gorge. Il n'était pas un enfant ou une petite chose fragile qui nécessitait un tel traitement, qui justifiait ce genre de surnoms. Hugh croisa les bras, l'agacement grandissant alors qu'il tentait désespérément de faire tous les pas nécessaires vers son ami, sans que la courtoisie ne lui soit rendue une seule fois. Il n'avait pas été du genre à se disputer avec Zayn à l'époque où ils travaillaient ensemble, mais l'homme ne s'était pas non plus comporté de cette façon à son égard jusqu'alors.

Zayn était Zayn, avec toutes ses particularités, mais Hugh avait au moins le sentiment d'être respecté dans le cadre de son travail. Pas là. Alors que Zayn rejetait une dernière fois sa proposition pour reprendre les choses à zéro, Hugh s'autorisa enfin à exprimer sa frustration, plantant ses ongles dans sa propre chemise, sentant à peine la chair sous le tissu :

"Je ne t'ai pas permis de m'appeler "Trésor". Est-ce que tu apprécierais si je te rendais la pareille ? Non ? Alors, ne le fais pas. C'est de l'empathie basique. C'est moi qui suis censé avoir des lacunes à ce sujet, je te rappelle."

Et pourtant, Hugh faisait tous les efforts possibles pour se montrer empathique. Pour se mettre à la place des autres. C'était supposé être inné chez les neurotypiques, mais il était loin d'en avoir vu la preuve tout au long de sa vie. A moins qu'ils ne fassent tout simplement pas cet effort lorsqu'il s'agissait de sa personne.

"Je ne t'ai pas causé de tort au travail. J'ai toujours fait mon possible pour satisfaire tes demandes et faciliter ta tâche avec mes programmes. J'ai fait ce que j'ai pu pour te défendre, et je continue à vouloir t'aider en sachant que cela pourrait me causer des ennuis. La moindre des choses, ce serait que tu ne me traites pas comme si j'avais cinq ans. Comme si j'étais stupide."

Il ne l'était pas, loin de là. Hugh était brillant dans bien des domaines, en particulier les sciences. C'était sa communication et son expression qui péchaient, malgré ses efforts, et, malheureusement, cela ne pardonnait pas. Il peinait à transmettre ses idées, se raccrochait à des choses qui importaient peu à d'autres, et devait conjuguer avec ses sensibilités et ses difficultés variées. Est-ce que cela justifiait vraiment de lui parler ainsi ?

Hugh était frustré. Contre sa soeur qui persistait à l'infantiliser et refusait de comprendre ce qu'il traversait. Contre sa thérapeute qui voulait systématiquement le "normaliser", sans s'inquiéter une seule seconde de son bien-être. Contre Zayn, son ami, qui n'avait pas fait preuve de la moindre once de gentillesse à son égard depuis le début de leurs retrouvailles, alors que c'était tout ce qu'il espérait. Un minimum de respect, et de la sympathie. Etait-ce trop demander ?

"Je ne suis pas idiot. La plupart des gens ne s'inquiètent pas d'être suivis, pas sans une raison spécifique. Je ne t'interroge pas à ce sujet parce que je te respecte et que j'accepte qu'il y a des choses dont tu ne veux probablement pas parler. Ce n'est pas facile ni naturel, mais je le fais parce que je sais que tu n'apprécierais pas si je passais outre ton désir de discrétion."

Pourtant, il avait vraiment envie de savoir. Parce que Hugh n'aimait pas les questions sans réponse, et la majorité des questions qu'il avait posé à Zayn n'avaient eu aucune suite. Tant bien que mal, Hugh ravala sa frustration pour ne pas dire ou faire quelque chose qu'il risquerait de regretter. Il prit une profonde inspiration, fermant brièvement les yeux pour se recentrer, avant de reprendre d'une voix plus posée :

"Est-ce que je t'ai parlé de Trask Industries en mentionnant notre amitié ? Non. Si tu ne veux pas en entendre parler, je n'en dirais rien. Je ne suis pas au travail, quand je finis ma journée, je n'emporte pas le travail avec moi. Je suis juste moi, Hugh Reid. Pas le bio-informaticien de Trask Industries."

Il ne comprenait pas la manière dont le rejetait Zayn. Ca ne correspondait pas à l'image qu'il avait pu se faire de lui. Même s'il s'était probablement trompé sur de nombreux points. Hugh n'avait rien d'un excellent psychologue, après tout...

"Il n'y a personne pour combler le vide que tu as laissé en partant. Mes collègues, mes amis, ma famille, ils ne sont pas comme moi, comme nous. Je dois constamment m'adapter à eux, réfléchir à mon vocabulaire, aux sujets que j'aborde, à mon temps de parole, parce qu'ils savent, eux, ce dont les gens ordinaires discutent, ce qui est supposé les passionner, ce qui est approprié à aborder et ce qui est trop obscur pour prendre le temps d'en discuter. Avec toi, c'est différent. C'était différent."

Si Zayn le traitait à son tour comme un idiot, comme un enfant, leur relation perdait ce caractère précieux et unique qui en avait tout fait le sel. Et Hugh n'était pas décidé à y renoncer. S'il le traitait différemment avant, il pouvait très bien continuer maintenant.

Hugh pensait sincèrement que l'expression de sa frustration allait potentiellement tout gâcher avec Zayn. Hugh n'était pas habitué à s'affirmer et, lorsqu'il le faisait, cela lui était rarement bénéfique. On jugeait sa manière de s'exprimer déplacée, ses mots inappropriés, son attitude insolente, alors que, la plupart du temps, il souhaitait simplement être traité avec respect.

Un respect que Zayn ne semblait pas prêt à lui accorder jusqu'alors, jusqu'à ce que Hugh trouve le courage d'exprimer ce qu'il ressentait, sans fioritures. Qu'il accepte ses propos sans cynisme et l'écoute avec une telle attention, c'était certainement inattendu. Hugh ne put s'empêcher de hausser un sourcil devant cette réaction et les paroles calmes et dénuées d'agressivité de son ami. C'était tout ce qu'il demandait, tout ce qu'on lui refusait généralement : être écouté, sans jugement ni à priori. Et Zayn venait de le lui accorder.

Un sourire maladroit s'étira sur les lèvres de Hugh, sourire qui s'évanouit lorsque Zayn confirma que les choses étaient différentes entre eux. Hugh peinait à accepter cette idée, qui était pourtant une réalité inévitable. Ils étaient autrefois collègues à Trask Industries, se retrouvant jour après jour sur leur lieu de travail, collaborant sur tel ou tel dossier, conversant au détour d'une pause café.

Malgré la défense maladroite qu'il avait tenté de monter pour son ami lors de son renvoi forcé, Hugh avait été incapable de préserver l'emploi de Zayn, et rien ne pourrait changer ce fait aujourd'hui. On ne l'écoutait pas autrefois, on ne l'écouterait pas davantage désormais.

Mais est-ce que cela signifiait nécessairement qu'il leur fallait mettre fin à toute relation ? Ne plus jamais se voir ? Hugh se refusait à cette idée. Lorsqu'il avait une pensée en tête, Hugh pouvait se montrer extrêmement têtu, et c'était le cas actuellement. Il avait eu la chance de pouvoir retrouver Zayn, alors qu'il était persuadé de l'avoir perdu pour toujours. Il ne voulait pas laisser passer cette opportunité. Pas sans se battre pour elle.

"Je ne suis pas des plus flexibles ou naturellement enclin à l'adaptation, mais je ne pense pas que "différent" veut nécessairement dire "mauvais", tu ne crois pas ?"

Décroisant ses bras, Hugh tapota sa hanche d'un geste distrait, prenant le temps de rassembler ses pensées et de les transcrire en paroles claires et compréhensibles :

"Nous ne sommes plus collègues, c'est un fait. C'est peut-être une chance de devenir amis, pour de vrai, réciproquement. De se permettre de se connaître en-dehors du travail, dans le domaine du privé. Le Hugh que je suis au boulot n'est pas entièrement similaire à celui que je suis lorsque j'ai fini ma journée, après tout. Et ce Hugh-là, tu n'as pas encore eu l'occasion de le rencontrer. Il te plaira peut-être plus que l'autre."

Au sein de son entreprise, Hugh se forçait à adopter constamment des codes qu'il ne comprenait pas. Il privilégiait à tout moment le confort de ses interlocuteurs, au détriment du sien, et faisait de son mieux pour s'exprimer d'une manière qui ne l'aliène pas systématiquement auprès de ses collègues neurotypiques et/ou humains.

Le Hugh Reid qu'il était autrement n'était pas si différent de celui-là, mais il se permettait tout de même beaucoup plus d'être lui-même, comme en témoignait la manière dont son corps remuait à tout instant. Tapotements sur ses hanches, cheveux entortillés autour de ses doigts, léger balancement, tout autant de mouvements qui l'aidaient à se recentrer et à appréhender le monde qui l'entourait... Des mouvements jugés anormaux et indésirables, qu'il était forcé de restreindre dans certains contextes, en compagnie de certaines personnes.

Il ne voulait plus être ce Hugh-là auprès de Zayn. Il n'avait pas à l'être.

"Peut-être qu'on devrait commencer par faire connaissance ? Reconnaissance, plutôt, je suppose. Et voir où tout cela nous mènera."

Hugh se faisait insistant dans sa proposition, déterminé à remplir à nouveau le vide laissé par Zayn après son départ forcé. Il ne pouvait pas envisager de quitter son ami sans avoir la certitude qu'ils se reverraient. S'il fallait qu'il rate le couvre-feu et bouscule toute sa routine pour le faire, il le ferait. Même s'il en souffrirait certainement les conséquences.

"On pourrait faire ça autour d'un café ou d'une boisson quelconque, peut-être ?"

Hugh se perdit brièvement dans ses pensées, se rappelant des achats qu'il avait effectué au cours du mois, calculant ce qu'il lui restait actuellement :

"Il devrait me rester assez pour te payer ce verre. De toute manière, mon salaire devrait bientôt tomber, et ma soeur est rapide pour me donner l'argent qui me revient. Mon argent de poche, je suppose."

Il y avait une certaine amertume dans ses propos. Hugh abhorrait le fait d'être sous la tutelle de sa soeur, de ne pouvoir prétendre à une once d'autonomie à son âge. Il était conscient qu'il lui serait difficile d'apprendre à être indépendant, puisqu'on ne lui avait jamais offert l'opportunité de s'y essayer, mais il voulait croire que cela était possible.

Qu'un jour, il pourrait vivre seul, disposer de son argent sans avoir à s'inquiéter du moindre regard sur ce qu'il en faisait, et établir son propre emploi du temps sans se reposer constamment sur sa soeur ou ses parents.

Un jour, oui, peut-être.

Leur dynamique avait pris un autre tournant. Différent de la relation qu'ils entretenaient à leur travail, en tant que collègues. Hugh voulait réellement croire que "différent" ne signifiait pas nécessairement "mauvais", même si la notion de changement le paralysait au quotidien. Quelque chose d'aussi léger et incongru que des travaux sur la route qu'il empruntait habituellement pour se rendre au boulot pouvait bouleverser un jour entier, alors toute une relation ?

Malgré la nervosité que l'idée lui inspirait, Hugh n'était pas prêt à renoncer à la chance qui se présentait à lui. Il avait cru ne jamais revoir Zayn, après son départ si précipité, et le vide qu'il avait laissé dans sa vie le hantait, quand bien même il s'était efforcé de se construire une nouvelle routine sans lui. Hors de question de laisser passer cette opportunité de retrouver l'homme dans sa vie, même si ce n'était pas comme il l'avait espéré...

Le scepticisme de Zayn sur la personne que Hugh était hors et au boulot lui fit hausser un sourcil, et ce fut d'une voix presque indignée qu'il se retrouva à répondre, comme offensé par l'idée que Zayn puisse réellement croire qu'il n'avait qu'une seule facette à présenter au monde :

"Bien sûr que je suis différent hors du travail ! Et... Et... Et plus naturel."

Hugh tapota ses jambes du bout des doigts dans un geste non dénué de contrariété, ajoutant d'une voix pressée :

"L'entreprise est un monde de conformité, et il est important, pour y être pleinement inclus, d'apprendre à faire comme les autres. C'est ce que m'enseigne ma thérapeute, en tout cas. Mais en-dehors du travail, je peux être pleinement moi-même, n'en déplaise aux autres."

Hugh n'était pas très doué pour la conformité. Oh, il savait imiter, mais la plupart des gens semblaient immédiatement voir à travers son masque, comme s'il était transparent. Ils savaient que, lorsqu'il agissait de la sorte, il n'était qu'une pâle copie de ce que la société attendait de la personne lambda. Et certains ne se privaient pour le lui faire payer. Mais pas Zayn. Zayn l'acceptait. Ou, du moins, c'était ce qu'il croyait jusqu'alors. Et ce qu'il voulait toujours croire aujourd'hui, malgré leur faux départ durant ces retrouvailles.

Le reste de leur conversation prit un détour pour le moins inattendu lorsque Zayn, sans vergogne aucune, jeta son mégot sur un pauvre passant, qui le prit à parti. Les mains de Hugh volèrent sur ses propres oreilles par réflexe lorsque Zayn répliqua à l'inconnu avec violence, son corps agissant comme s'il était le réceptacle direct de cette agressivité. Un "Hmm !" anxieux glissa hors de sa gorge et il lui fallut un court instant pour baisser les bras, retrouver son calme, et reprendre la conversation.

Hugh n'avait jamais su gérer les situations de conflit, qu'elles le concernent directement ou non. Intervenir pour tenter de défendre Zayn avait été une véritable épreuve pour lui, mais il n'aurait pu imaginer en faire autrement. Son ami méritait bien qu'il aille au-delà de ses limites. Qu'il s'aventure sur ces terrains peu familiers pour essayer de lui sauver la mise.

Comme Hugh le faisait actuellement pour préserver leur amitié, offrant à Zayn la possibilité de boire un coup avec lui. Ce que l'homme accepta, réjouissant Hugh au plus haut point. Un sourire grand, trop grand, naquit sur ses lèvres, et ses doigts s'agitèrent joyeusement dans l'air, dans un réflexe incontrôlé. Ce n'était pas une réponse enthousiaste de la part de son "ami", mais ce n'était pas un "non" définitif. Zayn avait fait un pas vers lui, et Hugh n'était pas prêt de gâcher cette chance.

Il avait commencé à tourner les talons, avant de réaliser très vite qu'il n'avait pas la moindre idée de l'endroit où se rendre. Un autre "Hmm." lui échappa devant cette contrariété nouvelle, et il lui fallut quelques secondes pour trouver les mots pour communiquer sa pensée :

"Est-ce que... Est-ce qu'il y a un endroit où tu aimes te rendre pour boire ? Je ne suis pas familier avec les alentours. Peu importe le lieu, juste quelque part où tu aimerais être. Où tu te sens bien."

Il s'accommoderait de l'ambiance, du bruit, de la population, tant que Zayn y trouverait son compte. Le regard à nouveau rivé vers le sol, perturbé par son incapacité à prendre le contrôle de la situation, Hugh attendait la réponse et la décision de son ami, espérant qu'il n'avait pas tout gâché en un instant.

Hugh eut un mouvement de recul devant la question de Zayn, aussi sûrement que s'il l'avait frappé de ses propres poings. S'il se sentait bien inclus auprès des autres ? La réponse était évidente, douloureusement évidente. Bien sûr que non. Si Hugh était inclus, s'il avait réellement sa place au milieu des autres, au sein de cette société, il ne serait pas constamment traité comme un enfant qui ne pouvait pas prendre seul ses propres décisions. On ne remettrait pas en doute ses capacités à prendre soin de lui-même, ses choix, son train de vie.

"Non."

La voix de Hugh était défaite, face à une admission qu'il avait été forcé de faire un trop grand nombre de fois. Non, il n'était pas inclus, en dépit de tous ses efforts. Même sans connaître son diagnostic, les neurotypiques sentaient sa différence, et leur première réaction était généralement un rejet, plus ou moins violent. Hugh pouvait faire de son mieux pour les imiter, cela ne serait jamais assez. Mais... Mais...

"Je ne fais pas cela par plaisir. Si je ne montre pas des signes "d'amélioration"..."

Hugh utilisa ses doigts pour marquer les guillemets, exprimant clairement dans sa voix, son attitude et son expression le dégoût qu'il éprouvait à cette idée :

"... Si je ne montre pas une aspiration et un effort constant en ce sens, ma thérapeute pourrait décider que je suis inapte à évoluer auprès de mes pairs, et ma tutelle serait la plus belle définition de la liberté, en comparaison de ce qui pourrait m'attendre."

L'idée le terrifiait. Que quelqu'un puisse décider ainsi qu'il représentait un danger pour lui-même et les autres, et l'enfermer en réponse à ce jugement. Aussi restreint était-il actuellement dans son train de vie, il pouvait néanmoins décider relativement de son propre emploi de temps, de la manière dont il gérait l'argent qu'on lui accordait, des gens qu'il voulait ou non fréquenter... Ce qui ne serait plus le cas, si son cas était considéré comme "désespéré". Si on le jugeait inapte à vivre au milieu de ses pairs.

"Je dois faire ces efforts au travail, tu comprends ? Et... Et en session. Avec ma thérapeute. Ce n'est pas juste pour le petit plaisir d'autrui, c'est... c'est un mécanisme de survie. De préservation."

Si Zayn avait fait preuve de ce même mécanisme, peut-être aurait-il encore son travail à ce jour. Hugh le pensait très clairement, mais il se contint de le dire, se mordant la lèvre pour empêcher les mots de s'échapper. Zayn n'apprécierait pas la chose, il en était persuadé. C'était blessant. Et inutile, étant donné que sa situation ne pouvait plus être changée aujourd'hui. Tout ce qu'il pourrait dire ne permettrait pas à Zayn de retrouver son travail chez Trask Industries.

Hugh fut rassuré que Zayn prenne les devants, face à son indécision. Il était tout simplement incapable de choisir lui-même un bar dans un lieu qu'il ne connaissait pas, car l'idée de faire le mauvais choix le paralysait. Et s'il décidait d'aller dans un lieu inhospitalier, qui pourrait rebuter Zayn et renforcer un peu plus le mur qui subsistait actuellement entre eux ? Non, non, il ne pouvait pas l'envisager, il ne pouvait vraiment pas l'envisager. Ce pourquoi il articula un "Merci" soulagé, suivant Zayn comme son ombre jusqu'au lieu choisi.

Hugh se figea brièvement lorsqu'ils pénètrent l'endroit, ses sens assaillis de toute part. Il pouvait entendre chaque conversation, chaque tintement de verre, et tous ces bruits s'entrechoquaient dans son crâne sans que priorité ne leur soit accordée. Sa mutation de multi-focus l'obligeait à comprendre et assimiler simultanément tout ce qui se passait autour d'eux, chaque parole prononcée, dans un vacarme assourdissant. Hugh s'empressa de fouiller ses poches pour en tirer un Rubik's cube.

Tandis qu'ils s'asseyaient dans un coin de la salle, Hugh commença à faire tourner les différentes faces de l'objet, se focalisant sur le bruit étrangement rassurant émis par le cube à chaque rotation. Il ne cherchait pas spécifiquement à résoudre l'énigme posée par l'objet (s'il le souhaitait réellement, il n'aurait besoin que d'un bref instant pour y parvenir), simplement à occuper ses mains et à se concentrer sur quelque chose qui ne le submergeait pas de toute part.

Jetant un oeil au menu sans y songer davantage, Hugh en assimila le contenu en quelques secondes, son nouveau pouvoir le forçant à lire chaque mot bien plus vite qu'il ne l'aurait souhaité. Hugh laissa échapper un gémissement douloureux, se frottant les yeux tout en marmonnant :

"J'ai déjà tout lu. Je déteste ça."

Il ne voulait pas de cette évolution de sa mutation. Elle le privait d'une des choses qu'il aimait le plus en ce monde, le plaisir de lire. De savourer un ouvrage, loin de la grisaille du monde qui l'entourait. Aujourd'hui, Hugh avait définitivement perdu cela.

Hugh prit une profonde inspiration. Il ne voulait pas s'énerver à nouveau, comme il l'avait fait avec sa sœur lorsqu'elle avait refusé de comprendre à quel point ce nouvel aspect de sa mutation le perturbait. Zayn ne méritait pas cela de sa part.

"Qu'est-ce que tu vas prendre ? Ils n'ont pas ta boisson préférée sur le menu. Pour moi, ce sera une pinte."

Hugh n'était pas un grand buveur, mais il lui arrivait de céder à l'appel de l'alcool de temps à autre, en particulier lorsqu'il n'était pas sous la supervision de sa sœur. Le regard appuyé qu'il posa sur Zayn semblait d'ailleurs le défier de réagir à ce sujet, de dire quoi que ce soit qui remettrait en doute la légitimité de Hugh à boire et à tenir son alcool. Le ferait-il ?

Hugh avait haussé vaguement les épaules lorsque Zayn avait évoqué sa thérapeute. En vérité, il ne savait pas si elle était réellement leurrée par ses tentatives de feindre la normalité, en maintenant le contact visuel, réprimant ses gestes d'auto-stimulation et imitant les scénarios sociaux auxquels elle l'avait soumis par le passé. Peut-être se contentait-elle simplement de faire son travail, sans s'interroger davantage sur le sujet. Il ne lui importait pas de savoir si Hugh était bien dans sa peau, s'il éprouvait moins de difficultés à supporter telle ou telle situation, s'il était légitimement plus à l'aise au milieu de ses pairs.

Ce qui comptait, c'était qu'il tende vers la conformité, vers la normalisation, et, même si cela était impossible, même sans progrès notable, qu'il ait l'air un peu moins "lui-même". Handicapé. Tout était fait pour le confort d'autrui avant le sien, pour préserver le neurotypique de se retrouver mêlé aux gens comme lui, d'avoir à s'accommoder de leur présence et de leur façon d'être. Hugh avait réfléchi des années durant à ce sujet, se partageant entre écœurement, résignation, colère et dégoût de lui-même. Mais tout cela, il n'avait pas à le subir avec Zayn. Il le pensait, du moins.

Le début de réaction de son "ami" vis-à-vis de son choix de boisson le poussa à songer que Zayn n'était pas aussi ouvert à son sujet que Hugh le croyait en premier abord. Avant qu'il ne puisse répondre à son ton interloqué, Zayn s'offusqua de l'absence de cappuccino sur le menu du bar. Son haussement de voix interrompit Hugh dans son fil de pensée, et ses mains volèrent une fois encore à ses oreilles, avant qu'il ne parvienne à dépasser son réflexe et à les reposer sur la table.

Hugh prit une profonde inspiration, triturant son Rubik's cube. Il ne comprenait pas l'éclat soudain de Zayn, bien qu'il pouvait probablement l'attribuer au caractère particulier de son "ami". S'ils n'en avaient pas, ce n'était pas en hurlant que les choses allaient changer, bien au contraire. Hugh, avec ses habitudes ancrées, prévoyait généralement un certain nombre d'alternatives pour éviter de se retrouver dans ce type de situation. S'il avait été dans le cas de Zayn, il aurait pu immédiatement passer à un autre choix sans exprimer un énervement contre-productif. Même chose pour sa pinte. Au cas où elle lui soit refusée, Hugh avait déjà sélectionné cinq autres alternatives à demander au barman.

"Monsieur a raison, c'est un bar. Ils ne sont pas tenus de proposer la même diversité en boisson chaude qu'un salon de thé ou un café."

Hugh passa ensuite sa propre commande, une fois que Zayn eut pris la peine d'effectuer une autre demande. Il n'avait jamais goûté ce "gin irlandais" que son ami avait commandé. Même s'il lui arrivait de boire de l'alcool, Hugh restait généralement dans des choix restreints et "prudents", qu'il savait pouvoir supporter, en terme de degré et de goût. L'homme avait un palais délicat qu'il se devait de préserver en toute circonstance. Heureusement pour lui, la bière faisait partie de ces spiritueux dont il pouvait supporter, voire apprécier le goût, en quantité raisonnable.

Attendant leur commande, Hugh se balançait légèrement sur sa chaise, ses mains continuant à triturer le Rubik's Cube dont le bruit parvenait à le rassurer et à le recentrer. Sans l'objet, Hugh se serait très vite laissé déborder, dans une ambiance aussi assourdissante (à ses yeux) que celle du bar. Gardant ses yeux focalisés sur le puzzle, Hugh reprit d'une voix qui n'était pas dénuée d'une pointe d'exaspération :

"Oui, il m'arrive de boire. Et je tiens relativement bien mon alcool, avant que tu ne commences à t'inquiéter à ce sujet. J'ai également déjà fumé, même si l'odeur et le goût me répugnent trop pour que je songe à essayer une nouvelle fois."

Il leva brièvement les yeux vers Zayn, un regard appuyé pour lui signifier qu'il entendait être traité en égal et en adulte, que ses choix n'appelaient pas au jugement, avant de reprendre sans hésitation, d'un ton tranchant :

"J'ai également une vie sexuelle, aussi surprenant que cela puisse te paraître. Des relations qui ne durent généralement qu'une paire de jours, dont la moitié a pris fin à l'instant où ils ont réalisé que les inviter à passer la nuit chez moi revenait à les inviter chez ma sœur. Mais je suis capable d'apprécier toutes sortes de vices, et de donner mon consentement pour les pratiquer. N'en déplaise à certains."

Hugh avait coloré une face entière de son Rubik's Cube. Il la posa contre le bois de leur table, tapotant sur l'objet du bout de ses doigts. L'homme avait évoqué le sujet sans hésitation, moins préoccupé par ce qui était "approprié" ou "déplacé" quand il était en compagnie d'une personne de confiance. Lorsqu'il n'avait pas à s'efforcer d'imiter un neurotypique lambda, s'interrogeant sans cesse sur les phrases employées et les mots soigneusement choisis.

Le serveur leur apporta leur commande, et Hugh prit sa première gorgée, laissant le goût amer envahir sa bouche et sa gorge. Il eut un frisson malgré lui, son épaule remontant pour effleurer le côté de sa tête qu'il avait penchée dans un réflexe incontrôlé. C'était une réaction familière à un goût aussi fort que celui de la bière, le temps que son corps s'habitue à des saveurs bien plus prononcées. Hugh n'accorda pas plus d'attention que cela à ce geste réflexe, son attention se focalisant désormais sur Zayn :

"Tu penses vraiment que je suis exactement le même qu'au travail ?"

Hugh étira un semblant de sourire, reprenant une courte gorgée :

"Que je ne peux pas te surprendre ?"

Cela sonnait presque comme un défi. Un besoin de prouver à Zayn, et à lui-même, que Hugh n'était pas que le gentil travailleur conformiste sur lequel on pouvait marcher à longueur de journée. Qu'il était plus que la carpette naïve que certains voyaient en lui.

Hugh avait le sentiment de jouer à un jeu dont il ne connaissait pas les règles. Tout était plus simple au travail, où Zayn et lui étaient collègues, et disposaient d'un contexte qui favorisait leurs interactions et leur camaraderie. Ici, ils n'avaient rien de tout cela, et Hugh commençait sérieusement à craindre de ne pas être en mesure de conserver l'homme dans sa vie.

Il avait voulu essayer de calmer le jeu, d'empêcher que les choses ne dégénèrent potentiellement entre le serveur et Zayn, mais il n'avait réussi qu'à rediriger une partie de la colère de son ex-collègue envers lui. Hugh se crispa au ton venimeux de Zayn, incapable de lui trouver réponse. Ce n'était pas dans ce domaine que Hugh parviendrait à trouver sa valeur, il n'avait aucune idée de la manière dont il était supposé gérer les conflits.

Tant bien que mal, Hugh tentait de prouver qu'il était différent de l'homme que Zayn avait rencontré au travail, mais chacune de ses tentatives résultait en un échec. Hugh sentait l'anxiété se faire grandissante, alors qu'il peinait un peu plus à chaque seconde à trouver un argument pour convaincre Zayn qu'il y avait quelque chose chez lui que le scientifique pourrait apprécier. Qui pourrait justifier de le vouloir un peu plus longtemps dans sa vie.

Si Zayn n'avait été jamais réellement son ami dans le cadre du travail, Hugh devait lui montrer que la personne qu'il était hors du travail valait davantage. Que ce Hugh Reid méritait son amitié et sa considération. Son respect. Mais chaque parole semblait creuser un peu plus le fossé qui existait entre eux, et Hugh avait la sensation de s'enfoncer dans un trou dont il ne pourrait plus jamais s'extirper.

Lorsque Zayn lui demanda s'il voulait une médaille, Hugh secoua la tête, un "Hmm" nerveux s'extirpant de ses lèvres. Ce n'était pas ce qu'il recherchait. En se confiant à l'homme sur ses habitudes, Hugh espérait que Zayn accepte l'idée qu'il était plus que le naïf employé régulièrement infantilisé par ses collègues et sa propre famille. Qu'il était capable de prendre ses propres décisions, et de s'adonner aux mêmes vices que n'importe qui d'autre. Mais cela ne semblait pas fonctionner, quoi qu'il puisse tenter...

"Non, je... je..."

Hugh se racla la gorge, remuant avec inconfort sur son siège. Peut-être qu'une part de lui souhaitait cela, en vérité. Etre validé dans ses choix et décisions, qu'on lui reconnaisse ses mérites et son comportement qui s'accordait avec son âge, parce qu'il ne parvenait pas à s'accorder lui-même cette validation. Parce qu'il doutait mériter une amitié comme celle de Zayn.

Hugh se sentait profondément pathétique. Et il détestait cette sensation. Ce n'était pas l'image qu'il voulait renvoyer à son ami, mais il était incapable de trouver les mots pour l'intriguer, le surprendre, éveiller sa curiosité et son intérêt. Le cœur de Hugh s'alourdit profondément, alors qu'il demandait d'une voix hésitante :

"Est-ce que je dois te surprendre pour que tu me laisses une chance ?"

Hugh lui-même n'était pas certain de la raison pour laquelle il était si obsédé à l'idée de regagner la présence de Zayn dans sa vie et le respect mutuel qu'il pensait être le leur. Mais peut-être que Zayn ne l'avait jamais vraiment respecté... Peut-être que Hugh s'était fait une montagne de leur relation, alors qu'il n'était rien de plus qu'un grain de sable dans la vie de son ex-collègue. Ce ne serait pas la première fois que cela arriverait...

Le geste de Zayn, buvant à même la bouteille, eut au moins le mérite de le détourner provisoirement de ses pensées négatives. Hugh haussa un sourcil, mais ne fit pas de commentaire, se contentant de répéter tout bas les mots que Zayn avait eu pour lui précédemment, lorsqu'il s'était exprimé sur sa manière d'agir et de s'exprimer :

"Je t'ai demandé l'heure, toi ?"

Hugh n'avait pas toujours un contrôle total sur ce qui sortait de sa bouche ou la façon dont il exprimait ses idées. En répétant les mots de Zayn dans un réflexe écholalique, il faisait comprendre qu'il ne ferait pas la même erreur et qu'il savait que Zayn ne voulait pas qu'il remette en cause sa manière d'agir.

Une forme d'expression qui était généralement incomprise par autrui, la plupart des gens ne souhaitant pas faire le moindre pas vers lui pour tenter de le comprendre. C'était à Hugh de s'adapter. C'était toujours à lui de s'adapter.

Hugh grimaça aux dernières paroles de Zayn. Il rectifia sans y réfléchir le nom que l'homme avait employé pour désigner le lieu de travail qu'ils partageaient alors, soufflant un "Trask Industries" plus pour lui-même que pour son ex-collègue. S'il n'était réellement pas différent hors du travail, s'il restait le même quoi qu'il arrive, alors quel espoir avait-il ?

Hugh s'appréciait davantage lorsqu'il n'avait pas à se soumettre aux normes sociales auxquelles il ne comprenait que peu de choses, mais cela ne faisait apparemment pas de lui quelqu'un de différent lorsqu'il ne s'adonnait pas à cette pratique. Quelqu'un qui valait la peine d'être connu.

Mal à l'aise, Hugh prit une gorgée un peu trop lourde de sa pinte, le goût amer le frappant avec virulence. Un spasme plus tard, Hugh reporta son attention et son regard sur Zayn, se mordillant la lèvre inférieure. Si proches, et pourtant si éloignés. Chaque propos qu'ils échangeaient était un coup de pelle qui creusait un peu plus le fossé qui les séparait. Et Hugh ignorait comment remédier à cela.

"Si je suis toujours le même quoi qu'il arrive, cela signifie que je demeure le Hugh qui n'était jamais réellement ton ami et dont tu ne veux pas dans ta vie. Et ce n'est pas ce que je souhaite. Je veux être une meilleure version de moi-même. Plus que le collègue que tu n'aimais pas vraiment, et que tu n'as probablement suivi que par pitié."

Hugh avait des mots durs envers lui-même, témoignant de son manque cruel d'estime de soi. La manière dont il avait été élevé ne l'avait jamais poussé à se considérer et à s'apprécier, et il avait toutes les peines du monde à se construire seul, en-dehors de ce que l'on pensait et attendait de lui.

Sa crise de la (presque) cinquantaine s'apparentait plus à l'existentialisme d'un adolescent se cherchant qu'à un homme en milieu de vie expérimentant mille choses pour mieux se retrouver. Pour se retrouver, il fallait d'abord se trouver, et c'était probablement là le nœud du problème...

"Tu ne penses plus que nous devrions être une normalité, donc ?"

Hugh prit une petite gorgée de sa pinte, et recommença à triturer son cube.

"Ce serait certainement plus simple, oui. Rien ni personne pour me faire sentir coupable de tenter d'être moi en-dehors de leurs conventions. Mais c'est sûrement là le problème. Cette culpabilité dont je n'arrive pas à me débarrasser. Et dont tu n'as pas l'air de souffrir."

Hugh leva à nouveau les yeux vers Zayn, et ce fut avec sincérité qu'il admit alors, son coeur battant à vive allure :

"Je t'admire pour tout cela. Et j'aimerais être davantage comme toi."

C'était ce qu'il avait toujours pensé, au fond, depuis le début de leur "amitié". Zayn était lui-même d'une façon que Hugh ne pouvait pas même envisager, et il l'enviait pour cela autant qu'il le respectait.

Hugh avait haussé les épaules lorsque Zayn avait souligné qu'il avait plus de relations sexuelles que lui. Le bio-informaticien ne voyait pas cela comme un accomplissement particulier, mais il tenait simplement à faire savoir que c'était un plaisir auquel il avait également légitimement droit, pour lequel il était capable de consentir.

L'infantilisation dont il était victime avait de nombreuses conséquences, que Hugh ne voulait plus avoir à subir. Il en avait assez de devoir réaffirmer qu'il était un adulte conscient de ses actes et de ses choix, mais nombreux étaient ceux qui en pensaient autrement. S'exprimer aussi librement sur le sujet permettait de remettre les pendules à l'heure, mais Hugh ne ressentait pas spécifiquement de fierté vis-à-vis de sa sexualité et de ses "prouesses" (s'il pouvait seulement employer ce terme). Il voulait simplement qu'on cesse de lui refuser ce qu'il était en mesure de vouloir pour lui-même.

Il fut soulagé d'apprendre que Zayn n'attendait pas de lui qu'il le surprenne. La surprise, cela n'avait jamais été le fort de Hugh, que cela soit pour la générer ou la recevoir. L'homme aimait que tout se passe comme il l'avait prévu, et appréciait d'appréhender chaque situation avec des repères préconçus. Il n'aurait pas eu la moindre idée de ce qu'il aurait pu faire, si Zayn avait réellement attendu de lui qu'il le surprenne, et ne pas pouvoir remplir cette condition lui aurait déchiré le cour.

L'interrogation de Zayn le prit de cours, Hugh étant convaincu que le sujet était sans ambiguïté et qu'il s'exprimait avec clarté. Tout dans cette conversation qu'ils avaient eu, depuis qu'ils s'étaient retrouvés, avait laissé à penser qu'il n'avait jamais été plus qu'un "collègue" pour Zayn (et non un ami, comme Hugh le ressentait), et que, en-dehors du contexte de leur travail, ils n'avaient donc plus raison de faire partie de la vie l'un de l'autre. Ce que Hugh ne souhaitait pas. Mais Zayn ne semblait pas comprendre d'où venaient ses inquiétudes et sa demande qui tenait presque de la supplique...

"Hmm... Une chance pour qu'on puisse revoir. Que tu me considères comme un ami."

Hugh reporta son attention sur son Rubik's Cube, le bruit de l'objet l'aidant à se calmer et à apaiser ses pensées, qui partaient dans tous les sens. Il en avait plus besoin que jamais, à présent, alors que ses paroles suivantes poussèrent Zayn dans un court élan de colère. Hugh se crispa un peu plus encore, terriblement mal à l'aise dans ces conversations où il devait parler à cœur ouvert et interpréter (correctement) tous les signaux et propos qui lui étaient renvoyés.

Tant bien que mal, Hugh tentait de donner sens à leur conversation, leur relation passée et présente, mais tout était si confus et compliqué. Des nuances que Hugh avait du mal à appréhender, et qui le poussait à des conclusions qui, visiblement, déplaisaient à Zayn. Hugh glissa brièvement une main dans ses cheveux pour les tirer d'un coup sec, répondant d'une voix bégayante et rapide :

"Je... Je ne sais pas ! Tu, tu, tu as toi-même dit que tu n'as jamais eu d'ami et, et, et, et si tu ne me voyais pas comme un ami, je ne sais pas pourquoi tu as passé tout ce temps avec moi ! Si ce n'était pas de l'amitié, c'était de la pitié, parce que c'est comme ça que ces choses fonctionnent avec moi, c'est comme ça que les gens me perçoivent, et ça a toujours été comme ça !"

Hugh avait haussé la voix malgré lui, attirant l'attention de certains clients du bar. Il s'enfonça dans son siège, dissimulant son visage dans ses mains pour trouver un peu de calme et de paix dans les ténèbres. L'exercice l'avait sapé de son énergie, et ce fut donc avec une certaine apathie qu'il finit par revenir à la réalité, le regard plus fuyant que jamais. Il prit une autre longue gorgée de sa pinte pour tenter de s'extirper de cet état, sans grand succès.

Hugh était fatigué. Fatigué de ces relations qu'il ne comprenait pas et ne contrôlait pas, de ce monde trop bruyant et envahissant, et du regard qu'on posait sur lui. Il était fatigué de ne pas saisir toutes ces choses et de commettre sans cesse des erreurs. Communiquer avec autrui était un challenge constant, et Hugh n'y était pas particulièrement bon.

Une fois encore, ses propos furent mal interprétés, alors que Zayn pensait qu'il avait prêché pour qu'ils deviennent tous deux normaux. Ce n'était pas ce que Hugh cherchait à exprimer. Il voulait dire que cela serait peut-être bien si eux étaient le nouveau "normal". Si les autres autour d'eux devenaient les marginaux. Que serait la société, si des gens comme lui et Zayn en étaient le représentant le plus lambda ? Hugh n'en avait pas la moindre idée. A ses yeux, le monde serait certainement plus simple à appréhender, en tout cas...

Démotivé à l'idée de devoir se réexpliquer (et probablement d'échouer encore une fois), Hugh haussa les épaules, et il se contenta de répondre un bref "Les deux ?" sans certitude lorsque Zayn lui demanda s'il était guidé par la culpabilité ou la crainte. Les deux, probablement. Hugh craignait régulièrement d'être lui-même et cette crainte menait à de la culpabilité dès lors qu'il se permettait de l'être, au milieu de gens qui ne souhaitaient rien d'autre que de ne pas avoir à supporter sa présence. De ne pas avoir à vivre avec lui tel qu'il était.

Zayn ne semblait ni craindre ni culpabiliser, et Hugh ne pouvait qu'admirer cela. Le désirer, même. Il se doutait, comme le disait Zayn, que cela aurait eu des conséquences, mais comme toute chose. Croisant ses bras sur la table, Hugh reposa son menton sur son avant-bras, captant brièvement le regard de Zayn avant de détourner le sien, soufflant d'une voix songeuse :

"J'aurais été libre."

S'il était comme lui, capable de se détacher du jugement placé sur lui, des attentes d'autrui, du moule dans lequel on le forçait jour après jour, Hugh serait probablement plus heureux. Libre d'être lui-même sans y penser à deux fois. Libre de faire ce qu'il voulait, fréquenter qui il le souhaitait, de disposer de son propre argent sans avoir à demander la permission de qui que ce soit...

Hugh étira un faible sourire sur ses lèvres, ajoutant en direction de Zayn :

"Et nous aurions pu être deux dans ce... "merdier", comme tu le dis."

Il ne se sentirait pas aussi seul. Seul et incompris.

"Tu me manques."

Le départ de Zayn avait laissé un trou dans sa vie. Et Hugh voulait le combler à nouveau. Même s'il s'y prenait probablement de la mauvaise manière. Comme d'habitude.

Hugh ne savait pas ce qui était pire. L'idée que Zayn ait pu le fréquenter par pitié, ou qu'il soit resté avec lui par défaut. Dans un cas comme dans l'autre, il devenait de plus en plus évident et impossible à ignorer que Hugh avait placé bien plus d'importance et de sentiments dans leur relation que Zayn ne l'avait fait. Une fois encore. Et cela le lassait, avec une intensité qu'il n'avait pas éprouvé jusqu'alors.

Hugh décroisa légèrement les bras, sa main serrée en un poing, qu'il se mit à mordre avec virulence. La seule façon qu'il avait trouvé de ne pas crier, de ne pas pleurer. La pitié, il s'y était accommodé, tant bien que mal. Il la haïssait, mais elle faisait partie de sa vie et de ses relations depuis trop longtemps pour que Hugh n'ait pas appris à s'y faire, malgré la douleur qui l'accompagnait. Mais être l'option par défaut ? Etre fréquenté parce qu'il n'y avait pas mieux autour ? Hugh ne savait que faire de cela, et cela le déchirait plus encore que ce qu'il avait pensé à la base.

Hugh parvint difficilement à cesser de maltraiter son poing et sa chair, de plus en plus affaissé sur sa chaise. Ses retrouvailles avec Zayn avaient été un véritable ascenseur émotionnel, et Hugh n'était pas équipé pour gérer cela en toute sérénité. Il n'avait qu'une envie, à laquelle il ne cédait pas : se recroqueviller sous la table, fermer les yeux, se boucher les oreilles et attendre que le temps passe. Que le monde continue à évoluer sans lui. Mais il ne pouvait pas faire cela. Non, il ne pouvait pas.

"Je suis... je suis resté avec toi parce que je t'aimais. Pas parce qu'il n'y avait personne d'autre. Parce que tu étais toi, et que j'aimais ça."

Hugh fut brusquement secoué d'un petit rire, qui aurait probablement dû être un sanglot. Son corps ne transcrivait pas toujours avec précision ce qu'il pouvait éprouver, ce qui résultait en des réactions incongrues et inappropriées, comme c'était le cas actuellement.

"Je suis stupide. J'avais tort, quand j'ai dit que je ne l'étais pas, car je suis vraiment, vraiment, vraiment stupide."

Stupide d'être le seul à aimer avec autant d'intensité. De s'investir aussi personnellement et intimement dans ce qui n'était qu'une relation de travail par défaut. Si un autre que lui, tout aussi intelligent que Zayn, avait été leur collègue, Zayn ne lui aurait pas même accordé un regard. S'il y avait eu quelqu'un qui n'était pas Hugh, qui avait sa cervelle, mais pas ses particularités, sa sentimentalité, sa naïveté, Zayn ne l'aurait pas même fréquenté par défaut. Hugh n'aurait tout simplement pas existé pour lui. Et cela faisait mal.

Et malgré tout cela, en dépit de ce qu'il venait d'apprendre et de la souffrance engendrée, Hugh ne voulait pas repousser Zayn. Il ne voulait pas l'éloigner de lui. Une part du bio-informaticien espérait qu'il parviendrait à être plus qu'une relation par défaut. Un vrai ami.

L'une de ses relations "amoureuses" lui avait dit, des années auparavant, que Hugh avait un penchant masochiste, et elle était probablement dans le vrai. Malgré la souffrance, Hugh ne pouvait pas simplement envisager d'effacer Zayn de sa vie, maintenant que l'homme était revenu. Il avait besoin de compter pour lui. D'exister à ses yeux.

"Je sais que tu ne reviendras pas. Chez Trask Industries. Mais... Mais..."

La gorge de Hugh se serrait un peu plus à chaque mot. Il tenta de noyer la sensation dans ce qu'il lui restait dans sa pinte, sans succès. L'essai le poussa vers une quinte de toux, et les larmes finirent enfin par couler malgré lui, son corps le trahissant au pire moment. Les mots étaient de plus en plus difficiles à sortir, et il commença à les mâcher, ce qu'il tendait à faire lorsque sa diction se faisait compliquée, voire proche de l'inexistant :

"Y a plus dans l'monde que Trask. On... On... On peut s'voir autrement. Plus par défaut."

Hugh reposa sa tête dans le creux formé par ses bras, marmonnant d'une voix presque intelligible :

"J'suis fatigué."

Epuisé serait le mot le plus approprié pour décrire son état actuel. Tous ces bouleversements l'avaient vidé, et il voulait être chez lui, recroquevillé sous la couette et dans l'obscurité jusqu'à ce que le monde se décide d'être un peu plus clément. Retrouver de la force, pour mieux recommencer. Aussi douloureux cela pouvait-il être, il ne voulait pas abandonner l'idée de fréquenter Zayn. D'être son ami. Il ne voulait pas, et il ne pouvait pas.

Ses pensées se faisaient de plus en plus confuses, de moins en moins articulées. Hugh parvient à souffler un bref "S'il te plaît." mais pas davantage. Il ne pouvait pas exprimer ce besoin qu'il avait de faire partie de la vie de Zayn. De combler le vide que son absence avait laissé. Cette nécessité à être plus qu'une relation par défaut aux yeux de l'homme. Les mots lui manquaient. Et, au-delà de cela, le sens de cette obsession. Hugh ne comprenait pas ce qui le poussait à agir de la sorte, et cette incompréhension participait encore davantage à son épuisement. A son abattement.

La vision que Hugh et Zayn avait de leur relation différenciait en tout point. Pour Hugh, cela ne suffisait pas que Zayn le considère comme un simple collègue. Des collègues, il en avait beaucoup, et la plupart ne le traitaient qu'avec une courtoisie forcée, quand d'autres n'hésitaient pas à le rabaisser pour ses différences et ses difficultés. Il n'y avait rien de spécial à être le collègue de Zayn. Rien de particulier. Rien qui ne justifiait l'intensité des sentiments qu'il éprouvait pour l'homme, cette amitié dans laquelle il s'était investi cœur et âme.

Pour Zayn, cette relation semblait avoir eu son importance, mais cela avait pris fin à l'instant même où il avait été forcé de quitter Trask Industries. Balayés, leurs interactions, leur lien, tout ce qu'ils avaient pu partager durant le temps où ils avaient travaillé ensemble. Un grain de poussière dans une existence toute entière. Hugh savait qu'il devrait accepter cela. Cesser de se faire davantage de mal. Mais ce n'était pas aussi simple. Zayn avait fait partie de sa vie, et il n'avait pas digéré son départ abrupt. Le retrouver ainsi, pour mieux le perdre, c'était tout simplement de la torture.

Hugh renifla. Les explications de Zayn ne l'apaisaient pas. Elles ne nourrissaient pas ce besoin constant qu'il avait d'être aimé. Estimé. Accepté. Un collègue. Rien de plus qu'un collègue. Ce n'était pas ce que Hugh voulait. Ce n'était pas ce qu'il avait pensé de leur relation.

"Si... S'il y avait eu un autre comme nous, tu n'serais pas resté. Ou même venu."

C'était ça, le plus dur à digérer. Ce sentiment d'avoir été fréquenté simplement parce qu'il n'y avait personne d'autre pour le faire. Etre là pour boucher un trou, ni plus ni moins. Pas de pitié, ni d'exploitation, ou que savait-il encore dans cette relation qui avait été la leur. Mais quelque chose proche de l'indifférence. De la résignation. S'il avait bu davantage, Hugh aurait probablement recraché le contenu de son estomac à cette pensée.

"Des collègues, y en a des tas. Pas des amis. C'est... C'est spécial."

Hugh était beaucoup moins articulé, peinant de plus en plus à transcrire ses pensées en mots. Il se sentait profondément stupide et horriblement naïf, et il savait pertinemment que c'était une erreur qu'il reproduirait à l'avenir. Parce qu'il continuait à espérer pour cette amitié qui lui faisait défaut, pour cette personne qui saurait le comprendre intimement et lui accorderait tout autant d'importance qu'il le faisait en retour. Et cette personne n'était pas Zayn, même s'il avait espéré que cela le soit.

Les derniers mots de Zayn firent naître un sentiment bien différent de la déception et du cœur brisé qu'il avait engendré jusqu'alors. Cette fois, c'était de la colère. Et une ferme envie de lui prouver qu'il avait tort. Zayn prétendait savoir ce que Hugh pouvait aimer en lui ou non, alors qu'il n'avait pas même eu conscience de l'importance de leur relation pour lui, l'effaçant sans regret et croyant sincèrement, au début de leurs retrouvailles, qu'il aurait pu être de ceux qui l'avaient trahi. Comment pouvait-il présumer quoi que soit de lui, dans ces conditions ?

Hugh se redressa difficilement. Il renifla une autre fois, essuyant ses yeux humides avec sa manche. Renonçant à la communication verbale, qui lui semblait hors de portée ou, tout du moins, incapable de transcrire proprement ce qu'il ressentait, il tira son téléphone portable de sa poche et y écrivit rapidement un message, le tendant d'un geste vif à Zayn :

Tu n'as pas le droit de décider pour moi ce que j'apprécie ou non. Pas sans me laisser une chance de le découvrir.

Il reprit son téléphone pour écrire à nouveau, des "Hmm.." nerveux lui échappant irrégulièrement. Il avait de plus en plus de mal à supporter le monde extérieur et son ambiance bruyante, son corps réclamant du calme et de la solitude. Mais il ne voulait pas partir sans s'assurer que ces retrouvailles, aussi catastrophiques aient-elles pu être, ne marquaient pas la fin de leur relation. Si relation il y avait, entre eux.

On peut apprendre à être amis. Des collègues, j'en ai beaucoup, mais il n'y a qu'un seul Zayn. Et il n'y a qu'un seul Hugh, et j'ai besoin de croire que cela signifie quelque chose pour toi. Je n'abandonnerai pas. Tu verras que je peux être extrêmement têtu.

Un client fit tomber son verre par mégarde. Le bruit assourdissant vint torturer les sens de Hugh, et ses mains volèrent à ses oreilles. Son portable, toujours serré entre ses doigts, frappa l'une de ses oreilles par mégarde, pas assez fort pour l'assommer, juste assez pour le faire couiner douloureusement. Il lui fallut un instant pour réussir à se décrisper, et davantage pour écrire encore une fois, tendant son téléphone d'une main tremblante :

Je dois rentrer. Ca ne va pas. Ca ne va pas du tout. Ma soeur va venir me chercher.

Hugh détestait l'idée de la contacter, et d'abandonner ainsi Zayn. Mais il ne pouvait plus s'exprimer correctement, et le moindre bruit devenait une agression. Il ne pouvait pas interagir avec son ami convenablement dans cette situation, et risquait de creuser davantage le fossé qui existait désormais entre eux.

Son regard se posa une nouvelle fois sur Zayn. Un regard épuisé, abattu, mais dans lequel persistait un semblant d'espoir. Un espoir mâtiné de supplique. Ce fut avec lenteur qu'il tapa une dernière réponse, à la fin de laquelle il avait noté son numéro de téléphone :

Promets-moi qu'on va se revoir. Et essayer. Laisse-moi décider si j'aime le Zayn que tu es ou pas. S'il te plaît.

Hugh ne lâcherait pas l'affaire, même s'il lui disait "non". Il n'était pas sans ressources. Il écumerait le quartier du Bronx des heures durant, si cela était nécessaire pour retomber une nouvelle fois pour Zayn. Pour le croiser "par hasard". Et laisser une chance à leur relation.

Hugh voulait croire ce que lui disait Zayn. Qu'il se trompait et que, s'il y avait eu un autre que lui, le scientifique lui aurait malgré tout accordé une place privilégiée. Sa présence. Son amitié. Mais comment ne pas douter, après avoir été témoin du comportement que Zayn avait eu à son égard tout le long de leurs retrouvailles ? Comment penser sincèrement qu'un autre n'aurait simplement pas comblé le vide mieux que Hugh ne l'avait fait ?

Hugh aspirait à être aimé. A une amitié forte, peut-être même exclusive, comme dans les livres qu'il avait pu lire et les films qu'il avait pu voir. Il pensait qu'il avait eu droit à cela avec Zayn, mais à présent, il n'était plus sûr de rien, et se raccrochait désespérément au passé et à ce qu'ils pouvaient tenter de bâtir dessus. Même s'il devait être le seul à poser les pierres fondatrices de leur relation.

Bien que Hugh n'était pas quelqu'un qui allait au devant du conflit, il pouvait se montrer extrêmement têtu lorsqu'il avait une idée en tête, et il était presque impossible de l'en détourner. Un comportement obsessif qui lui avait déjà causé des problèmes par le passé, mais qui n'avait jamais été proprement adressé. L'amitié de Zayn lui était précieuse, sa présence dans sa vie relevait de l'indispensable, maintenant qu'il était de retour, et Hugh n'était pas prêt à y renoncer. Pas tant qu'il resterait une once d'espoir à ses yeux de réparer leur relation.

Il leva les yeux au ciel lorsque Zayn prétendit qu'il ne décidait rien pour lui et le tenait simplement au courant. N'importe quoi. Si le scientifique n'était même pas conscient de l'importance de leur relation à leurs yeux, il n'avait certainement pas la légitimité de se prononcer sur ce que Hugh apprécierait chez lui ou pas. Ils ne se connaissaient pas réellement ? La solution était toute trouvée : ils devaient apprendre à se connaître. Et non se fuir l'un l'autre, comme Zayn semblait déterminé à le faire depuis le début de leurs retrouvailles.

Si la détermination de Hugh ne fut pas ébranlée par le coup d'éclat de Zayn, après son dernier message, il n'en resta pas moins choqué. Un sursaut l'avait secoué de toute part, et il avait couiné une fois encore, son mouvement de recul le faisant presque tomber de sa chaise. La surprise l'avait brièvement paralysé, et il n'eut pas le temps de réagir assez vite pour retenir Zayn, sa main se refermant sur du vide alors qu'il cherchait maladroitement à attraper sa manche.

Il lui fallut un instant pour digérer les mots du scientifique après son départ précipité. Il ne comprenait vraiment pas sa réaction, et encore moins la panique qui semblait l'avoir saisi. Pourquoi ne pouvait-il pas le revoir ? Pourquoi prétendre qu'ils ne pouvaient plus faire partie de la même vie ? Le destin les avait réunis après leur séparation brutale, et Hugh refusait d'y voir une simple coïncidence. Il n'était pas religieux, mais il croyait que certaines choses arrivaient pour une raison, et c'était le cas actuellement.

Hugh n'avait pas revu Zayn simplement pour renoncer à lui. Et il ne le ferait pas. Alors qu'il avait contacté sa soeur et attendait qu'elle vienne le récupérer, se balançant nerveusement sur sa chaise, Hugh réalisa que Zayn avait payé pour leurs deux consommations, alors qu'il avait promis de l'inviter. Une raison de plus pour le revoir. Hugh ne mentait pas, et s'il avait promis de payer pour eux deux, hors de question de se dérober.

Il retrouverait Zayn. Pour le rembourser. Et pour donner une nouvelle chance à leur relation. Ils avaient été amis. Plus que de simples collègues. Ce que Hugh éprouvait pour Zayn allait au-delà de la simple relation professionnelle, et il ne pouvait pas accepter que cela n'avait pas été réciproque. Que cela ne le serait jamais. Il ne dirait rien à sa soeur de leurs retrouvailles, mais Hugh n'en resterait pas là. Et il le retrouverait, même s'il devait retourner le Bronx tout entier.