Paper Planes (ft. Eryn)

Les deux tête-à-têtes imprévus dans lesquels avait été entraîné Darius dans les dernières semaines l’avaient laissé pensif quant à ses relations personnelles. S'étant tous les deux déroulés à l’Equilibrium, ces rendez-vous lui avaient aussi fait penser à son amie de longue date, Abby, ainsi qu'au Refuge dont elle s’occupait toujours.

Cela faisait un moment qu'il n'avait pas parlé à Abby, et encore plus longtemps depuis sa dernière visite à la grande maison qui servait de havre de paix pour les jeunes mutants. Lorsqu'il avait passé le flambeau à sa meilleure amie afin de se concentrer sur la mise en place de l’Institut, Darius avait continué de visiter le Refuge qui était né de sa propre idée. Initialement assez réguliers, ses passages s’étaient faits de moins en moins fréquents à mesure que le temps passait et que les responsabilités de l’Institut s’accumulaient, jusqu'à ce qu'il cesse de s'y rendre chaque année. Il ne jugeait plus cela nécessaire : il accordait une confiance hors-norme envers Abigail et il savait qu'elle pouvait gérer sans lui. Les changements qu’elle y avait apportés tels que le déménagement et le recrutement de divers professionnels utiles en étaient la preuve concrète.

Le Refuge appartenait entièrement à Abby maintenant, et le Sinclair n'était qu’un visage semi-familier (ou pas du tout) pour les mutants qui étaient hébergés. Il les attendait surtout à l’étape suivante, lorsque le contrat d’un an venait à échéance et que les jeunes étaient rédigés vers le manoir de Lesley.

C'était la première fois en deux ans que Darius mettait les pieds dans la demeure de Manhattan cette journée-là. Il dut gentiment expliquer à l’un des gardiens de sécurité que non, il n'était pas un persécuteur, et qu’il ferait mieux de faire preuve d’un peu plus de respect. Sur ce, il demanda à voir Abby, mais apprit que celle-ci venait de quitter juste avant son arrivée pour faire quelques courses. Un risque prévisible lorsqu'on décidait de se présenter à l’improviste.

Le vieux mutant décida de patienter dans le jardin, au cas où son amie reviendrait dans la prochaine heure. Rares étaient les fois où il ressentait autant le besoin de venir confier ses tracas ; rares aussi étaient les fois où une ancienne flamme revenait le hanter en même temps qu’une nouvelle histoire de cœur venait de se créer. Deux situations indépendantes et compliquées pour lesquelles le soutien d’Abby pourrait aider.

Mais à peine eut-il le temps de se perdre dans ses pensées qu’un vacarme soudain venant de la cabane au fond de la cour capta son attention. N’ayant rien de mieux à faire, il décida d’aller voir ce qui avait provoqué ce bruit — une bestiole, peut-être, ou des outils mal rangés ayant fini par tomber ? 

“Bonjour...”, dit-il en retenant sa confusion après avoir ouvert la porte. Il ne s’attendait pas à y trouver une personne et encore moins à constater que celle-ci semblait y avoir installé son lit. “Je peux t’aider ?” demanda-t-il alors, un sourcil levé.

La personne qui se trouvait derrière la porte se tourna vivement vers Darius. Sans cacher son mécontentement, elle lui reprocha de ne pas avoir frappé et de la déranger alors qu’elle était occupée. “Pardon,” s’excusa-t-il sans particulièrement avoir l’air désolé. “Je ne m’attendais pas à retrouver quelqu’un dans ce… bric-à-brac.” Il zieuta l’intérieur sombre et étroit de la cabane qui semblait effectivement contenir un matelas au milieu des étagères et des objets en tous genres. L’ancien directeur du Refuge se souvenait avoir aidé Abby avec quelques travaux de réparation lorsque le manoir avait été acheté et la cabane était l’endroit où atterrissait tout ce qui n’avait pas de place ailleurs. Cela n’avait pas l’air d’avoir changé, hormis le fait qu’un.e gamin.e avait aussi l’air d’y être atterri.e…

Darius voulut lui demander ce qu’iel faisait là mais iel ne lui en laissa pas l’occasion, préférant plutôt se lancer dans l’expression d’une colère qui, sur le coup, lui parut injustifiée. Elle s’avança vers lui pour lui cracher ses accusations au visage alors qu’il la dépassait d’au moins une tête. Il demeura perplexe pendant un instant : il ne comprenait pas pourquoi iel se mettait dans un tel état, bien qu’il fut en mesure de saisir qu’iel en avait lourd sur le cœur.

Dis-moi ce que tu viens faire ici.

Les derniers mots résonnèrent d’une façon particulière et le vampire se surprit à prononcer une réponse avant même d’avoir réfléchi à ce qu’il était prêt à divulguer.

“Je viens voir Abby. J’ai besoin de ses conseils au sujet de femmes… compliquées.”

Puis il cligna des yeux comme s’il avait été possédé pendant ces trois dernières secondes. Il était bien conscient de ce qu’il venait de dire, mais c’était comme s’il n’avait pas pu s’empêcher de révéler ses pensées. Pourtant, il était loin d’avoir l’intention d’étendre sa vie privée auprès de cette enfant.

“Viens-tu d’utiliser ton pouvoir sur moi ?” demanda-t-il avec scepticisme.

Fixant lae jeune les sourcils froncés, il tentait de faire resurgir des souvenirs longtemps oubliés. Il se souvenait maintenant d’un.e mutant.e du Refuge ayant un pouvoir d’hypnose similaire à ce qui venait de se produire.

Quel était son nom déjà ?
Evelyn ? Ellin ?
Non…

“Eryn.”

Darius ne serait pas surpris de constater qu’il était tombé sous l’effet de sa voix hypnotisante. Il était davantage surpris de la retrouver encore chez Abby depuis tout ce temps.

“N’as-tu pas dépassé l’âge pour être ici ?”

Peut-être était-ce pour ça qu’elle s’était ramassée dans le jardin…