Fighter | ÁNGEL.

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'Cause it makes me that much stronger, makes me work a little bit harder, makes me that much wiser.. So thanks for making me a fighter. Made me learn a little bit faster, made my skin a little bit thicker, makes me that much smarter.. So thanks for making me a fighter. ---       @Ángel Vidal    

Des jours d'absence, de silence intérieur ; Et le trou noir, encore une fois. Comme toujours. Leta portait en elle le fardeau du déni ; silencieuse quant à sa peine, elle encaissait coup par coup. Darla ne lui laissait aucun répit, forçant les portes de sa conscience afin de laminer son ignorance.

Elle devait.
Elle devait réaliser combien sa vie portait en son sein un fil conducteur rouge comme le sang. Le sien. Celui qui avait coulé au nom de son insouciance.

Pourtant, Leta ne voulait pas.
Elle réfutait. Elle refusait. Elle rejetait.
Et cette rage qui brulait ses veines ainsi que sa psyché subissait une déviation. D'une colère bafouée, elle se transmutait en une rage d'exister. Et la haine des humains s'était transposé en celle des mutants. Abominations rejetées dans un mépris porteur de mille secrets, Leta ne cessait de claquer la porte à ses propres racines.

Tandis que le réveil s'était d'ailleurs fait difficile, elle avait émergé avec une sensation de déphasement. Corps las pour esprit embrumé, Darla lui avait laissé en cadeau les reliquats d'une gueule de bois psychologique. Comme toujours.

Et comme souvent, la Forsyth s'était finalement arrachée à son lit afin de rejoindre sa douche puis quitter les lieux une fois les préparatifs fait. Détour vers le café du coin pour s'acheter une tasse fumante, il lui avait fallu un peu de chemin pour finalement arriver à sa salle de sport habituelle.

Leggin noir et brassière qui se dévoilait sous l'attirail civil laissé au vestiaire, le gobelet de café était finalement abandonné dans une poubelle tandis qu’elle commençait à peine à s'étirer quand une haute charpente vint à sa rencontre. Vincent ou Vince pour les intimes ; il l'observa un moment avant de lâcher un sifflement moqueur.

« Bah alors Leta ? Ça fait un moment qu'on t'as pas vu, t'étais passée où ? »
Un éclat farouche brillait dans les iris céruléennes de la sportive qui toisait le jeune homme avant de relever sa chevelure et de se l'attacher machinalement en une queue de cheval approximative.

« Qu'est-ce que ça peut te faire ? T'es mon père maintenant ? »
Leta accusa réception d'abord d'un rire, puis d'une réponse devenue ritournelle. « T'es toujours aussi aimable, ma parole ! »

Un sourire adorable aux lèvres, elle papillonna des yeux telle la douce enfant qu'elle pouvait être sans pour autant en épouser les contours.

« Allez, rend-toi utile. J'ai besoin de me défouler. » conclut-elle en lui faisant signe de venir tenir le sac de frappe tandis qu'elle enfilait ses protections. Vince obtempéra pour permettre à Leta de lancer aussitôt les hostilités.

Rage a exotériser et colère latente face à sa propre ignorance, elle frappait comme si sa vie en dépendait. Elle frappait avec une force et une concentration telle que Vince en fut médusé. Et face à sa relâche, Leta lui adressa un regard glacial qui lui fit froncer les sourcils. Elle était décidément trop bizarre, cette nana, pensa-t-il, comme souvent.

Le souffle aussi furieux que ses instincts, Leta finit par s'arrêter au bout d'interminables minutes. Les bras courbaturés par sa propre violence extériorisée, elle se détourna un moment en s'étirant et fit face à l'entrée pour voir arriver son ami. Ángel.

Le pas figé, elle fut un moment perdu dans ses pensées avant de lui adresser l'ombre d'un sourire. Vince logé dans son sillage la dépassa pour se frayer un chemin entre les deux amis. « Eh bah, c'est pas à moi qu'elle décrocherait un sourire, t'as bien de la chance mon vieux. »

En guise de réponse, Leta adressa un regard acéré à la montagne de muscles et en revint à Ángel. « Bah alors, qu'est-ce que tu fais là ? »
La véritable question était plutôt de savoir où, elle, elle était passée, non ?

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Le besoin de se défouler, d'oublier ce que sa mémoire refusait de lui dévoiler ; Leta avait toujours trouvé un dérivatif efficace dans le sport. Finalement, c'était un des points communs qui la liait à Ángel, si on ne comptait pas sur leur amitié de jeunesse qui était parvenue à perdurer malgré les tumultes de la vie. Pendant un temps, Leta n'avait pu qu'en vouloir à Ángel, comme elle en avait voulu au monde entier, pour son échec à intégrer le rang des persécuteurs.
Mais finalement, le temps avait calmé sa rancœur, la forçant à relever –  par la même – la tête afin de se tracer un autre chemin de vie. Formatée depuis sa plus tendre enfance, la mécanique avait été difficile à faire évoluer. Les rouages solidement accrochés avaient fait de la résistance, la forçant à atteindre les limites de sa résilience.

Mais elle avait réussi, Leta.
Elle avait réussi, et elle en était fière.

Et puis, il avait fallu qu'elle survive à cet accident qui avait bouleversé à nouveau sa vie. Depuis, elle était persuadée de vivre avec des séquelles indélébiles ; Et ce, malgré tous les résultats de la médecine moderne. Tous les docteurs avaient été formels, elle allait diablement bien. Pourtant, Leta s'était sentie bizarre dès son réveil.

Elle s'était sentie différente.
Et chaque jour qui passait lui rappelait cette dissonance. Il n'y avait bien qu'Ángel pour lui permettre de se rappeler qu'elle était encore Elle. Malgré tout, malgré ce qu'elle refusait de réaliser et de voir.

Ainsi donc, la venue de son ami fut une heureuse providence et arqua enfin ses lèvres crispées de rage latente d'un sourire sincère. Pour autant, la colère était encore là, grondante. Alors, lorsque Vince joua son rôle favori de gros bras au pois chiche cérébral, elle ne put que museler son envie de le frapper jusqu'à le réduire au silence.

Naturellement pourtant, Ángel temporisa la situation en se proposant de le remplacer. « Bonne idée.. » Souffla Leta avec un certain soulagement tandis que Vince regardait l'un comme l'autre avant de se faire évincer.

« Comme si cette petite crevette pouvait me froisser le moindre truc.. » Ajouta-t-il en guise de conclusion, histoire d’ajouter une couche à sa misogynie ordinaire.

« Pardon ? » Articula Leta froidement, d'un timbre qui la rapprochait dangereusement d'une frontière haineuse qui lui était inconnu. Darla rôdait, à l'orée de cette rage de l'autre. Les poings crispés, elle encaissa la raillerie de Vince qui prenait visiblement tout cela à la rigolade. Finalement, il n'y avait rien de mal à blaguer un peu, non ?!

Glissant un pied au sol, Leta fut arrêtée par Ángel qui la ramena à lui par ses quelques mots. Il était ravi de la voir.
Simplement ravi de la voir.
Ces quelques mots désamorcèrent la bombe négative de ses émotions et elle soupira. « Moi aussi, Ange. » Glissant quelques doigts à sa tempe, elle sembla enfin se décrisper. « J'ai un mal de crâne à se damner.. » Jura-t-elle, comme pour expliquer son humeur.
Une bonne migraine, finalement, ça justifiait souvent.. Tout.

Retrouvant un sourire plus léger, elle réajusta finalement ses protections sur ses mains pour s'approcher de quelques pas de son ami. « Toujours.. J'ai toujours de l'énergie ! Et ça me fera surement du bien ! »
L'entrain retrouvé dans l'expectative de se défouler, elle prenait la direction du tapis qui allait encadrer leur échange musclé. En position, elle tendit la main afin de lui faire signe de lancer l'offensive avec un sourire malicieux. « A toi l'honneur. »

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Sur le bas-côté demeurait Vince qui les observait d'une œillade se voulant aussi discrète que désintéressée. Rapidement, Leta oublia jusqu'à sa présence afin de se focaliser sur le combat improvisé entre amis. Selon elle, l'amitié ne pouvait justifier aucune demi-mesure. Et par respect pour son vis-à-vis, elle décida de tout donner.
Engagement laissé à Ángel, il s'avança pour lancer les hostilités. Les coups s'enchainèrent alors avec précisions et énergie tandis que d'un pivot de ses appuis, Leta parvint à se donner la puissance nécessaire pour faire rencontrer le sol à Ángel. Son erreur arriva néanmoins ensuite ; greedy, elle brada son solide aplomb contre une avancée qui la fit vaciller tandis que le tibia masculin rencontrait sa cheville droite. Chute sourde qui la faisait basculer au sol, le dos rencontrait tout à coup le tapis.

Le sifflement pseudo-admiratif de Vince ne parvint même pas à l'oreille de Leta qui, sous le choc minime vit défiler quelques brides d'images incompréhensibles derrière son regard figé. Immobile pendant une seconde, elle se laissa submerger par une bouffée de colère emprunté avant de finalement s'en départir alors que son attention échouait sur la silhouette d'Ángel qui se redressait. Ses quelques mots, assourdit par le sang et la rage battant à ses tempes, furent perçu tardivement tandis qu'elle se relevait souplement pour venir lui faire face. Le souffle précipité par l'effort, Leta ne semblait guère déterminée à s'arrêter là.

« Que veux tu ? Je m'applique à la tâche, tu le mérites bien. » Articulait-elle finalement avec un brin d'humour retrouvé tandis qu'un clin d'œil ponctuait son propos et qu'un sourire parvenait enfin à s'installer durablement sur ses lèvres.

A nouveau en position, Leta inspirait profondément pour finalement expulser les images résiduelles qui étaient venus la hanter quelques secondes plus tôt. Vide fait, elle lança à son tour l'offensive afin d'engager leur second round. L'énergie renouvelée de ses coups fut avérée tandis qu'elle demeurait concentrée sur les mouvements d'Ángel. De sa garde à ses coups portés, elle ne laissait rien passer, rien qui ne lui soit préjudiciable. Les minutes s'allongèrent dans l'échange tandis qu'elle finit par se faufiler dans une des rares failles défensives de son ami.
Et ainsi le fit elle tomber au sol et veilla à conserver ses appuis tandis qu'elle le surplombait d'un genou au sol.

Posture agressive qui se figeait par ce poing levé tandis que son regard s'accrochait au sien. Une lueur fugace à la coloration arctique plana dans ses iris. La furie sous couvert grondait ; Darla détestait Ángel. Elle le détestait ; pour tout.. Tout ce qu’il pouvait représenter dans la vie de Leta. Et rien que de sentir sa présence fit vibrer la corde de son mécontentement.

Néanmoins, un rire moqueur déchira l'air et ramena brutalement à la raison la jeune femme qui battit des cils à plusieurs reprises tandis que la voix de Vince leur parvenait.

« Ah bah voilà, je comprends mieux pourquoi elle fait plus sa mignonne avec toi, Ángel. Regarde-là ! » Sous-entendu graveleux qui s'accompagnait d'un regard parfaitement assorti zieutant Leta, Vince se marrait, les bras croisés. La jeune femme capta ce regard tandis qu'elle portait sur lui son attention et fronça d'un coup les sourcils ; la colère et le ras-le-bol (surement) l'emporta sur le reste tandis qu'elle se redressa souplement pour se précipiter hors du tapis et foncer sur Vince.

Sans attendre, elle le chargeait et en réponse, Vince leva son poing pour la frapper en plein visage. Histoire de calmer ses ardeurs.. Voyez-vous. Cependant, elle s'arrêta pour attraper ce dernier, lui tordre le bras et se donner l'impulsion nécessaire pour le faire tomber au sol avec fracas. Immobilisant ainsi la montagne de muscles, elle resserra sa prise pour le faire .. Ah oui, pour le faire couiner.

« Je suis assez mignonne pour toi, là ? » Comme pour encourager sa réponse, elle accentua sa prise et il lâcha une série de syllabes mâchouillées particulièrement satisfaisante à l'oreille de Leta.

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Colère consumée dans un feu intérieur, Leta maintenait son impérieuse prise avec fermeté sur Vince ; Le regard glacial rivé sur son visage cramoisi, elle le jaugeait sans l'ombre d'un élan de compassion. Caractérielle et assurément garce à ses heures perdues, elle n'avait jamais été du genre à compatir face aux supplications qu'elle pouvait provoquer, mais là.. Là, quelques choses clochaient.

De cette rage courant de ses muscles à ses nerfs s'extirpait peu à peu l'esprit de la furie originelle. Deux esprits en plein combat inconscient pour gagner la primeur d'une enveloppe de chair, Leta se crispait jusqu'à sentir la main d'Ángel se poser sur son épaule.

Par une déviation du visage, elle porta sur lui un regard farouche. Prunelles dangereusement arctiques, ses traits ne dessinaient aucun contour émotionnel. Il n'y avait rien, rien d'inscrit sur cette façade tandis que tout se jouait en coulisse. Dissociation partielle catapultant les deux essences dans l'arène de leur vie, Leta ne se rendait même plus compte qu'elle se battait contre elle-même.

Le souffle profond et ralenti, elle s'harnachait aux mots de son ami pour refaire surface et retrouver un souffle plus précipité et finalement relâcher d'un coup Vince qui s'étalait dans un bruit sourd peu gracieux sur le sol.

Peau fourmillant de ses extrémités à son ensemble, le combat intérieur laissa encore pendant d'interminables secondes ses séquelles tandis qu'elle s'animait. Leta reprenait vie et possession de son corps avec une sensation étrange de victoire toute personnelle. Sa colère avait reflué, ne laissant dans son sillage qu'un silence assourdissant.

Malgré elle, Leta se sentait mieux.
L'adrénaline perdait de sa force dans ses veines et la lassitude de ses muscles faisait chanter le prélude de sa fatigue.
A l'invitation de sortir prendre l'air, Leta acquiesça silencieusement en se détournant de Vince qui s'était relevé afin de prendre de la distance, trop occupé à frictionner son bras endoloris. Face aux gestes peinés de la montagne de muscles, la jeune femme ne retint même pas ce petit rictus logé à la commissure de ses lèvres tandis qu'Ángel intimait le silence.

Et la tête haute, Forsyth gagnait la sortie en venant défaire dans le processus l'élastique retenant ses longs cheveux bruns. Objet glissé à son poignet, elle enfonçait ses doigts dans sa chevelure pour la laisser retomber sur ses épaules. Le vent frais lui soutira un soupir tranquille alors qu'elle fit quelques pas dans la ruelle.

« J'espère que tu ne vas pas me faire la morale pour lui avoir remis les pendules à l'heure.. » Daigna-t-elle enfin demander en posant une main à sa hanche. Le fardeau ayant pesé sur ses épaules jusqu'à là semblait s'être considérablement allégé. « Il n'a eu que ce qu'il méritait, et rien ne me fera changer d'idée à ce sujet. » Et surement serait-elle déçue de voir son ami prendre le parti d'un type comme Vince. « Je ne supporte pas les misogynes de son genre.. » Soupira-t-elle enfin en passant sa main libre à sa nuque.
Sa colère lui semblait déjà si lointaine. Si lointaine qu'elle peinât à en deviner les contours.

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Du noir au blanc, Leta accusait le coup de son soulagement en gagnant l'extérieur. Esprit apaisé par la victoire silencieuse de sa psyché contre celle de Darla, son instinct avait beau lui susurrer que cela n'allait pas durer qu'elle n’en eut pourtant rien à faire. Rien à faire, parce qu'au moins, en cet instant, Forsyth avait la sensation de se retrouver.

Maitresse de ses émotions.
Maitresse de ses mouvements.
La sensation de libération vibrait jusqu'au-delà de ses muscles défaits de leur tension à cette détente qui glissait sur ses traits. Naturellement, le visage de Leta retrouvait sa lumière ; elle respirait.

Néanmoins actrice de sa propre tragédie, Leta ignorait tout du reflet qu'elle renvoyait malgré elle. Elle ignorait que cette rage brulante pouvait éblouir, éclipsant jusqu’alors celle qu'elle pouvait être au grand jour. Ainsi, lorsqu'elle se retrouva en tête à tête avec Ángel, elle ne put que se focaliser sur l'évènement qui avait pointé douloureusement Vince.

Déjà prête à s'opposer bien qu'elle connaissait particulièrement bien son ami, elle ne prenait aucun gant pour expliciter son mécontentement grondant. Ainsi lorsqu'Ángel la conforta dans son opinion, elle lui répondit d'un sourire. Après tout, oui, elle le connaissait vraiment bien.
Elle ne s'était jamais trompée sur la mentalité de son ami d'enfance. Si jadis il avait déjà défendu sa cause, elle savait qu'aujourd'hui, elle pouvait encore et toujours compter sur lui. Réconfort dans un monde bancal, Leta en était certaine ; Il n'avait aucunement conscience de l'importance qu'il revêtait pour elle.
Et a vrai dire, elle non plus, n'était pas convenablement éclairée quant au rôle d'ancre que pouvait jouer Ángel dans son existence.

Aveugles dans le brouillard d'une condition occultée, l'un comme l'autre marchait à tâtons sur un terrain miné, tant et si bien que lorsqu'Ángel aborda le sujet tabou, Leta se mit machinalement à faire les cents pas. Mécanique de déni se mettant en route dans un automatisme rôdé depuis des années, elle tournait en rond silencieusement et avec une tranquillité feinte. Bête en cage lorsque le corps était la prison, elle retrouvait fugacement sa sensation d'étroitesse, pour autant, elle refusa de lui accorder la moindre importance.

Pas encore.
Pas aujourd'hui.
Pas comme ça.

Les pas arrêtés, elle basculait le visage en direction d'Ángel afin de lui adresser un sourire malicieusement dissimulateur. « Parce que tu veux jouer au rôle du grand frère maintenant ? C'est une tâche surement trop dure, même pour toi, tu sais. » Ironisait-elle tandis qu'un fond de vérité rôdait. Parce qu'elle savait Leta, elle savait qu'elle avait quelque chose qui clochait. Elle savait qu'elle avait ses moments de différences, et peut-être même était-ce cela qui avait justifié son refoulement aux portes de l'institution des Persécuteurs.
Peut-être.

Elle refusait d'y penser davantage, bien plus pour éviter d'ajouter du sel sur une plaie soi-disant cicatrisée, que par besoin de lucidité.

De quelques pas, Leta finit par s'installer sur deux caisses empilées. Confort rudimentaire qui lui permettait de cesser de bouger dans tous les sens, elle croisait les jambes pour nouer les mains contre son genou plié.

« J'étais en colère, Ange. » Justifia-t-elle ensuite, prise entre deux feux. Le besoin de comprendre bataillait ardemment avec son déni ; Alors, pendant ce temps-là, elle temporisait comme elle savait si bien le faire. Elle temporisait jusqu'à ce que le déni puisse se faire la part belle dans ses intentions. « Je suis souvent en colère, tendue et c’est surement de là que vient mon mal de crâne d'ailleurs.. Trop de tension ou ce genre de chose. » Dénouant les mains, elle les posait sur la caisse qui lui servait d'assise tandis qu'elle se penchait légèrement. « C'est comme ça depuis mon accident, tu sais. Et tous les médecins disent que je vais bien, alors.. Il faut croire que je vais bien, mh ? » Ponctuait-elle avec un sourire léger. Dans son verbe, il n'y avait que la vérité, rien que la vérité.

Et même si son enfer personnel se dissimulait dans l'ombre de ses mots, Leta n'aurait tout de même aucunement pu exprimer ses ressentis autrement. Ou peut-être si, et ce fut pour cela qu'elle reprit, une dernière fois.. « Et puis, ça ne t’arrive jamais d'être si en colère que t’as finalement l’impression d’avoir la rage ? » Elle était certaine que si ; mais pour autant, elle oubliait aisément que son épisode de colère s'était manifesté contre Ángel et non contre Vince. Et c'était finalement là que le bât blessait.

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Amitié solidifiée par les années et les malheurs partagés, le lien qui se tissait entre Ángel et Leta se passait de mots. Farouche par essence, méfiante sans commune mesure, l'ignorante mutante avait la confiance difficile. Ses désillusions lui avaient forgés une carapace marbrée dont elle ne parvenait plus à se défaire. Et là où certains ne voyait qu'un visage angélique, Ángel était surement un des seuls à mesurer combien l'apparence de la jeune femme tenait de l'à-propos tant les nœuds de son passé et de ses ambitions bafouées la retenaient prisonnière d'une attitude devenue habitude.

Avec le persécuteur, Leta retrouvait un étrange sens de l'ouverture.
Elle, si fermée.
Elle, si dévouée à ses propres silences.

Le déni vacillait lorsqu'elle écoutait les paroles de son ami et rivait son regard clair sur le sien. Parce qu'il était le miroir de ses attitudes, parce qu'il pointait du doigt ce qu'elle s'évertuait à ignorer par déviation. Ainsi Leta se retrouvât-elle aux pieds d'un mur qu'elle n'était pourtant pas prête à gravir afin d'apercevoir les nouveaux horizons qui s'ouvraient à elle. Elle n'était pas prête à voir, à savoir, à comprendre que sa vie n'était qu'une histoire de répétitions mêlant alchimie et malédiction abracadabrante.

Pourtant, elle se faisait oreille attentive aux mots d'Ángel, elle l'écoutait tandis que son désamour pour ses étrangetés lui susurraient de fermer son attention. Se raccrochant alors momentanément à la tragique histoire de son ami, elle conservait son regard céruléen sur le sien et soupirait tandis que les souvenirs refluaient peu à peu.

« La rage.. On n'y échappe pas. » Murmurait-elle, lointaine tout à coup tandis que son regard déviait vers une ombre dont elle était la seule à percevoir les contours. Une ombre à laquelle elle n'accordait aucune importance supplémentaire tant elle était devenue habitude.

Revenant à Ángel lorsqu'il recentra la conversation sur elle, Leta ne put que ressentir une vague de malaise lui creuser l'estomac. Elle n'aimait pas qu'on se penche autant sur son cas, elle n'aimait pas qu'Ángel lui accorde autant d'attention, parce qu'elle savait que s'il regardait de trop près ce qu'elle était, il comprendrait.. Lui aussi, qu'elle avait quelque chose d'anormal. Un je-ne-sais-quoi qui rendait malade.
Qui la rendait malade, elle.

Et tandis qu'il s'installa à ses côtés, elle bascula son visage de manière à ne pas défaire son attention de ses traits pendant qu'il explicitait sa pensée. Peu à peu, Leta ne put s'empêcher de se perdre dans ses propres pensées. Emergence inopinée du sentiment de rage qui l'avait submergé plutôt, elle était presque capable d'en reconnaitre la saveur sur le bout de sa langue et dû fermer les yeux un instant pour chasser les reliquats de son humeur.

Plonger à corps perdu dans cette conversation, c'était pour elle une façon de se perdre. Au bord du précipice de sa propre existence, elle avait un vertige à s'imaginer faire un pas plus en avant. Alors, dans son éternel réflexe de déviation, elle choisit d'esquisser un sourire tout à la fois léger et malicieux tandis que son épaule venait s'appuyer contre celle d'Ángel.

« Tu préfères peut-être que je te fasse les yeux doux ? Fait gaffe, j'en connais un qui risque d'être sacrément jaloux, tellement que tu pourrais avoir besoin de lui froisser un muscle pour lui remettre les pendules à l'heure. » Joueuse dans la malice, il arrivait parfois que sa froideur farouche fonde comme neige au soleil. Et c'était dans un ces instants que Leta retrouvait un semblant de légèreté.

Un peu mutine, elle se laissait prendre à son propre jeu jusqu'à perdre peu à peu son sourire qui se changeait en moue austère lorsque son ami continuait sur la ligne de sa réflexion. Soupir profond mourant dans le silence, elle quittait son contact en joignant ses mains devant elle.

« Ecoute Ángel, je sais que quelque chose cloche chez moi, mais.. Je n.. » Non, elle n'y arrivait pas. Les mots s'agrippaient à sa gorge dans l'espoir de ne jamais en sortir. « Je ne sais pas. » Crachait-elle tout à coup avant de se redresser pour faire quelque pas dans la ruelle. « Je suis juste bizarre.. Et c'est surement pour ça qu'ils n'ont pas voulu de moi. » Les mots écorchés sortaient de manière abrupte ; et même si les années étaient passées, la rancœur était toujours un peu là.

« Qui peut les blâmer, finalement ? » Soufflait-elle en passant une main dans ses cheveux distraitement, l'air absent. « Moi non plus, je ne voudrais pas d'une nana bizarre avec ses sauts d'humeur et ses absences.. »
Non, et d'ailleurs, elle non plus n'en voulait vraiment pas, de cette nana.
Pourtant, c'était elle.
Et elle ne pouvait échapper à ce qu'elle était.
A qui elle était.

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Confidence pour confidence, Leta laissait filtrer l'ombre de ses inquiétudes dans un verbe encore retenu. Dans le demi-mot et la rancune élimée par le temps se trahissait une inquiétude viscérale à laquelle la mutante refusait de faire face. De sa condition aux vérités délibérément soustraites à sa conscience, Leta vivait dans un océan noir de cauchemars qui la réveillaient chaque nuit. Elle vivait dans un univers ayant perdu son axe depuis plusieurs années. Et alors qu'elle s'acharnait avec résilience à conserver son esprit fragmenté en un seul bloc, elle souffrait. Elle souffrait sous la surface de sa colère latente.

Sa résistance à évoluer lui coûtait ses nuits blanches et ses jours les plus rouges.
Tout cela parce qu'elle refusait d'accepter. Elle refusait d'être ce que son mépris avait façonné comme ennemi.
Et tout cela, elle aurait aimé être capable de le verbaliser, mais ses mots refusaient de sortir. Ils refusaient de s'échapper de la prison de ses cordes vocales. Parce qu'elle se réduisait au silence du déni, dans l'espoir d'oublier à jamais ce qui la guettait aux recoins de son existence désaxée.

Les seuls instants où tout faisait sens était lorsqu'elle parvenait enfin à se retrouver, à n'être qu'elle. Et par le regard que lui octroyait Ángel, elle avait la sensation d'être enfin en phase dans sa propre peau. L'étroitesse de sa chair s'effaçait au profit d'un confort qui aurait dû lui être naturel.

Il aurait dû.
Mais il ne l'était plus depuis longtemps.

Et ce fut lorsque le Persécuteur vint l'étreindre avec amitié et affection qu'elle eut la sensation de sortir de sa prison mentale assourdissante. Echo qui s'amoindrissait tandis que Darla s'étouffait sous le poids de Leta ; Cette dernière soufflait tout à coup dans l'impulsion d'un soupir soulagé qui la poussait à s'accrocher un moment à l'épaule de son ami alors même qu'une terrible réalisation la frappait avec d'autant plus de force.

Elle avait beau le verbaliser, le souffler avec véhémence ; Il n'y avait bien qu'en cet instant qu'elle acceptait véritablement le poids de son malaise intérieur. Et lorsqu'Ángel voulu remettre de la distance, elle souffla à son oreille un murmure que son déni lui aurait vite fait oublier. « Si un jour je me perds, retrouve-moi. »

Conscience en demi-teinte d'une peur qui rôdait dans les ombres de sa réflexion, Leta craignait l'idée folle d'un jour disparaitre sans jamais revenir. Au profit de qui ? Au profit de quoi ? Elle l'ignorait. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle refusait de devenir un monstre.. Ce monstre rempli de rage.

Fermant les yeux un moment, elle bridait son inquiétude grouillante afin de revenir la seconde suivante porter son attention sur Ángel tandis qu'il la réconfortait comme aucun autre aurait pu le faire. Un sourire abimé glissa sur ses lèvres alors qu'elle acquiesça distraitement.

« Il n'y a bien qu'à moi que je semble avoir besoin de prouver quelque chose. » Articula-t-elle distraitement, inconsciente de toute la véracité de ses mots. Parce que c'était Darla qui maudissait la vie que Leta avait choisi. C'était encore elle qui tentait de la faire dévier afin que son existence se remette sur les rails de leur destin. Mais quelque chose au fond d'elle grondait.. Une étrange rébellion qui cherchait à lui faire échapper à un sort plus terrible que la mort.

La nuance d'humour de son ami ramena Leta à lui tandis qu'elle laissa filtrer un soupçon d'amusement. Le hasard voulu d'ailleurs que le principal concerné - Vince en personne - eut assisté à l'accolade et se postait dans l'encadrement de la porte menant vers la sortie. Appuyé contre l'embrasure, il croisait ses bras massifs en observant l'un comme l'autre.

« C'est qui l'abruti ? » Demanda-t-il en fronçant les sourcils, tout à coup moins enclin à l'humour et plus prompt à se vexer. « Pendant que vous vous cajolez, j'ai du monde qui attend et vos affaires trainent. » Concluait-il, avec un air renfrogné qui le rendait soudainement bien moins aimable.

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Confiance donnée et à jamais scellée, ce fut dans un simple murmure que les plus profondes inquiétudes de Leta s'exprimèrent. La peur de s'effacer, la peur de ne plus exister alors qu'elle avait pris tant de temps à apprivoiser cette vie. Déphasée depuis longtemps, c'était son opiniâtreté qui l'avait finalement remporté sur le destin. Et si Darla trouvait cela outrageusement inacceptable, il n'en demeurait pas moins que Leta aimait exister.

Exister simplement.
Dans son déni.
Dans son ignorance quasi-volontaire.

Pour autant, il y avait toujours quelque chose qui grondait en elle. De la rage roulant sous le derme aux cauchemars peuplant ses paupières closes ; Elle avait déjà entrevue un monde qui n'était plus le sien depuis des générations. Elle avait revécu ces injustices jadis subies par ses incarnations passées. Et cette fois-ci seulement, elle avait surtout eu le privilège d'ignorer, de passer sous silence. Et puis d'oublier.

Mais la fatigue s'accumulait alors que les nerfs s'aiguisaient. Et ce fut ainsi qu'elle se retrouva à partager quelques fragments de ses angoisses avec Ángel. Silence recouvrant ses maux, elle quittait les bras de son ami mais aussi de son inquiétude persistante. Et finalement, Vince venait tout court-circuiter. Comme dans un coup du destin cherchant à prolonger l'agonie muette de Leta.

Regard céruléen se portant sur les traits contrariés de Vince, elle ne retint aucunement ce petit rictus moqueur venu arquer la commissure de ses lèvres tandis qu'Ángel répondait à sa place. A voir la veine palpitant contre la tempe de l'armoire à glace, Leta devina que la tension allait crescendo.

« Vous me manquez de respect dans ma salle, alors ouais, je me sens visé. » Crachait-il alors que Leta s'avançait d'un pas en rivant son regard sur celui du monsieur muscle. La bouche s'entrouvrait à peine lorsque son ami décida de lever le camp.

Coulant vers lui une œillade rapide, elle s'accrocha à sa tempérance afin de sublimer la sienne. Suivant alors l'invitation, Leta entra dans la salle afin de prendre la direction de ses affaires. Ses pas s'arrêtèrent tandis qu'Ángel coulait quelques messes basses à l'attention de Vince. Ce dernier riva son regard sur le Persécuteur et le dévisagea longuement avec un soupçon de doute logé au creux de l'iris.

Quelques secondes passèrent jusqu'à ce que la vaillance de l'armoire à glace refasse surface, éclipsant – non sans raison – ses craintes naissantes. Ainsi balança-t-il avec désinvolture un simple.. « C'est ça ouais. »

Aussitôt, il se détournait pour retourner à ses affaires sans demander son reste. Derrière ses apparences fière le message semblait pourtant passé. Et pendant ce temps-là, Leta observait l'un et l'autre avec suspicion avant d'en revenir à Ángel.

« Laisse-moi deviner, tu l'as menacé et il a été réceptif ? » Un soupçon de contrariété perçait dans la voix de la jeune femme. Sa fierté bafouée se rappelait à son bon souvenir tandis que c'était bien l'histoire de sa vie de devoir prouver qu'elle était capable de se défendre tout autant qu'un homme. Que n'importe quel homme.

Soupirant de lassitude, elle arrivait près de son sac pour enfiler un haut et rassembler ses affaires. « Plus ça a de muscles, moins ça réfléchit.. » Pestait-elle dans un murmure en songeant à Vince et son attitude désormais distante. Parce qu'elle le voyait, dans son coin, à faire son possible pour les ignorer. « Mh. »

Les affaires dans le sac, elle sortait sans attendre pour regagner l'air libre. Le regard clair se porta ensuite à nouveau sur Ángel lorsqu'il vint à passer les portes de la salle de sport.

« Merci de m'avoir défendu. » Se décidait-elle enfin à lâcher, même si le message sous-jacent semblait évident ; Leta aimait se défendre par ses moyens. Pour autant, elle refusait de se montrer ingrate, surtout auprès de son ami. « Au pire, la prochaine fois, je débarque avec ma collection de couteaux et je fais de lui une cible mouvante.. Ça devrait être sympa. » Un brin de sourire rouge ourlait ses lèvres alors qu’un éclat malicieux brillait dans sa pupille.

Elle blaguait, certes.
Mais pas trop fort non plus.

fighter

'Cause it makes me that much stronger, makes me work a little bit harder, makes me that much wiser.. So thanks for making me a fighter. Made me learn a little bit faster, made my skin a little bit thicker, makes me that much smarter.. So thanks for making me a fighter. ---       @Ángel Vidal    

Vince s'en allait, l'assurance accrochée à une cheville et le doute à une autre. Si Leta avait bien vu son menton se dresser, elle avait également décelé le doute logé dans sa prunelle soi-disant torve.

L'extérieur gagné, elle respirait enfin ; Leta délaissait le fardeau de sa colère et de ses inquiétudes afin de s'affubler d'une lassitude devenue habitude. Celle d'être une femme dans un milieu qui se voulait masculin. Toute son assurance ne suffisait guère à contrebalancer les regards insistants et les remarques se voulant aussi innocentes que récurrentes. Mais rien n'était innocent.. jamais, s'acharnait-elle à répéter avant de finalement s'essouffler dans son propre ras-le-bol.

Et si l'aide de son ami fut salvatrice d'une certaine manière, il n'en demeura pas moins que Leta perçu le reflet limpide des limites d'être elle au milieu d'eux. C'était d’ailleurs dans ce genre d'instant qu'elle justifiait sa solitude, sa distance et même souvent sa froideur envers la gente masculine. Et même si cela était vrai, l’évidence cachait pourtant les fondements d’une autre vérité ; Celle d'une hantise de se dévoiler.

Mais c'était une autre histoire, pour une autre fois.
Alors la sortie d'Ángel, la mutante lui adressa un remerciement en demi-teinte. En retour, sa réponse suffit à faire renaitre de ses cendres le sourire de la jeune femme tandis qu'elle scruta un moment les traits de son ami et secouant le visage négativement d'incrédulité. « C'est bien dommage qu'il n'y en ait pas plus, des comme toi. » Echelle de valeur posée avec pour référence Ángel, Leta n'émettait aucune réserve quant à l'estime qu'elle lui portait.

Concernant son plan de lendemains qui mettraient à mal l'assurance de Vince, elle ne put retenir son petit sourire satisfait tandis que les images se dessinaient derrière ses prunelles claires. Et parce que toute bêtise méritait punition, elle trouvait cette idée parfaitement légitime. Ángel vint la confirmer comme pour enfoncer le clou de leur tempérament violent et elle lui adressa un petit regard pétillant.

« Comme on dit, si tu ne peux pas passer par la porte, passe par la fenêtre ! Je trouverais un moyen de lui rendre une visite. Ça lui passera l'envie de me voir après ça. » Brutalité amusante qui s'imaginait entre les amis, Leta retrouvait une légèreté de cœur que les évènements avaient amochés.

Quelques secondes passèrent suite tandis que son sac sonna. Elle l'ouvrit rapidement pour attraper son téléphone portable et scruter l'écran. « Oh merde. Le boulot. Je dois y aller. »

Ainsi ? Aussi simplement ? Oui.
Après tout, Ángel la connaissait ; Elle ne jurait que pour son travail, quel que soit l'heure du jour ou de la nuit. Venant caler un baiser contre la joue de son ami, elle lui adressa un clin d'œil avant de s'éloigner rapidement. « On se revoit bientôt, promis ! »
Gagnant l'artère principale, Leta se noyait parmi la masse humaine jusqu'à disparaitre.
A ne pas en douter, leur prochaine rencontre serait moins amicale.
Mais toujours sous le joug de la violence.