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not a soldier, still fighting ((ARCHIE))

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La pluie traînait ses gouttes jusque sous ton t-shirt. Le froid courbaturait tes muscles, engourdissait tes mains, attaquait en une bataille déjà gagnée ton système immunitaire. Silhouette vacillante, tu errais dans les rues sous l'orage, sans nulle part où aller. Et tu l'avais bien mérité. La culpabilité servait d'essence au moteur interne, toi le grand frère, toi le fuyard, toi qui venait d'abandonner ces parents tortionnaires et Cameron, ton petit Cameron. Ce que tu subissais depuis n'était que justice, pour toi, le monstre. Tu n'avais plus de larmes à pleurer, mais l'ondée sur tes joues prenait des saveurs salées. La capuche de ton sweat, rabattue par le vent, colle tes cheveux trempés ; carcasse trop vite grandie, adolescent frôlant la majorité, affamé, t'es tel une plante qu'on aurait laissé en pleine tempête. La geôle de tes parents avait affaibli ta nature solaire, l'ombre et le manque d'air pur avaient accroché leurs griffes en tes flancs, y creusant cette faiblesse qui t'étourdissait. A moins qu'il ne s'agisse de cette ivresse criminelle, cette fièvre de pécheur. Tes doigts porteraient le fantôme sanglant de cet accident. De ton manque de contrôle, à jamais. Tu n'osais même plus respirer trop fort, de crainte que quiconque soit blessé par ta végétation délirente, par ton irresponsabilité.

Trombes glacées qui se déversent, faisant fuir les promeneurs. Les effluves des cafés environnants se dissipent dans l'odeur mouillée de la pluie qui achève de te frigorifier. Tu donnerais ta main droite pour un repas chaud. Incapable de continuer - et qui fera attention à toi, de toute façon - tu t'adosses à un mur, tu t'accroupis, comme pour retrouver ton souffle. T'aimerais plutôt retrouver ta vie d'avant. D'avant l'accident. Ou trouver le courage d'avoir kidnappé Cameron, de vous être enfuis tous les deux. « Fais ch- suer » tu grommelles : l'auto-censure des gros mots comme conséquence du petit frère, t'avais jamais voulu paraître grossier devant lui. T'essuies tes joues trempées. Sur ton dos, ce sac qui contient tes maigres possessions, le peu d'argent que tu avais gagné en ratissant les allées, en aidant les anciens voisins, de ceux qui te jugeraient à présent s'ils savaient. T'as même pas de quoi te changer, même si t'avais un endroit chaud où aller. C'est pas le cas. Au moins, marcher te permettait de te réchauffer un peu ; d'un geste maladroit, tu te redresses dans l'intention de continuer à errer jusqu'à ce que le soleil offre à ton corps fané un peu d'ardeur. Tu remarques que ton mouvement semble avoir surpris un inconnu ; impossible de discerner son visage, de là où il est. Peut-être que tu bloques sa porte, qu'il se demande ce que tu fiches là.
Peut-être qu'il va appeller les flics.

Tu lèves les mains en signe de repentance, pour montrer que t'es pas armé. Mensonge le plus vil - t'es toujours cuirassé, paré de toute la végétation qui, à ton appel, viendrait sans doute. « Désolé si je vous bloque la rue ou je sais pas, je veux pas d'ennuis ok ? Je pars, regardez. Je - » une toux mauvaise t'interrompt et tu grimaces en faisant un pas en arrière ; animal aux abois, sur ton jeune visage. T'es prêt à fuir, alors que la pluie crépite autour de toi et vrille tes sens de son humidité. T'as l'impression d'être tellement engourdi que c'est miracle que tu arrives encore à bouger les lèvres, à cligner des paupières. Tes cheveux longs dégoulinent dans ton cou, faisant naître un frisson. « Je veux pas d'ennuis » tu répètes misérablement. Appellez pas la police, tu as envie de supplier. Sinon, on te retrouvera, et les dieux seuls savent ce que feront tes parents s'ils te revoient.
Ce ne sera plus seulement l'emprisonnement dans cette chambre sombre.
Peut-être qu'ils t'obligeront à pire.


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“Archie tu vas choper la crève si tu sors comme ça!” Petit sourire qui s'agrandit sur les lèvres du blond, repousse doucement le corps de l’autre qui tente de le forcer encore à enfiler une couche de plus. “Relax Arch, tu sais très bien que ça ira, c’est pas comme si on était encore à Dundee!” L’autre homme sourit, enroule l’écharpe autour de son cou. “You wish.” Archie lui rend son sourire avant de l’embrasser tendrement, ne donnant pas de réponse à la question à laquelle il ne veut déjà pas répondre. Offre lui une dernière étreinte avant que le blond se décide à mettre un pas dehors.

Il ne doit pas rester là très longtemps, simplement le temps de se battre contre la pluie jusqu’à l’épicerie la plus proche. Un pas qui clapote dans l’eau et après réflexion, Archie se dit qu’il aurait dû prendre le fameux parapluie que l’autre lui avait pourtant proposé. Mais têtu, presque désagréable à l’idée de se voir dicter sa conduite, Archie s’est dit qu’Arch voulait simplement le materner un peu plus et que marcher sous la pluie lui rappellerait le bon air de chez lui. Un chez lui qu’il n’a jamais revu, qu’il ne compte jamais revoir. Un chez lui qui n’existe que dans les souvenirs les plus doux de son enfance.

Il s’enfonce à l’intérieur dès qu'il peut, sourire poli au vendeur tandis qu’il détruit les rayons du regard, cale sous les bras les quelques broutilles que lui demande son amoureux. Trimballe sa figure jusqu’à la caisse où il s’attarde presque avec trop d’amertume sur ce qui est boisson énergisante. Il ne devrait pas, sait que c’est mauvais avec les cachets et pourtant il en glisse une dans son sac, sait que l’autre va lui passer un savon lorsqu’il va rentrer.

Hoche la tête une dernière fois avant de faire sa préparation mentale, s’apprête à sortir avec dramaturgie. Pose un pied dehors, frissonne sous le coup des larmes de pluie qui tapent sur son corps. L’homme grogne, horrible sensation d’être une passoire à toute cette violence de la nature. Un pas, puis l’autre, visage qui regarde ses pieds, idée de fuir cette pluie. Il aurait pu passer à côté aujourd’hui. Aurait pu ne pas voir la figure qui menace de s’écrouler à chaque pas qu’elle fait.

La figure tente de se battre contre la simple loi de la nature qu’est la gravité et ça fait presque mal à voir. La façon dont le jeune homme lève une main d’une façon à montrer son impuissance. C’est Arch qui s’occupe des âmes en peine d’habitude, c’est lui qui sait comment réagir. Archie il ne fait pas, peur que quelque chose ne se passe pas comme prévu, peur que les tics et les tocs fassent fuir autrui. Mais tout de suite, avec l’image décrépie d’un gamin devant lui, Archie n’a qu’une seule pensée.

Lui aussi il soulève ses bras, laisse l’eau s'infiltrer un peu plus. “Moi non plus je suis pas armer.” Cœur qui s’effrite un peu plus quand il entend la toux déranger le corps d’autrui et il ne réfléchit pas spécialement, peur que le vent emporte la figure. Le blond fait un pas, puis deux, attrape l’avant bras du garçon de peur qu’il tombe. Geste possiblement agressif mais son ton ne peut être que bienveillant. “Reprend ta respiration, ça va aller, je ne veux pas te faire de mal, je ne vais pas appeler la police et je ne vais pas t’emmener aux autorités.” Le gamin a l’air terrifié, pourquoi? Est-ce qu’il vient de fuir de chez lui? Est-ce qu’il pourrait cacher quelque chose d’autre? “Est-ce que tu veux te mettre à l’abri? Est-ce que tu as quelque part où te mettre à l’abri? Non mais regarde moi ça-” Pince les lèvres, le blond qui retire l’écharpe qui n’a pas encore pris toute l’eau pour la poser sur la tête du garçon, simple barrière contre la pluie. “Ecoute, je sais pas ce que tu fais là en pleine rue mais si je te laisse là, je n’ai pas l’impression que tu vas pouvoir passer la nuit.” Offre silencieuse, offre terrifiante d’un confort qu’il peut lui fournir sans savoir comment être quelqu’un de confiant.

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Tu ne t'étais jamais estimé paranoïaque, mais c'était avant. Avant que ton monde collapse. Avant que l'avenir ne se change en un abysse sans fond. Avant que tu ne chois du précipice. Avant que ne fuis le seul être en qui tu avais placé tout ton amour et qui voyait en toi son héros. C'était brutal que de voir le monde sous ce prisme cruel. Mais tu n'étais plus un petit garçon. Tu savais que les monstres ne sont pas camouflés sous les matelas mais ont souvent physionomie humaine. Tu savais qu'il n'existait ni bien ni mal, ni blanc ni noir mais de multiples facettes et des myriades de gris. Pourtant, glacé jusqu'à la moindre de tes vertèbres, tu redevenais un gosse, trop vite grandi, presque un homme, juste presque.

Et la silhouette devant toi n'attisait ni douceur ni enthousiasme, juste cette méfiance oscène qui offrait à ta bouche des saveurs acides. Depuis quand n'avais-tu pas observé autrui avec innocence ? Tu ne croyais en le soutien que de ton frère cadet que tu avais abandonné. Ruines fraternelles que ton coeur esseulé. Combien sa force, son courage, sa tendresse te manquaient, dans ce froid qui transissait tes membres. L'effort de te redresser, de t'excuser, d'être là, de bloquer le passage, de vivre. T'es lamentable, t'en as bien conscience mais tu ne sais guère qu'y faire, en cet instant. Tu songes un instant à te rouler en boule, sous un carton, à laisser pousser une mousse épaisse, un buisson aux ronces assez dures pour décourager les passants, mais stupide songe, imbécile rêve éveillé, tu ne ferais qu'attiser la curiosité, interpeller les badauds.

Mimétisme du mouvement et tu t'immobilises, proie aux yeux de la terre entière. Tes prunelles sombres s'accrochent au visage inconnu pour y déceler ce que tu attends à voir, le dédain, le mépris, le rejet le plus total. Pourtant, la lecture est faussée, l'intention floue, jusqu'à ce qu'il se meuve et t'aide. T'as envie de t'enfuir, de le repousser, mais tu es bien trop faible. Et tu comprends, lentement, que ce qui était charge n'est que main tendue, main amicale, main bienveillante. Alors pourquoi tout ton corps est tendu, prêt à bannir cette assistance ? Mais les mots qui suivent sont baume au coeur. Tu peines à y croire. Tu ne veux pas tomber dans un panneau quelconque. « Ca va, ca va » tu bredouilles, essouflé, sans savoir si tu parles de ta santé, de son geste ou de son affirmation de ne pas appeller les autorités. Tu voûtes le cou sous les propos - non mais regarde-moi ça - et tu prends ça l'écoeurement justifié. Des mots qu'auraient pu vomir tes parents, alors que leurs yeux se faisaient froids et distants, alors qu'ils apprenaient que leur chair, leur sang, était un de ces monstres qu'ils haïssaient tant.

La tiédeur de l'écharpe est presque choquante, comme un coup percutant autour de toi, autour de ton cou, à peine humide, à peine trempée. Etoffe providentielle. Tu voudrais refuser, mais tu n'as pas la force, pas tout de suite, parce que cette chaleur toute simple est une bouée à la mer. Et puis, le sous-entendu te fais froncer les sourcils. A nouveau, tu te creuses, ton grand chassis maigrichon voûté, méfiant. « Vous devriez pas. » T'as réussi à aligner trois mots sans claquer des dents et tu continues, enflammé par la fièvre ou l'ivresse d'un peu de chaleur humaine. Qui qu'il soit, il ne mérite pas le danger que tu représentes. « M'aider. » T'ajoutes le mot, presque cyniquen avant d'étouffer une toux derrière un poing frigorifié. « Miss météo avait annoncé du soleil, pourtant. » Tu plaisantes, seul dernier bouclier pour seule défense. Tu n'es pas assez fort, pas assez brave pour refuser encore une fois l'aide qu'on te proposera. « Je veux pas d'ennuis, mais je veux pas que vous en ayez par ma faute. »

Et si tes parents avaient contacté la police ? Et si ton minois apparaissait aux bouteilles de lait ? Et puis ... Et puis si tu le blessais ? Si tu provoquais un accident, comme avec Cameron ? La culpabilité t'assailles, plus brûlante que la fièvre. Avec regret, tu retires l'écharpe et la lui rend. « Merci. » Tu ne sais pas quoi faire, maladroit avec cette offre qu'on t'a faite, que tu rêverais d'accepter mais que ta nature de mutant rend à la fois tentante et dangereuse. Une nouvelle toux agite ton poitrail. Tu grimaces, dégouttant de pluie. « Vous connaissez un endroit où s'abriter en attendant que ça passe ? Un ... Un pas trop peuplé. » Tu sais que tu as l'air terriblement louche. Mais tu n'es plus à ça près. Tu rêves de boire un truc chaud, et tant pis si ça fait fondre un peu tes économies. Tu baisses les yeux, observant tristement la mousse et les herbes qui poussent sous quelques pavés. Tu voudrais croire en cette générosité humaine, mais le rejet de tes géniteurs est encore frais. Pourtant, tu songes à Cameron, à sa douceur, à sa tendresse fraternelle. Tout ne peut être bon ou mauvais. Es-tu tombé sur un bon samaritain ? Il aurait pu t'ignorer. Passer sans réagir. « Shepard » tu marmonnes, avant de te racler la gorge ; peut-être as-tu encore quelques brins d'étiquette polie sous ta méfiance d'adolescent. « Je m'appelle Shepard. » Peut-être en as-tu trop dit, mais tu es fatigué, fatigué de courir, fatigué de défier le monde entier, fatigué d'espérer, fatigué de cesser d'espérer.


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Peur d’être pris pour ce qu’il n’est pas, Archie s’accroche à l’idée qu’il est un peu trop goofy physiquement pour qu’on le prenne pour un quelconque agresseur. Sourire qui stagne sur ses lèvres, un espoir que peut-être l’autre comprendra, peut-être qu’il saura, sans arrière pensée aucune, quelles idées motivent les actions de l’homme. Espoir presque meurtri quand il voit les réactions du jeune homme. Traumatisme qu’il est presque impossible de raté, sensation d’insécurité écrit sur le visage de l’autre. Et si Archie n’avait pas peur qu’il s’écroule en quelques secondes, alors peut-être l'aurait-il lâché dans la seconde.

Le gamin parle du fait qu’Archie ne devrait pas l’aider et pendant un court instant ce dernier se demande s’il n’est pas en présence d’un criminel, quelqu’un avec qui il ne devrait peut-être pas interagir. L’idée lui fait froncer les sourcils, comme si l’idée d’aider quelqu’un dans le besoin était une mauvaise idée. Secoue la tête à l’idée, il s’apprête à lui répliquer que c’est la chose la plus stupide qu’il ai entendu, que même si le gamin était la réédition d’Hitler-okay peut-être pas, si c’était un Pablo Escobar en devenir il l’aiderait quand même. Mais mini boo fait une blague et pendant un instant Archie ne répond plus. Cligne des yeux en le regardant, comme une impression de se voir quelques années auparavant. Le scientifique rigole doucement. ”Si on devait vraiment croire tout ce qu’elle dit cette miss météo...“

Il souhaite tapoter le dos du gamin, lui dire que ça va aller et qu’il aurait pas à se soucier de ça, mais déjà le gamin repart dans sa spirale infernale où il n’a pas l’impression de mériter le peu de bonheur qui peut lui tomber dessus. Archie soupire. ”Je doute que quelqu’un vienne me chercher des ennuis simplement parce que j’aide un gamin qui a l’air complètement paumé dans la rue- hey non, t’as pas le droit d’avoir l’air offensé par ce que je viens de dire. Désolé mais... tu n’as pas l’air d’être au plus haut de ta forme.“

Il lui offre un semblant de sourire qui se glace quand il voit le garçon retirer l’écharpe. Archie qui a l’horrible sensation de se retrouver face à l’autre Archie, gamin qui a l’impression de pas être méritant de quoi que ce soit. Il soupire. Récupère l’écharpe, sait que forcer ne servirait à rien mais il compte lui remettre dès que possible. Archie ne saurait pas vraiment dire comment, ou vraiment pourquoi mais il trouve que le gamin devant lui, le gamin devant lui mérite bien plus que ce qu’il lui arrive. Sentiment qu’il n’arrive pas à se retirer de la tête, sensation qu’il y a quelque chose de plus que ça.

Pense un instant, Archie qui n’est pas totalement sûr. Des endroits il en connaît, peu sûr cependant. ”Je- oui j’en connais certains... Des refuges pour une nuit mais pour des personnes de ton âge je ne les conseillerai pas.“ Il se mord la lèvre, peu sûr de ce qu’il veut avancer. ”Je peux te proposer quelque chose à la rigueur.“ Regarde le un court instant, espoir qu’un éclair de quelque chose passe dans le visage du gamin mais il n’y voit que de la peine et c’est un vrai problème.

Le nom résonne un peu trop doucement et Archie ne peut qu’être content de voir que l’autre lui fait un peu confiance. Il sourit, sourit à la personne comme à la situation. ”J’aurais préféré te rencontrer dans d’autres circonstances, Shepard.“ Pose une main maladroit sur l’épaule du gamin, comme pour essayer de lui faire comprendre qu’il n’est pas tout seul. C’est un peu bancal, presque désagréable et il retire la main aussi rapidement qu’il la mise, se bat avec la pluie qui dégouline le long de ses verres. ”Moi c’est Archie, pas le diminutif de Archibald, c’est vraiment juste Archie! Archibald c’est mon copain et du coup c’est rigolo parce que nous c’est Archie et compagnie... Et pourquoi je te dis tout ça?“

Archie soupire, se racle la gorge, se bat encore contre la sensation de vouloir en dire toujours plus. Raconte sa vie amoureuse à un gamin sous des trombes d’eau. Regarde au dessus, cherche où s’abriter mais rien qui ne soit vraiment exceptionnel. ”Si je te dis tout ça c’est parce que j’ai envie que t’ai un peu plus confiance en moi. Quoiqu’il arrive je te laisse pas tout seul dans cette ruelle. Alors oui je connais un endroit où tu pourrais retomber sur tes pieds pendant quelque temps. Mon appartement est à deux rues d’ici.“

Parce qu’il connaît la sensation de mourir alors qu’on est encore vivant, celle de perdre tout ce qu’on a autour de nous. ”Je ne sais pas pourquoi tu es persuadé que tu ne mérites pas tout ça, que je ne devrais pas t’aider mais quel genre de personne je serais si je te laissais prendre la pluie alors que tu tousses déjà à t’arracher les poumons?“ Coeur qui bat, peur que le gamin lui arrache son sac et se mette à courir. Dans cet état, il n'irait pas très loin. ”Tu peux très bien monter pour une douche, un café et décider de repartir si tu désires... J’ai juste beaucoup de mal à voir un gamin comme toi en prendre plein la gueule de cette façon....“

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Comme il t'es cruel de devoir repousser cette gentillesse, cette douceur, cette humanité, parce que tu as appris que les apparences sont trompeuses. Les belles couvertures ne renferment pas les plus jolies phrases. Le rejet entier et total de tes parents t'a poussé à ériger des limites, des frontières à ta nature amicale. Tu ne crains pas d'être jamais dénoncé : qu'on apprenne que tu es un mutant, et leurs vies à eux aussi sera souillée. Pourtant, tu ne peux t'empêcher de leur en vouloir. D'avoir enfermé Cameron, de lui avoir fait vivre cet enfer dans lequel tu as failli périr, véritable fleur fanée par l'obscurité. Tu ne t'étais cependant pas imaginé te noyer sous des trombes d'eau. Les traits d'humour te réchauffent, au moins. Dernières étincelles de ton caractère d'adolescent. Tu t'apitoies sur toi-même et sur le monde entier, ce qui convient parfaitement à la météo maussade. Les propos te font froncer les sourcils - t'as l'air aussi paumé, aussi grotesque que ça ? Puis tu réalises que oui. Tu ne peux pas lui en vouloir de te juger à ta couverture - couverture trouée, gondolée d'humidité, tu n'es sûrement guère plaisant à voir. On attraperait un rhume rien qu'à te regarder, comme aurait dit ta grand-mère. « J'ai vu pire » que tu tentes, bravache. Pas tout à fait faux, pas tout à fait vrai. La geôle avait-elle été pire que cette toux qui calcine tes poumons de sa malignité ?


Tu rends l'écharpe, docile, obéissant à la règle de politesse la plus basique. Cet objet, aussi tiède et peu humide soit-il, ne t'appartient pas. Tu ne te feras pas bandit de grand chemin en dérobant les écharpes des autres. Et t'as pas envie de te faire remarquer. Tu regrettes presque qu'on t'ai vu, d'ailleurs - presque, parce que cet inconnu, trop gentil, trop étrange, est synonyme de chaleur, d'humanité, de douceur. Tu essayes de jouer les durs, comme si tu pouvais faire autre chose que trouver un abri et t'écrouler, plein de flotte, à dégoutter sur un siège. « Je n'ai pas peur » murmures-tu, quand il parle d'endroits peu recommandables, mais c'est faux. Tu angoisses à l'idée même de vivre avec d'autres gens, de les blesser potentiellement. Tu te refuses à cette hypothèse : tu préfères mourir noyé sous la pluie. Tu es un mur, une forteresse pleine de méfiance et de douleur, de culpabilité et de détermination. Et de bronchite, aussi.

Les propos de l'inconnu, qui n'en est bientôt plus un, te font sourire gentiment. Il est vrai qu'il aurait sûrement mieux valu se rencontrer sous le soleil, là où tu aurais été resplendissant de santé, tel un arbre au faîte de sa force. Le geste, sur ton épaule, t'immobilise, et tu crains une seconde d'avoir été induit en erreur. Quand il retire sa dextre, tu te détends, honteux d'avoir eu cette méfiance aussi viscérale, aussi primitive face au contact. « Archie au carré, donc ? » Nouvelle petite plaisanterie, sourcil haussé, curieux et surpris de l'entendre ainsi parler de lui. Tu te poses la même question : pourquoi il te dit tout ça ? Pourquoi il en révèles autant sur lui ? Il s'explique alors, et malgré toi, tu es touché. T'as l'impression de le voir ouvrir son poitrail pour exposer son innocence, alors que tu devrais être celui à montrer patte blanche. Cet inconnu est prêt à t'ouvrir sa porte, sans aucune motivation - du moins aucune qui ne soit visible, sous-entendue. Il a demandé aucun argent, aucun service, aucune info. Il doit être du genre à ramener les chatons perdus - ou les mutants égarés, dans ton cas.

« Quelqu'un de prudent ? Qui ne se lance pas tête baissée dans le sauvetage inopiné d'un gamin paumé ? » dis-tu avec un sourire en coin, rictus ironique, en reprenant les termes d'Archie. « Je ne comprends pas pourquoi vous faites tout ça. Vous auriez pu passer votre chemin ... Et j'ai plus le courage de refuser un café et un peu de chaleur. Vous avez gagné. » Tu abdiques devant sa bonté. Tu repousses tes cheveux en arrière, capuche si détrempée qu'elle ne sert plus qu'à stocker la pluie à la manière d'une gourde qui coulerait dans ton cou. Tu grimaces en frissonnant à nouveau. « Vous êtes conscient que je pourrais être un évadé de prison, un repris de justice ... ou un mutant » sussures-tu : tu joues avec le feu, mais tu veux voir sa réaction. Tu veux voir si l'idée même que tu sois ce que tu es le révulses. Tu peux toujours partir en courant s'il crache son venin. Parce que, dans ton état, si Archie possède des plantes, tu risques de n'avoir pas de contrôle et elles vont peut-être pousser - beaucoup pousser. Pourtant, tu t'efforces, malgré ta toux, de restreindre cette vague passive, cette énergie végétale qui t'assailles à chaque souffle. Tu es un soleil - un brin trempé, en cet instant - qui offre aux plantes une santé de fer. Tu n'y peux rien, tu ne contrôles pas vraiment, comme tu ne peux contrôler ton souffle, tes poumons, ton cerveau. Mais là, tu t'en fiches comme de l'an 40. Tu rêves de ce café qu'il t'a vendu, d'une douche et d'un t-shirt sec, même pas propre ou neuf. « Archie numéro 2 ne vas pas vous engueuler, d'avoir ramené le gosse paumé du quartier ? J'risque de mettre de l'eau sur vos beaux tapis » souffles-tu, l'air te manque, tu tousses, encore. La fièvre brûle de l'intérieur. Tant pis s'il a de mauvaises intentions. Tu le suis. Tout plutôt que cette pluie glacée qui te flétrit et te fane.


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Un sourire doux bien que triste, les mots qui frappent son coeur sont aussi durs que ceux d'un marteau. Plus tard Archie devra se confronter à des situations comme celles-ci, devra s'habituer à avoir le coeur qui saigne, signe d'impuissance quotidien dans sa vie. Mais aujourd'hui? Aujourd'hui c'est tout nouveau et aujourd'hui il ne sait pas comment vivre avec l'émotion, alors il l'enferme en lui. Enferme les sentiments et souris au gamin. “Et tu n'aurais pas du.” Sourire qui s'agrandit, se durçit peut-être. Affirme une vérité qui paraît évidente pour tous. Le gamin n'aurait pas dû faire face à ces maux de la vie. Et pourtant il est là. Sous cette pluie aussi désagréable qu'une longue rupture sans saveurs. “Et ce n'est pas parce que tu as vu pire que je vais t'obliger, une nouvelle fois à côtoyer pire si j'ai une solution alternative à t'offrir.” Grogne un peu, ce gamin ressemble presque trop à Arch, c'est désagréable.

Le blond repousse comme il peut les cheveux collés à son front, cette sortie fortuite, cette situation qui lui paraît presque désagréable à raison d'exister pour quelque chose, non? Peut-être que le fait que le gamin se tienne en face de lui est pour une raison. Il passe une main devant les yeux du garçon qui pourraient presque être considérés comme glaceux. “Je sais. Je te crois bien, je vois les réactions que tu as ici et maintenant, alors qu'un parfait inconnu décide de se rapprocher de toi. Je ne doute pas sur le fait que tu sois une personne forte. Mais tu n'es pas toujours obligé de l'être. C'est normal d'avoir peur.” Surtout dans ta situation. mais ça, Archie ne le dit pas, garde les derniers mots pour lui, peur de froisser l'autre alors qu'ils semblent aller tous deux quelque part.

Il aimerait vraiment pouvoir lui offrir quelque chose, laisse le nom du gamin rouler dans son esprit, être sûr qu'il ne se trompe pas, que le petit Shepard se tient bien devant lui. Il aime le nom, aime déjà le gamin plus qu'il ne devrait puisqu'il lui raconte, lui parle de Arch qui est resté au chaud dans l'appartement. Archie partage, peut-être tôt ou bien pas assez. Il partage en tout cas les quelques morceaux de lui qu'il peut sans avoir peur que les choses se retournent contre lui. Et les mots du gamin le conforte dans cette idée, qu'il prend la bonne décision, que dire ces choses a un sens. Et ici, dans cette ruelle, Archie Ramsey ne peut s'empêcher de rire. Rire face à la plaisanterie qu'il fait depuis des années, qui fatigue l'autre Arch depuis leur tendre enfance. C'est lui le premier Archie, le plus vieux, lui qui a la priorité pour les nommer au carré. “Exact... C'est ça t'as tout compris.” Mord la lèvre, envie de lui en demander plus. Est-ce qu'il aime les mathématiques? Et l'humour? Et la vie en générale? Plein de questions qu'il désire poser en ayant peur des réponses.

Ouvre les yeux, surprise qui peint son visage. Il a eu gain de cause? C'est rare, si rare quand ça concerne un sujet qui est autre que quelque chose de scientifique, il ne peut pas s’empêcher de sourire un peu plus. “C'est un peu l'idée ouais. Prudent.” N'en rajoute pas, pas besoin de parler de la prudence de ses mots, n'affirme pas le fait que l'autre est un mutant, le gamin n'a guère besoin de savoir. Peut-être qu'il prendra la fuite en un instant? L'idée terrifie Archie quelque secondes avant qu'il décide de retirer son écharpe de nouveau et de l'entourer autour du cou du garçon. Il lui faut un court instant pour que les mots de ce dernier résonnent dans son esprit et la marche qu'il s'apprêtait à reprendre s'arrête brusquement tandis qu'il regarde l'autre. “Tu- tu es un mutant? Enfin- non pas que j'ai des problèmes avec les repris de justice, j'ai juste pas encore eu la chance d'en rencontrer un mais- mais les mutants j'en connais plein.” Il cligne des yeux un instant, compréhension qui lui monte au crâne. “C'est pour cette raison que tu es là Shepard?”

Une main sur l'épaule tandis qu'il reprend la marche, comme une certitude que le gamin ne va pas disparaître en un instant. Il sourit cependant. “Oh non, ne t'en fais pas pour Arch. Il est- il est comme toi.” Offre un petit sourire, se veut encourageant. “Arch ne pourrait qu'être content.” Marche vers ce qui te sers de chez toi. Sensation de brûlure, envie d'un confort quelque part. Jalousie qui pond, encore et encore.

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