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the phenix tree ((ADRIAN))
(#) Ven 1 Avr - 16:58
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the phenix tree
“J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, se pâment longuement sous l'ardeur des climats.” baudelaire.
L'éclatant jardin rayonnait autour de toi, baigné d'un soleil de fin d'après-midi, et comme ce parterre de roses ou ces impressionnants althéas mauves, tu te gorgeais de ses rayons. D'un mouvement, tu essuies ton front couvert de sueur, goûtant la saveur salée sur tes lèvres. Si l'effort a courbaturé ta carcasse trentenaire, la satisfaction entière d'avoir terminé la mission du jour chez Lizzie Osborne valait tout l'or du monde. Quand bien même Adrien essayerait sans doute de glisser un billet dans ta poche. Tu avais été vexé, au début, tu n'avais pas besoin de cet argent ; c'était presque devenu un jeu, à celui qui réussirait à rendre l'argent à l'autre. D'un pas décidé, tu te glissas dans la maison dans l'ombre bienfaisante. L'astre solaire avait tapé dur, bronzant ta carnation ; par pudeur autant que par respect, tu remis ta chemise aussi sale que toi sur ton dos. C'est que tu ne voulais pas véhiculer le cliché du jeune jardinier toujours à moitié nu, mais quand le mercure dépassait les trente degrés, aux diables les préjugés. Pourtant, tu voulais toujours montrer ton meilleur jour à Lizzie. La vieille dame était devenue, au fur et à mesure des mois, une amie plus qu'une cliente au point que vous discutiez de tout et de rien, que vous échangiez des recettes (elle était la seule, avec son fils, à connaître tes petits talents culinaires et à en profiter) ou à simplement profiter de la présence de l'autre.
Vivre hors de l'Institut n'avait pas été une sinécure mais aussi une passe importante à tes yeux. Tu étais capable de survenir à tes besoins, de vivre par toi-même. Tu avais également désiré prendre du recul sur le monde mutant mais aussi sur bien des choses. Faire le point sur ce que tu pouvais être, tes valeurs, sur des choses qui t'avaient toujours parues limpides et qui se révélaient finalement troubles ou confuses. Paraît qu'on appelait ça crise existentielle.Tant que tu ne te faisais pas tatouer un dauphin dans le bas du dos, tu t'estimais épargné par le terme de crise. Rhabillé, tu retrouvas Lizzie dans son fauteuil ; le sourire que vous échangèrent était empli d'affection mutuelle. Pourtant, continuer de travailler ici était risqué : tu avais appris que Adrian, que tu avais toujours beaucoup estimé, était généticien. Une méfiance naturelle était alors née en toi, te poussant à faire du chantage aux pâtisseries au quarantenaire, une forme de torture subtile dans laquelle tu faisais des gâteaux en part trop moindres pour qu'il puisse en manger, voire, summum de l'horreur, tu cuisinais ce qu'il n'aimait pas en une vengeance mesquine pour un forfait qu'il n'avait pas commis. T'y pouvais rien - tu cherchais un peu à l'esquiver, de peur qu'il ne découvre ce que tu étais vraiment. Un monstre.
Et Lizzie, ta vieille Lizzie, quel opinion aurait-elle de toi, si elle savait ?
La question à trente milliards de dollars.
L'interrogation cosmique qui faisait trembler chacune de tes relations hors de l'Institut.
La peur ancrée aux flancs.
« Et voilà, Lizzie, votre jardin est comme neuf. J'ai fais comme vous m'aviez demandé, pour les parterres. Par contre, j'ai remarqué : le grand arbre, là-bas. Il est malade, n'est-ce pas ? » Tu te sentis aussitôt coupable, alors que ta remarque créait un sourire triste sur son visage. Réflexe de mouvement, tu t'approches, poses une main douce sur la sienne. T'as jamais aimé voir le chagrin des gens. Tu secoues la tête doucement, alors qu'elle te révèle tendrement le secret. L'enfant arraché, l'arbre symbolique. T'as un léger frisson et tu serres les doigts dans les tiens, dans ce tic que tu as, protecteur. « Vous savez quoi ? Je suis certain qu'il n'est pas si malade que ça ... Et si vous pensiez fort à cet arbre, à votre enfant ? Comme une prière, un peu - ou comme un appel. Fermez les yeux. Venez. » Tu l'aides à se positionner devant la fenêtre. Et, ensemble, vous formez une volonté telle une flèche, décochée vers cet arbre. Il est mourant, tu le sais, tu le sens. Et pourtant, il y avait encore assez de vie en lui pour que ton pouvoir s'infuse dans les veines végétales. Repoussant le poison mortifère, l'arbre sembla reprendre vie tel un phénix verdoyant. Et quand Lizzie ouvrit les yeux, le symbole de son défunt fils resplendissait.
Avec une émotion coupable, tu sursautas en entendant la porte d'entrée claquer. De multiples voix - Adrian et des amis ? Tu compris rapidement ce qu'il en était - il s'agissait d'hommes venus pour abattre l'arbre qui menaçait la maison, le jardin, tel le fait un gigantesque arbre agonisant. Mu par une légère curiosité, tu observas les mines médusées qui virent la victime de bois et d'écorce dans une santé éclatante. « Adrian. » Ton salut est poli mais distant. Tu crains, à présent, que ton acte généreux n'en ait trop révélé. Toi, si prudent habituellement, n'as guère pu résister à la peine de Lizzie. « Il semblerait que l'arbre n'était pas mourant, finalement » que tu glisses sans réelle excuse, espérant que tout s'arrêterait là, naïvement.
Vivre hors de l'Institut n'avait pas été une sinécure mais aussi une passe importante à tes yeux. Tu étais capable de survenir à tes besoins, de vivre par toi-même. Tu avais également désiré prendre du recul sur le monde mutant mais aussi sur bien des choses. Faire le point sur ce que tu pouvais être, tes valeurs, sur des choses qui t'avaient toujours parues limpides et qui se révélaient finalement troubles ou confuses. Paraît qu'on appelait ça crise existentielle.Tant que tu ne te faisais pas tatouer un dauphin dans le bas du dos, tu t'estimais épargné par le terme de crise. Rhabillé, tu retrouvas Lizzie dans son fauteuil ; le sourire que vous échangèrent était empli d'affection mutuelle. Pourtant, continuer de travailler ici était risqué : tu avais appris que Adrian, que tu avais toujours beaucoup estimé, était généticien. Une méfiance naturelle était alors née en toi, te poussant à faire du chantage aux pâtisseries au quarantenaire, une forme de torture subtile dans laquelle tu faisais des gâteaux en part trop moindres pour qu'il puisse en manger, voire, summum de l'horreur, tu cuisinais ce qu'il n'aimait pas en une vengeance mesquine pour un forfait qu'il n'avait pas commis. T'y pouvais rien - tu cherchais un peu à l'esquiver, de peur qu'il ne découvre ce que tu étais vraiment. Un monstre.
Et Lizzie, ta vieille Lizzie, quel opinion aurait-elle de toi, si elle savait ?
La question à trente milliards de dollars.
L'interrogation cosmique qui faisait trembler chacune de tes relations hors de l'Institut.
La peur ancrée aux flancs.
« Et voilà, Lizzie, votre jardin est comme neuf. J'ai fais comme vous m'aviez demandé, pour les parterres. Par contre, j'ai remarqué : le grand arbre, là-bas. Il est malade, n'est-ce pas ? » Tu te sentis aussitôt coupable, alors que ta remarque créait un sourire triste sur son visage. Réflexe de mouvement, tu t'approches, poses une main douce sur la sienne. T'as jamais aimé voir le chagrin des gens. Tu secoues la tête doucement, alors qu'elle te révèle tendrement le secret. L'enfant arraché, l'arbre symbolique. T'as un léger frisson et tu serres les doigts dans les tiens, dans ce tic que tu as, protecteur. « Vous savez quoi ? Je suis certain qu'il n'est pas si malade que ça ... Et si vous pensiez fort à cet arbre, à votre enfant ? Comme une prière, un peu - ou comme un appel. Fermez les yeux. Venez. » Tu l'aides à se positionner devant la fenêtre. Et, ensemble, vous formez une volonté telle une flèche, décochée vers cet arbre. Il est mourant, tu le sais, tu le sens. Et pourtant, il y avait encore assez de vie en lui pour que ton pouvoir s'infuse dans les veines végétales. Repoussant le poison mortifère, l'arbre sembla reprendre vie tel un phénix verdoyant. Et quand Lizzie ouvrit les yeux, le symbole de son défunt fils resplendissait.
Avec une émotion coupable, tu sursautas en entendant la porte d'entrée claquer. De multiples voix - Adrian et des amis ? Tu compris rapidement ce qu'il en était - il s'agissait d'hommes venus pour abattre l'arbre qui menaçait la maison, le jardin, tel le fait un gigantesque arbre agonisant. Mu par une légère curiosité, tu observas les mines médusées qui virent la victime de bois et d'écorce dans une santé éclatante. « Adrian. » Ton salut est poli mais distant. Tu crains, à présent, que ton acte généreux n'en ait trop révélé. Toi, si prudent habituellement, n'as guère pu résister à la peine de Lizzie. « Il semblerait que l'arbre n'était pas mourant, finalement » que tu glisses sans réelle excuse, espérant que tout s'arrêterait là, naïvement.
(#) Dim 3 Avr - 13:10
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HRP
the phenix tree
miracle enthusiast
La première fois que son père lui avait expliqué le symbole derrière l’arbre au fond du jardin, Adrian n’avait pas compris.
Il ne se souvenait plus quel âge il avait à l’époque mais il devait être jeune, trop jeune pour saisir toute la violence et la douleur de la perte, parce qu’aucun des mots pourtant simples de Matthew Osborne n’avait trouvé d’écho en lui. Ce n’est qu’avec le temps qu’il avait fini par faire le lien entre le portrait du petit garçon au-dessus de la cheminée et l’attention dévouée avec laquelle ses parents prenaient soin de l’arbre. Anthony Osborne n’avait vécu que cinq ans, mais ces cinq années avaient été rythmées par d’incessants allers-retours à l’hôpital et plusieurs tentatives de traitement qui n’avaient servi qu’à alimenter les faux espoirs de ses parents. Il ne s’était pas passé un jour sans que Lizzie et Matthew Osborne ne doivent lutter, à la fois contre la maladie et pour offrir un semblant de vie normale à leur fils. Puis, l’inévitable était arrivé, même s’ils avaient toujours refusé d’y croire, et ils avaient dû enterrer leur enfant. Du jour au lendemain, ils s’étaient retrouvés démunis, sans rien d’autre à faire qu’errer tristement dans la maison vide, quand auparavant chaque précieuse seconde de leur temps était consacrée à Anthony.
Alors Matthew avait dépensé une petite fortune pour planter un jeune et vigoureux arbre dans le jardin et tous les matins, lui et sa femme le contemplaient en silence pendant qu’ils réapprenaient à vivre.
Presque cinquante ans plus tard, l’arbre était toujours là. Matthew Osborne était décédé d’une crise cardiaque et Lizzie, désormais trop frêle pour se déplacer seule, laissait à d’autres la responsabilité de veiller sur son arbre. Ce fut donc Adrian qui, alarmé par l’absence inhabituelle de feuilles, avait découvert en grattant l’écorce un bois brun et sec, confirmant ses pires craintes. L’arbre était mourant et, vu sa taille et sa position, il fallait l’abattre.
Sa mère s’était effondrée.
Adrian s’était occupé de tout, comme toujours lorsque sa mère était concernée. Il lui avait laissé le temps de faire ses adieux, même s’il n’était pas sûr de comprendre la profondeur de l’affection qu’elle éprouvait pour un simple végétal. Et puis, il avait contacté la mairie, demandé des devis, comparé les prix, engagé des professionnels… Jusqu’au jour fatidique où il avait donné rendez-vous aux bûcherons, les faisant entrer après une ferme poignée de main. On lui demanda où se trouvait l’arbre et Adrian les guida vers la fenêtre la plus proche, histoire de leur montrer.
Quand il découvrit un arbre verdoyant au lieu de la carcasse encombrante qu’il avait décrit à l’entreprise, il resta médusé, les yeux collés à la vitre pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Il pouvait entendre les ouvriers murmurer dans son dos, une note d’incrédulité dans leurs voix alors qu’ils débattaient entre eux du fait que cet arbre semblait aller très bien.
Adrian fut arraché à sa contemplation par la voix désormais familière de Shepard Evans, le paysagiste qui prenait soin des plantes et du jardin de sa mère. Il ne fut pas surpris de le voir. Comme après tout il venait plusieurs fois par semaine, le généticien avait fini par s’habituer à sa présence, bien qu’il ait eu des soupçons au début. Trop jeune, trop serviable, prenant le temps de discuter avec une vieille dame solitaire et lui apportant des petits plats maison, il ne pouvait y avoir qu’anguille sous roche. Adrian ignorait si sa méfiance s’était émoussée avant ou après qu’il ait goûté à la cuisine de Shepard mais une chose était sûre, s’il avait voulu détrousser sa mère, il l’aurait fait depuis longtemps. “Shepard, dit-il en inclinant légèrement la tête en guise de salut. Je vous dois deux cent cinquante dollars de pourboires.” À côté de lui, Lizzie Osborne, assise dans son fauteuil, regardait son fils sans rien dire, comme si elle guettait sa réaction. Presque malgré lui, cette vision l’adoucit. Il était rare que sa mère quitte son lit ces derniers temps, surtout depuis qu’elle s’était résignée à devoir abattre son arbre, alors la voir ailleurs que sous sa couverture l’emplissait d’une joie pudique. Il s’autorisa un petit sourire que Lizzie lui rendit au centuple. “Bonjour Maman, tu vas bien ?” Il se pencha pour l’embrasser sur le front.
Derrière lui, les ouvriers semblaient avoir pris l’initiative d’aller inspecter l’arbre tout de même, au cas où la pourriture se cacherait sous le miracle, les laissant seuls tous les trois. Lorsqu’il se redressa, Adrian planta un regard sévère sur Shepard, qui venait de souligner l’évidence : “Je vois ça. Une petite idée de comment ça a pu arriver ? Vous avez fait quelque chose de particulier ?” Shepard était paysagiste, après tout. C’était son métier, non ?
Le regard que sa mère posa sur lui en réponse était si tranchant qu’Adrian s’empressa de rajouter, avec un peu moins d’aplomb : “Bien sûr, nous vous serions reconnaissants si c’était le cas. Maman tenait beaucoup à cet arbre.”
Il ne se souvenait plus quel âge il avait à l’époque mais il devait être jeune, trop jeune pour saisir toute la violence et la douleur de la perte, parce qu’aucun des mots pourtant simples de Matthew Osborne n’avait trouvé d’écho en lui. Ce n’est qu’avec le temps qu’il avait fini par faire le lien entre le portrait du petit garçon au-dessus de la cheminée et l’attention dévouée avec laquelle ses parents prenaient soin de l’arbre. Anthony Osborne n’avait vécu que cinq ans, mais ces cinq années avaient été rythmées par d’incessants allers-retours à l’hôpital et plusieurs tentatives de traitement qui n’avaient servi qu’à alimenter les faux espoirs de ses parents. Il ne s’était pas passé un jour sans que Lizzie et Matthew Osborne ne doivent lutter, à la fois contre la maladie et pour offrir un semblant de vie normale à leur fils. Puis, l’inévitable était arrivé, même s’ils avaient toujours refusé d’y croire, et ils avaient dû enterrer leur enfant. Du jour au lendemain, ils s’étaient retrouvés démunis, sans rien d’autre à faire qu’errer tristement dans la maison vide, quand auparavant chaque précieuse seconde de leur temps était consacrée à Anthony.
Alors Matthew avait dépensé une petite fortune pour planter un jeune et vigoureux arbre dans le jardin et tous les matins, lui et sa femme le contemplaient en silence pendant qu’ils réapprenaient à vivre.
Presque cinquante ans plus tard, l’arbre était toujours là. Matthew Osborne était décédé d’une crise cardiaque et Lizzie, désormais trop frêle pour se déplacer seule, laissait à d’autres la responsabilité de veiller sur son arbre. Ce fut donc Adrian qui, alarmé par l’absence inhabituelle de feuilles, avait découvert en grattant l’écorce un bois brun et sec, confirmant ses pires craintes. L’arbre était mourant et, vu sa taille et sa position, il fallait l’abattre.
Sa mère s’était effondrée.
Adrian s’était occupé de tout, comme toujours lorsque sa mère était concernée. Il lui avait laissé le temps de faire ses adieux, même s’il n’était pas sûr de comprendre la profondeur de l’affection qu’elle éprouvait pour un simple végétal. Et puis, il avait contacté la mairie, demandé des devis, comparé les prix, engagé des professionnels… Jusqu’au jour fatidique où il avait donné rendez-vous aux bûcherons, les faisant entrer après une ferme poignée de main. On lui demanda où se trouvait l’arbre et Adrian les guida vers la fenêtre la plus proche, histoire de leur montrer.
Quand il découvrit un arbre verdoyant au lieu de la carcasse encombrante qu’il avait décrit à l’entreprise, il resta médusé, les yeux collés à la vitre pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Il pouvait entendre les ouvriers murmurer dans son dos, une note d’incrédulité dans leurs voix alors qu’ils débattaient entre eux du fait que cet arbre semblait aller très bien.
Adrian fut arraché à sa contemplation par la voix désormais familière de Shepard Evans, le paysagiste qui prenait soin des plantes et du jardin de sa mère. Il ne fut pas surpris de le voir. Comme après tout il venait plusieurs fois par semaine, le généticien avait fini par s’habituer à sa présence, bien qu’il ait eu des soupçons au début. Trop jeune, trop serviable, prenant le temps de discuter avec une vieille dame solitaire et lui apportant des petits plats maison, il ne pouvait y avoir qu’anguille sous roche. Adrian ignorait si sa méfiance s’était émoussée avant ou après qu’il ait goûté à la cuisine de Shepard mais une chose était sûre, s’il avait voulu détrousser sa mère, il l’aurait fait depuis longtemps. “Shepard, dit-il en inclinant légèrement la tête en guise de salut. Je vous dois deux cent cinquante dollars de pourboires.” À côté de lui, Lizzie Osborne, assise dans son fauteuil, regardait son fils sans rien dire, comme si elle guettait sa réaction. Presque malgré lui, cette vision l’adoucit. Il était rare que sa mère quitte son lit ces derniers temps, surtout depuis qu’elle s’était résignée à devoir abattre son arbre, alors la voir ailleurs que sous sa couverture l’emplissait d’une joie pudique. Il s’autorisa un petit sourire que Lizzie lui rendit au centuple. “Bonjour Maman, tu vas bien ?” Il se pencha pour l’embrasser sur le front.
Derrière lui, les ouvriers semblaient avoir pris l’initiative d’aller inspecter l’arbre tout de même, au cas où la pourriture se cacherait sous le miracle, les laissant seuls tous les trois. Lorsqu’il se redressa, Adrian planta un regard sévère sur Shepard, qui venait de souligner l’évidence : “Je vois ça. Une petite idée de comment ça a pu arriver ? Vous avez fait quelque chose de particulier ?” Shepard était paysagiste, après tout. C’était son métier, non ?
Le regard que sa mère posa sur lui en réponse était si tranchant qu’Adrian s’empressa de rajouter, avec un peu moins d’aplomb : “Bien sûr, nous vous serions reconnaissants si c’était le cas. Maman tenait beaucoup à cet arbre.”
(#) Dim 3 Avr - 14:19
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the phenix tree
“J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, se pâment longuement sous l'ardeur des climats.” baudelaire.
Tu étais conscient que ton geste avait été irresponsable. Ta prudence envolée, tu n'avais vu que le chagrin, la peine de Lizzie. Tu savais à quel point une perte pouvait être terrible. Combien d'adolescents, d'enfants, d'adultes même, avaient connu ce fracas ? Tu avais subi une autre sorte de traumatisme, quand tes parents avaient dédaigné ta vie, avaient refusé de voir en toi leur fils aimé. Ta mutation avait tout changé, leur regard et leurs avis, et ta vie aussi. Tu avais parlé un peu de ce que tu avais vécu à Madame Osborne, parce qu'elle avait été compréhensive et douce. Tu gardais ton secret en toi, mais vous aviez réussi à vous apprivoiser, et tu avais discuté du rejet parental, de ce que cela avait créé en toi. Lizzie s'était un peu substituée en une espèce de figure maternelle. Et tu avais d'autant plus peur qu'apprenant ta mutation, elle ne te dédaigne à son tour. Les Osborne étaient-ils anti-mutants ? Tu n'avais jamais soulevé le problème, trop prudent pour glisser sur cette pente ornée d'épines.
Pourtant, tu la dévalais, cette pente, à cet instant précis, alors qu'accompagné de trois hommes, Adrian observait l'arbre resplendissant. Tu sentis ton corps se tendre, en une parodie animale d'une tension paniquée. Tu hoches doucement la tête au salut rendu, suivi d'une grimace amusée. Ce jeu, toujours. Tu ne veux pas de cet argent. Tu n'en as jamais voulu. Qu'est-ce que tu en ferais ? Tu sentis la pression décroître alors que l'affection sincère entre mère et fils se démontrait sous tes yeux. Tu les avais jalousé, au début, tu avais envié ce lien puis tu avais compris que Lizzie, loin de te mettre à l'écart, t'avait en quelque sorte adopté à ton tour. A présent, tu admirais le devoir filial d'Adrian, et ce même si tu te méfiais de lui. Il n'était pas un homme mauvais. Tu étais cependant conscient que la malignité de l'homme pouvait avoir bien des facettes. Tu aurais dû être plus sage, plus réservé, car s'il apprenait la vérité ... Un frisson parcourut ton échine.
Tu rendis son regard à Adrian, refusant de te laisser démonter. Les prochaines minutes allaient être fatidiques. Tu devais jouer toutes tes cartes, mais tu savais ton incapacité à mentir - ou du moins, à jouer les affabulateurs compétents. Tes pommettes rougirent vaguement sous le sous-entendu accusateur. Tu étais soulagé qu'il n'y ait plus que vous trois dans la pièce ; du coin de l'oeil tu surveillais les bûcherons comme une tigresse observerais des chasseurs tournant autour de sa portée. C'était comme une invasion, tu détestais déjà les voir sur la pelouse, touchant l'arbre, parasites à peau humaine. Tu désirais protéger ce jardin, sa végétation et cela incluait l'immense tronc imposant auquel tu avais rendu son énergie florale. Tu n'avais aucun regret. Lizzie avait payé ta prudence par son sourire et sa joie à voir ce symbole éclatant d'une santé retrouvée.
« Elle y tient beaucoup, oui » repris-tu au présent, comme pour enfoncer le clou. Ton ton avait été peut-être un peu trop revêche et tu hausses les épaules, visiblement mal à l'aise. « La végétation peut être pleine de surprise. » L'argument ne faisait pas spécialement mouche. « Peut-être avait-il besoin d'un peu de soleil i » et tu retiens une grimace en fourrageant dans tes cheveux poissés de sueur. Ce n'était pas encore un interrogatoire, mais cela pouvait le devenir. Tu clos tes lèvres sur la demande enfantine de faire partir ces gens qui font peur aux plantes avec leurs haches. « Ce devait être un rhume des bourgeons, voilà » et c'est un pitoyable mensonge, auquel tu ne crois pas toi-même, timbre de gosse boudeur. Tu recules d'un pas, les mains fourrées dans les poches, clairement têtu. Lizzie intervient pour expliquer ce que vous avez fait : cette espèce de prière à l'arbre. Tu aurais préféré qu'elle n'en dise rien, donnant une dimension presque magique ou religieuse au miracle. Ton malaise s'accroît et ton regard vacille vers Adrian. Tu aimerais soudain être loin. « Puis-je aller me chercher un verre d'eau, Lizzie ? Merci » que tu murmures quand elle accepte, son regard se tournant à nouveau vers l'arbre, contemplant avec bonheur ce symbole filial.
Tu fuis jusqu'à la cuisine où trône les reliefs du gâteau qui as apporté. Tu attrapes un verre et serres les doigts, jointures blanchies. Tu ferais mieux de partir. Tu avales un verre d'eau et tentes de te reprendre. La douce tiédeur du travail et du soleil a laissé place à des frissons d'anxiété. Tu inspires lentement. Il ne faut pas qu'Adrian te soupçonne. Si tu t'échappes comme un voleur, ce sera pire. Tu vas devoir subir la présence de ces bûcherons, du regard soupçonneux d'Adrian, sans doute. Tu jures tout bas, presque poliment, par réflexe, comme par peur qu'un enfant puisse t'entendre. Du bruit, derrière toi, et tu fais volte-face pour toiser Adrian. « J'ai pas de poches où glisser vos pourboires, aujourd'hui » tu le provoques presque, le regard brûlant, avant de te mordre la lèvre et de baisser les yeux sur ton verre vide ; tu glisses un index sur le contour du verre, conscient qu'il est là pour des réponses et que rien de ce que tu diras ne satisferas sa logique de généticien. Merde.
Pourtant, tu la dévalais, cette pente, à cet instant précis, alors qu'accompagné de trois hommes, Adrian observait l'arbre resplendissant. Tu sentis ton corps se tendre, en une parodie animale d'une tension paniquée. Tu hoches doucement la tête au salut rendu, suivi d'une grimace amusée. Ce jeu, toujours. Tu ne veux pas de cet argent. Tu n'en as jamais voulu. Qu'est-ce que tu en ferais ? Tu sentis la pression décroître alors que l'affection sincère entre mère et fils se démontrait sous tes yeux. Tu les avais jalousé, au début, tu avais envié ce lien puis tu avais compris que Lizzie, loin de te mettre à l'écart, t'avait en quelque sorte adopté à ton tour. A présent, tu admirais le devoir filial d'Adrian, et ce même si tu te méfiais de lui. Il n'était pas un homme mauvais. Tu étais cependant conscient que la malignité de l'homme pouvait avoir bien des facettes. Tu aurais dû être plus sage, plus réservé, car s'il apprenait la vérité ... Un frisson parcourut ton échine.
Tu rendis son regard à Adrian, refusant de te laisser démonter. Les prochaines minutes allaient être fatidiques. Tu devais jouer toutes tes cartes, mais tu savais ton incapacité à mentir - ou du moins, à jouer les affabulateurs compétents. Tes pommettes rougirent vaguement sous le sous-entendu accusateur. Tu étais soulagé qu'il n'y ait plus que vous trois dans la pièce ; du coin de l'oeil tu surveillais les bûcherons comme une tigresse observerais des chasseurs tournant autour de sa portée. C'était comme une invasion, tu détestais déjà les voir sur la pelouse, touchant l'arbre, parasites à peau humaine. Tu désirais protéger ce jardin, sa végétation et cela incluait l'immense tronc imposant auquel tu avais rendu son énergie florale. Tu n'avais aucun regret. Lizzie avait payé ta prudence par son sourire et sa joie à voir ce symbole éclatant d'une santé retrouvée.
« Elle y tient beaucoup, oui » repris-tu au présent, comme pour enfoncer le clou. Ton ton avait été peut-être un peu trop revêche et tu hausses les épaules, visiblement mal à l'aise. « La végétation peut être pleine de surprise. » L'argument ne faisait pas spécialement mouche. « Peut-être avait-il besoin d'un peu de soleil i » et tu retiens une grimace en fourrageant dans tes cheveux poissés de sueur. Ce n'était pas encore un interrogatoire, mais cela pouvait le devenir. Tu clos tes lèvres sur la demande enfantine de faire partir ces gens qui font peur aux plantes avec leurs haches. « Ce devait être un rhume des bourgeons, voilà » et c'est un pitoyable mensonge, auquel tu ne crois pas toi-même, timbre de gosse boudeur. Tu recules d'un pas, les mains fourrées dans les poches, clairement têtu. Lizzie intervient pour expliquer ce que vous avez fait : cette espèce de prière à l'arbre. Tu aurais préféré qu'elle n'en dise rien, donnant une dimension presque magique ou religieuse au miracle. Ton malaise s'accroît et ton regard vacille vers Adrian. Tu aimerais soudain être loin. « Puis-je aller me chercher un verre d'eau, Lizzie ? Merci » que tu murmures quand elle accepte, son regard se tournant à nouveau vers l'arbre, contemplant avec bonheur ce symbole filial.
Tu fuis jusqu'à la cuisine où trône les reliefs du gâteau qui as apporté. Tu attrapes un verre et serres les doigts, jointures blanchies. Tu ferais mieux de partir. Tu avales un verre d'eau et tentes de te reprendre. La douce tiédeur du travail et du soleil a laissé place à des frissons d'anxiété. Tu inspires lentement. Il ne faut pas qu'Adrian te soupçonne. Si tu t'échappes comme un voleur, ce sera pire. Tu vas devoir subir la présence de ces bûcherons, du regard soupçonneux d'Adrian, sans doute. Tu jures tout bas, presque poliment, par réflexe, comme par peur qu'un enfant puisse t'entendre. Du bruit, derrière toi, et tu fais volte-face pour toiser Adrian. « J'ai pas de poches où glisser vos pourboires, aujourd'hui » tu le provoques presque, le regard brûlant, avant de te mordre la lèvre et de baisser les yeux sur ton verre vide ; tu glisses un index sur le contour du verre, conscient qu'il est là pour des réponses et que rien de ce que tu diras ne satisferas sa logique de généticien. Merde.
(#) Lun 4 Avr - 20:52
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the phenix tree
miracle enthusiast
Ce n’est que lorsque Shepard opposa à son ton accusateur une attitude défensive qu’Adrian s’obligea à se radoucir. Il rangea ses mains dans ses poches et tâcha de se faire moins imposant. Il ne tenait pas particulièrement à intimider le jeune homme, même pour obtenir des réponses, du moins pas devant sa mère qui l’avait pratiquement adopté depuis qu’il avait rendu des couleurs à son jardin. Lizzie Osborne ne l’aurait pas toléré. Tous les samedis, quand il lui rendait visite, c’était la même rengaine. Shepard a fait ci, Shepard a fait ça, Shepard est resté dîner avec moi l’autre soir, tu veux bien mettre de côté mon vieux livre de cuisine pour Shepard ? Je vais le lui offrir. Plus récemment, elle lui avait glissé, l’air de rien, tu sais, mon chéri, Shepard est célibataire, ce qui lui avait arraché une protestation indignée.
Adrian adorait sa mère mais des fois, elle pouvait se montrer un peu trop fouineuse.
Il n’ignorait pas que chacune de ses remarques était née du profond désir d’inclure un peu plus Shepard Evans dans leur quotidien. Adrian n’était pas du genre jaloux mais il avait grandi en fils unique, n’avait pas appris à partager l’amour de ses parents, sauf avec un fantôme, et celui-ci était mort des années avant que Lizzie et Matthew Osborne ne le ramène à la maison. Il n’avait jamais connu de rival, de frère. Alors parfois, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une pointe de contrariété quand la présence de Shepard dans la vie de Lizzie se faisait de plus en plus difficile à ignorer. C’était sa mère. Sa famille. Et puis, il voyait le sourire de Lizzie quand elle évoquait les fleurs et les bosquets dont Shepard prenait si grand soin, la joie sincère avec laquelle elle accueillait le paysagiste sous son toit, et la honte l’envahissait. La vérité, c’est qu’il aurait aimé passer plus de temps avec sa mère, lui inspirer la même fierté qui faisait briller ses yeux dès qu’elle lui racontait les dernières réussites de Shepard. Au lieu de cela, il s’était retrouvé mêlé à des histoires pas nettes, avait perdu son travail et survécu grâce à des petits boulots auxquels il n’aurait jamais imaginé postuler pendant ses études. Et même si Trask Industries l’avait ramené à son bord il y a quelques mois de cela, ce n’était pas quelque chose dont il pouvait se vanter.
La chute était longue et Adrian n’en voyait pas la fin.
Shepard Evans, avec son sourire solaire et sa sincérité touchante, faisait un bien meilleur fils que lui.
Comme pour le lui prouver, Shepard corrigea sa phrase, l’ancrant dans le présent, et Adrian fit la grimace. Il avait raison, bien sûr, mais il n’arrivait pas à croire que l’arbre était bel et bien sauvé. Face à lui, le paysagiste semblait nerveux, lançant au hasard des suppositions comme s’il espérait suffisamment déboussoler Adrian pour ne pas qu’il insiste. Ses gestes avaient perdu la grâce habituelle avec laquelle il taillait les branches et il ne cessait de se passer la main dans les cheveux. Sa réaction intrigua le généticien, qui le fixa en silence. Croyant peut-être l’aider, Lizzie intervint, mais ses explications firent hausser un sourcil interloqué à son fils. Sa mère n’était pas religieuse, elle ne l’avait jamais été, alors pourquoi lui parlait-elle tout à coup de prière, de miracle ? Il releva des yeux soupçonneux vers Shepard mais celui-ci avait déjà pris la fuite, avec la bénédiction de Lizzie. Mère et fils échangèrent un regard. Puis Adrian laissa échapper un soupir et croisa les bras. “Je vais aller lui parler.”
Avec un sourire, Lizzie Osborne répondit simplement : “Sois gentil, s’il te plaît.”
En pénétrant dans la cuisine où Shepard avait trouvé refuge, Adrian fut aussitôt assailli par une odeur de sucre, de citron et de meringue. L’espace d’un instant, il se crut de retour en enfance, quand sa mère s’efforçait de partir tôt du travail pour pouvoir le surprendre avec un gâteau à la sortie de l’école, et la nostalgie l’envahit. Mais lorsqu’il s’approcha du plat qui trônait sur le comptoir, celui-ci était vide. Un brin déçu, Adrian reporta son attention sur Shepard qui se tenait dans un coin, un verre d’eau à la main. Évidemment, son premier réflexe fut d’essayer de changer de sujet. “Très bien, ça fera trois cent dollars pour la prochaine fois, je note, se contenta-t-il de rétorquer. Écoutez, Shepard, ne me forcez pas à chercher rhume des bourgeons sur Internet. Je ne sais pas ce qui vous tracasse mais peu importe ce que vous avez fait à cet arbre, je m’en moque, je suis juste content que ça ait marché. Je ne vous accuse de rien. Tout ce que je vous demande, c’est d’être honnête, parce que je ne peux pas garder quelqu’un en qui je n’ai pas confiance auprès de ma mère.” Il s’adossa au mur opposé à Shepard et laissa passer quelques secondes avant de poursuivre du même ton faussement désinvolte : “Et si vous n’avez rien fait, alors il n’y a pas de quoi en faire une histoire. Reprenez un peu d’eau, vous avez l’air stressé. Tout va bien ?”
Sois gentil, avait dit sa mère.
Adrian adorait sa mère mais des fois, elle pouvait se montrer un peu trop fouineuse.
Il n’ignorait pas que chacune de ses remarques était née du profond désir d’inclure un peu plus Shepard Evans dans leur quotidien. Adrian n’était pas du genre jaloux mais il avait grandi en fils unique, n’avait pas appris à partager l’amour de ses parents, sauf avec un fantôme, et celui-ci était mort des années avant que Lizzie et Matthew Osborne ne le ramène à la maison. Il n’avait jamais connu de rival, de frère. Alors parfois, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une pointe de contrariété quand la présence de Shepard dans la vie de Lizzie se faisait de plus en plus difficile à ignorer. C’était sa mère. Sa famille. Et puis, il voyait le sourire de Lizzie quand elle évoquait les fleurs et les bosquets dont Shepard prenait si grand soin, la joie sincère avec laquelle elle accueillait le paysagiste sous son toit, et la honte l’envahissait. La vérité, c’est qu’il aurait aimé passer plus de temps avec sa mère, lui inspirer la même fierté qui faisait briller ses yeux dès qu’elle lui racontait les dernières réussites de Shepard. Au lieu de cela, il s’était retrouvé mêlé à des histoires pas nettes, avait perdu son travail et survécu grâce à des petits boulots auxquels il n’aurait jamais imaginé postuler pendant ses études. Et même si Trask Industries l’avait ramené à son bord il y a quelques mois de cela, ce n’était pas quelque chose dont il pouvait se vanter.
La chute était longue et Adrian n’en voyait pas la fin.
Shepard Evans, avec son sourire solaire et sa sincérité touchante, faisait un bien meilleur fils que lui.
Comme pour le lui prouver, Shepard corrigea sa phrase, l’ancrant dans le présent, et Adrian fit la grimace. Il avait raison, bien sûr, mais il n’arrivait pas à croire que l’arbre était bel et bien sauvé. Face à lui, le paysagiste semblait nerveux, lançant au hasard des suppositions comme s’il espérait suffisamment déboussoler Adrian pour ne pas qu’il insiste. Ses gestes avaient perdu la grâce habituelle avec laquelle il taillait les branches et il ne cessait de se passer la main dans les cheveux. Sa réaction intrigua le généticien, qui le fixa en silence. Croyant peut-être l’aider, Lizzie intervint, mais ses explications firent hausser un sourcil interloqué à son fils. Sa mère n’était pas religieuse, elle ne l’avait jamais été, alors pourquoi lui parlait-elle tout à coup de prière, de miracle ? Il releva des yeux soupçonneux vers Shepard mais celui-ci avait déjà pris la fuite, avec la bénédiction de Lizzie. Mère et fils échangèrent un regard. Puis Adrian laissa échapper un soupir et croisa les bras. “Je vais aller lui parler.”
Avec un sourire, Lizzie Osborne répondit simplement : “Sois gentil, s’il te plaît.”
En pénétrant dans la cuisine où Shepard avait trouvé refuge, Adrian fut aussitôt assailli par une odeur de sucre, de citron et de meringue. L’espace d’un instant, il se crut de retour en enfance, quand sa mère s’efforçait de partir tôt du travail pour pouvoir le surprendre avec un gâteau à la sortie de l’école, et la nostalgie l’envahit. Mais lorsqu’il s’approcha du plat qui trônait sur le comptoir, celui-ci était vide. Un brin déçu, Adrian reporta son attention sur Shepard qui se tenait dans un coin, un verre d’eau à la main. Évidemment, son premier réflexe fut d’essayer de changer de sujet. “Très bien, ça fera trois cent dollars pour la prochaine fois, je note, se contenta-t-il de rétorquer. Écoutez, Shepard, ne me forcez pas à chercher rhume des bourgeons sur Internet. Je ne sais pas ce qui vous tracasse mais peu importe ce que vous avez fait à cet arbre, je m’en moque, je suis juste content que ça ait marché. Je ne vous accuse de rien. Tout ce que je vous demande, c’est d’être honnête, parce que je ne peux pas garder quelqu’un en qui je n’ai pas confiance auprès de ma mère.” Il s’adossa au mur opposé à Shepard et laissa passer quelques secondes avant de poursuivre du même ton faussement désinvolte : “Et si vous n’avez rien fait, alors il n’y a pas de quoi en faire une histoire. Reprenez un peu d’eau, vous avez l’air stressé. Tout va bien ?”
Sois gentil, avait dit sa mère.
(#) Lun 4 Avr - 21:28
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the phenix tree
“J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, se pâment longuement sous l'ardeur des climats.” baudelaire.
Tu avais connu l'amour de deux parents. Tu avais eu la chance d'être le fils prodigue, d'être celui en lequel on plaçait tous les espoirs parentaux. L'avenir tracé au firmament de l'excellence. Et tout avait chaviré. Ta mutation, toujours elle, avait crevassé la belle mascarade. Tu avais eu le soutien de Cameron, ton jeune frère, mais l'atmosphère chaleureuse et familiale s'était effondrée à vos adolescences, lors de l'accident. T'en souvenir, encore maintenant, était un aiguillon de douleur coupable. Le sang sur ce front pâle, le courage de Cameron a garder le silence, puis les emprisonnements, le rejet, la fuite. Tu t'étais échappé comme une bête sauvage s'évade, et tu te sentais tout aussi dangereux qu'un prédateur. Tu ne savais pas la jalousie que camouflait le coeur d'Adrian, mais tu savais une chose - Lizzie avait prit une place maternelle, là où le rejet de tes propres géniteurs avait creusé un abysse sans fond. Cette peur de l'abandon était profondément ancrée en toi, vibrant dans chacune relation de ta vie. Tu t'en voulais pour beaucoup de choses - pour ne pas avoir été là durant l'adolescence de Cameron, d'avoir été si peu actif à l'Institut que tu avais d'ailleurs fui à son tour. Le serial fuyard. Où était le héros qui brillait aux yeux de son cadet ? Il n'avait jamais existé. Et tu devinais qu'aux yeux d'autres humains, tu n'aurais pas l'aura charismatique d'un démiurge. Adrian était généticien, et dans cette époque de science honnie, cela signifiait que ton ADN était la source de tout tes problèmes, code source de ton âme mutée.
La cuisine, refuge pour tes compétences que tu jugeais limitée, se trouva assaillie par la présence d'Adrian. Il a bien plus de droits d'être là que toi, sussura une voix mauvaise au fond de ton crâne. Tu avais beau jouer au gosse parfait, tu n'étais qu'une comédie au vernis humain. Lizzie n'était pas ta mère. Si elle t'appréciait, elle n'avait aucune idée de qui tu étais réellement. Discerner, à nouveau, le dédain et le dégoût dans des yeux féminins et tendres risquait de te terrasser. Malédiction qui te suivait, dont tu te défiais. Peut-être que ce maëlstrom intérieur te poussa à être provoquant, presque batailleur. Ce n'était pas un duel, et quand bien même cela prenait des allures d'échaffourée, tu n'étais pas sur ton terrain. La victoire ne t'appartenait pas. La répartie d'Adrian fit naître une grimace, entre amusement et exaspération, sur ton minois hâlé. Tu n'ajoutas rien - ton regard de défi répondait pour toi, assurant à Adrian que l'argent que tu trouverais retournerait à son propriétaire légitime.
La suite écorcha ta belle assurance d'une griffe déloyale. Poison fielleux de la culpabilité qui s'infiltre dans tes veines, alors que tu t'adosses à l'évier, mains posées, comme pour t'y tenir sous un coup mesuré. Ton malaise était visible et tu n'avais jamais été assez bon dissimulateur pour en camoufler les signes. Pourtant, Adrian avait visé juste en ses paroles - l'honnêteté était la base de toute relation, professionelle ou non. Et tes mensonges te pesaient comme une brique dans l'estomac. Tu réussis à ne pas détourner les yeux des prunelles pâles du quarantenaire. Emoi dans tes iris sombres, longs cils qui papillonnent sous le trouble que les paroles vont naître. La confiance primordiale était bafouée, dès le départ ; Lizzie et Adrian jouaient à un jeu dont ils ne connaissaient pas les règles, et tu te faisais la sensation d'être un tricheur pitoyable. Pourtant - ta protection, ta sécurité découlaient de ce silence que tu maintenais sur ton pouvoir. Postures qui se font semblables, regards qui se heurtent et s'accrochent. La proposition était étrange mais tu saisis l'occasion de te laisser un peu de répit pour réfléchir à tes prochains mots ; la clarté de l'onde rafraîchissante, et tu déposes le verre, vide, abandonné, sur le côté.
« Tout ce que je peux vous dire, c'est que cet arbre est à présent éclatant de santé. » Tu esquivais la véritable question, anguille maladroite et verbieuse ; tu ne voulais pas mentir à Adrian, mais ses interrogations, justes, pertinentes, ne pouvaient mener qu'à ta curée. « Ces hommes peuvent s'en aller. Ils risquent d'abîmer les parterres, avec leurs gros sabots » tu grommelles, et tu espères qu'Adrian ne prendra pas la mouche devant le ton possessif que tu prends en parlant du jardin. Tu secoues la tête encore une fois, doigts qui balaient les cheveux en arrière, muscles tendus, visage fermé. « Tout va bien. » Petite entorse à ta franchise. Tout ne va pas bien. Tu baisses les yeux, preuve de la mystification que tu tentes. Ta bouche est sèche, dans l'espèce de panique qui te prend. Adrian a t-il une idée de ce qu'il te fait subir, de la torture de l'interrogatoire face à toi ? Soupçonne t-il déjà ta véritable nature ? Peux-tu déjà lire le dédain dans ses yeux, la hargne, la répugnance ? « Sachez que je ne blesserai jamais votre mère. Jamais. Ni vous, d'ailleurs » ajoutes-tu, avec un timbre aussi sincère qu'enflammé. Tu l'inclus, non parce qu'il est menace, mais parce que malgré ta méfiance, tu apprécies l'homme que tu as entrevu. Un fils doux et attentif, qui même s'il a parfois des comportements qui te poussent à t'effaroucher, est l'origine de ton admiration. « Je pourrais le jurer, mais je suppose que si la confiance n'est pas solide, les promesses ne sont que du vent. »
Un petit rictus ironique arcque tes lèvres. Et l'occasion de changer de sujet t'apparaît, auréolée de miettes de gâteau et d'effluves d'agrumes. « Désolé pour le gâteau. Il n'en reste plus - mais j'en ferai assez pour vous, la prochaine fois. » Comme si tu quémandais, subtilement ou non d'ailleurs, une prochaine fois. Une prochaine chance. Une prochaine visite. Tu sais la nature gourmande d'Adrian, tu as même pris plaisir à flatter le palais des deux Osborne, fût un temps, avant d'apprendre l'ancienne situation professionnelle du brun. Mérite t-il pour autant ta méfiance ? Perdition de tes valeurs, qui semblent tressaillir dans l'angoisse pulsant dans ta carcasse. « Lizzie m'a parlé de ce que vous faisiez avant, votre métier je veux dire » tu prononces, lentement, maladroitement, sensation du vide sous tes pas, le danger qui rôde, mais tu ne peux déjà plus faire marche arrière, « vous avez retrouvé quelque chose, j'espère ? » Tes yeux se tournent à nouveau vers lui, cherchant les mimiques, le minois mâle, pour y lire l'inenvisageable, pour y discerner ce que tu crains. Et, ajoutant avec un amusement léger : « Apparemment, vous auriez été un très bon parti, et cela resterait vrai, travail ou non, d'ailleurs. » Tu hausses les sourcils, avant d'émettre un léger rire grave et rauque. Se pourrait-il que Lizzie Osborne tente de jouer les entremetteuses ? Idée drôle et divertissante.
La cuisine, refuge pour tes compétences que tu jugeais limitée, se trouva assaillie par la présence d'Adrian. Il a bien plus de droits d'être là que toi, sussura une voix mauvaise au fond de ton crâne. Tu avais beau jouer au gosse parfait, tu n'étais qu'une comédie au vernis humain. Lizzie n'était pas ta mère. Si elle t'appréciait, elle n'avait aucune idée de qui tu étais réellement. Discerner, à nouveau, le dédain et le dégoût dans des yeux féminins et tendres risquait de te terrasser. Malédiction qui te suivait, dont tu te défiais. Peut-être que ce maëlstrom intérieur te poussa à être provoquant, presque batailleur. Ce n'était pas un duel, et quand bien même cela prenait des allures d'échaffourée, tu n'étais pas sur ton terrain. La victoire ne t'appartenait pas. La répartie d'Adrian fit naître une grimace, entre amusement et exaspération, sur ton minois hâlé. Tu n'ajoutas rien - ton regard de défi répondait pour toi, assurant à Adrian que l'argent que tu trouverais retournerait à son propriétaire légitime.
La suite écorcha ta belle assurance d'une griffe déloyale. Poison fielleux de la culpabilité qui s'infiltre dans tes veines, alors que tu t'adosses à l'évier, mains posées, comme pour t'y tenir sous un coup mesuré. Ton malaise était visible et tu n'avais jamais été assez bon dissimulateur pour en camoufler les signes. Pourtant, Adrian avait visé juste en ses paroles - l'honnêteté était la base de toute relation, professionelle ou non. Et tes mensonges te pesaient comme une brique dans l'estomac. Tu réussis à ne pas détourner les yeux des prunelles pâles du quarantenaire. Emoi dans tes iris sombres, longs cils qui papillonnent sous le trouble que les paroles vont naître. La confiance primordiale était bafouée, dès le départ ; Lizzie et Adrian jouaient à un jeu dont ils ne connaissaient pas les règles, et tu te faisais la sensation d'être un tricheur pitoyable. Pourtant - ta protection, ta sécurité découlaient de ce silence que tu maintenais sur ton pouvoir. Postures qui se font semblables, regards qui se heurtent et s'accrochent. La proposition était étrange mais tu saisis l'occasion de te laisser un peu de répit pour réfléchir à tes prochains mots ; la clarté de l'onde rafraîchissante, et tu déposes le verre, vide, abandonné, sur le côté.
« Tout ce que je peux vous dire, c'est que cet arbre est à présent éclatant de santé. » Tu esquivais la véritable question, anguille maladroite et verbieuse ; tu ne voulais pas mentir à Adrian, mais ses interrogations, justes, pertinentes, ne pouvaient mener qu'à ta curée. « Ces hommes peuvent s'en aller. Ils risquent d'abîmer les parterres, avec leurs gros sabots » tu grommelles, et tu espères qu'Adrian ne prendra pas la mouche devant le ton possessif que tu prends en parlant du jardin. Tu secoues la tête encore une fois, doigts qui balaient les cheveux en arrière, muscles tendus, visage fermé. « Tout va bien. » Petite entorse à ta franchise. Tout ne va pas bien. Tu baisses les yeux, preuve de la mystification que tu tentes. Ta bouche est sèche, dans l'espèce de panique qui te prend. Adrian a t-il une idée de ce qu'il te fait subir, de la torture de l'interrogatoire face à toi ? Soupçonne t-il déjà ta véritable nature ? Peux-tu déjà lire le dédain dans ses yeux, la hargne, la répugnance ? « Sachez que je ne blesserai jamais votre mère. Jamais. Ni vous, d'ailleurs » ajoutes-tu, avec un timbre aussi sincère qu'enflammé. Tu l'inclus, non parce qu'il est menace, mais parce que malgré ta méfiance, tu apprécies l'homme que tu as entrevu. Un fils doux et attentif, qui même s'il a parfois des comportements qui te poussent à t'effaroucher, est l'origine de ton admiration. « Je pourrais le jurer, mais je suppose que si la confiance n'est pas solide, les promesses ne sont que du vent. »
Un petit rictus ironique arcque tes lèvres. Et l'occasion de changer de sujet t'apparaît, auréolée de miettes de gâteau et d'effluves d'agrumes. « Désolé pour le gâteau. Il n'en reste plus - mais j'en ferai assez pour vous, la prochaine fois. » Comme si tu quémandais, subtilement ou non d'ailleurs, une prochaine fois. Une prochaine chance. Une prochaine visite. Tu sais la nature gourmande d'Adrian, tu as même pris plaisir à flatter le palais des deux Osborne, fût un temps, avant d'apprendre l'ancienne situation professionnelle du brun. Mérite t-il pour autant ta méfiance ? Perdition de tes valeurs, qui semblent tressaillir dans l'angoisse pulsant dans ta carcasse. « Lizzie m'a parlé de ce que vous faisiez avant, votre métier je veux dire » tu prononces, lentement, maladroitement, sensation du vide sous tes pas, le danger qui rôde, mais tu ne peux déjà plus faire marche arrière, « vous avez retrouvé quelque chose, j'espère ? » Tes yeux se tournent à nouveau vers lui, cherchant les mimiques, le minois mâle, pour y lire l'inenvisageable, pour y discerner ce que tu crains. Et, ajoutant avec un amusement léger : « Apparemment, vous auriez été un très bon parti, et cela resterait vrai, travail ou non, d'ailleurs. » Tu hausses les sourcils, avant d'émettre un léger rire grave et rauque. Se pourrait-il que Lizzie Osborne tente de jouer les entremetteuses ? Idée drôle et divertissante.
(#) Jeu 7 Avr - 10:08
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the phenix tree
miracle enthusiast
Adrian n’était pas dupe. Shepard avait beau feindre l’innocence avec un entêtement louable, sa maladresse face à des questions pourtant légitimes le trahissait. Ses explications manquaient de clarté et il se contentait de souligner l’évidence comme s’il espérait que cela suffirait à détourner les soupçons. Sans oublier qu’il avait préféré la fuite à la confrontation. Il cachait quelque chose mais quoi exactement, il semblait déterminé à ne pas le dire. Avec un soupir, Adrian balaya d’un revers de main sa remarque sur les ouvriers qui s’affairaient autour de l’arbre, cherchant un problème qui n’existait pas. Plus. “Je vais devoir les payer pour le déplacement de toute façon, qu’ils prennent leur temps. Ne vous inquiétez pas, ce sont des professionnels.” Il supposa qu’il pouvait excuser la pointe de possessivité dans la voix de Shepard, bien qu’elle lui fit hausser un sourcil. Au fil des mois, le jardin des Osborne était devenu son royaume, conquis à force de labeur et de persévérance. Les bourgeons fleurissaient sous ses doigts comme autant de tâches de couleur sur une toile où Lizzie l’avait invité à exprimer sa créativité. Il aurait été cruel de lui rappeler que cet endroit n’était pas vraiment à lui, alors même que ni Adrian ni sa mère n’avait le temps ou l’énergie de s’en occuper comme il le faisait.
De nouveau, l’assurance que tout allait bien. De nouveau, le geste empreint de fébrilité qui venait aussitôt contredire ses paroles. S’il y avait eu encore le moindre doute dans l’esprit d’Adrian, ce simple tic nerveux aurait achevé de le convaincre. Il n’existait pas mille manières de ressusciter un arbre mourant. Aucune de celles auxquelles il pouvait bien penser n’était si atroces qu’elle nécessitait le secret. Aucune.
Sa mère avait longtemps tenté de lui enseigner que, face à un miracle, on ne demande pas pourquoi, on dit merci. Mais cette logique presque enfantine s’était toujours heurté à sa soif de connaissances, son besoin de comprendre les mystères du monde. Pourquoi les enfants héritent-ils des maux de leurs parents ? Pourquoi un gène défectueux suffit-il à réécrire l’histoire d’une personne et de sa descendance ?
Pourquoi certains hommes peuvent faire flotter des objets, soulever des buildings ou soigner les blessures, et d’autres non ?
Lorsque Shepard voulut le rassurer qu’il ne ferait jamais de mal à sa mère, ou à lui d’ailleurs, le regard que lui renvoya Adrian était songeur. “D’accord, répondit-il simplement, parce que ses pensées étaient déjà ailleurs. Je vous crois.” Derrière la capitulation, une nouvelle stratégie. L’affaire conclue en apparence, Adrian joue la carte de l’apaisement pour endormir la méfiance de l’autre. Si Shepard ne voulait pas lui donner de réponses, il irait les chercher lui-même, plus tard, puisque visiblement, il ne servait à rien d’insister. Mais au fond de lui, il était au moins sûr d’une chose. Shepard ne blessera jamais sa mère, parce qu’Adrian ne le laissera pas faire. Habité par une nouvelle détermination, il se redressa, prêt à partir, avant que la voix du jardinier ne le retienne. Le voilà qui s’excuse pour le gâteau, comme si Adrian avait le droit de s’attendre à quoi que ce soit de sa part, même si une part de lui se réjouissait à l’idée d’en profiter à nouveau. “Vous en faisiez plus, avant, ne put-il s’empêcher de faire remarquer, parce qu’il se souvenait encore de la première fois où sa mère lui avait mis de force trois tupperwares dans les bras.” Shepard en a encore trop fait, lui avait-elle dit. Tu verras, c’est un excellent cuisinier.
Elle n’avait pas tort, avait-il songé ce soir-là, en savourant seul son assiette dans son appartement vide.
Malgré lui, Adrian se figea lorsque Shepard évoqua à demi-mot sa situation chaotique. Il n’aimait pas savoir que ses échecs étaient connus de tous. Était-ce pour cela qu’il refusait toujours ses pourboires ? Pensait-il Adrian incapable de subvenir à ses propres besoins ? Il s’efforça de rester de marbre alors même que le mensonge franchissait ses lèvres avec une aisance insolente. “Oui, je travaille dans un café comme serveur.” Quelque part, ça avait été vrai un jour. Ça ne l’était juste plus maintenant. La remarque de Shepard sur le bon parti lui arracha un grognement irrité. C’était une chose que sa mère cherche à le caser avec la première personne qu’elle jugeait digne de lui, c’en était une autre qu’elle se serve de ses finances pour appâter la dite personne. Adrian se sentait atrocement gêné. “Je suis désolé, je vais en parler à ma mère. Elle ne vous embêtera plus avec ça. Soyez assuré que notre relation est tout ce qu’il y a de plus professionnelle et qu’il n’y a aucune raison pour que cela change.”
De nouveau, l’assurance que tout allait bien. De nouveau, le geste empreint de fébrilité qui venait aussitôt contredire ses paroles. S’il y avait eu encore le moindre doute dans l’esprit d’Adrian, ce simple tic nerveux aurait achevé de le convaincre. Il n’existait pas mille manières de ressusciter un arbre mourant. Aucune de celles auxquelles il pouvait bien penser n’était si atroces qu’elle nécessitait le secret. Aucune.
Sa mère avait longtemps tenté de lui enseigner que, face à un miracle, on ne demande pas pourquoi, on dit merci. Mais cette logique presque enfantine s’était toujours heurté à sa soif de connaissances, son besoin de comprendre les mystères du monde. Pourquoi les enfants héritent-ils des maux de leurs parents ? Pourquoi un gène défectueux suffit-il à réécrire l’histoire d’une personne et de sa descendance ?
Pourquoi certains hommes peuvent faire flotter des objets, soulever des buildings ou soigner les blessures, et d’autres non ?
Lorsque Shepard voulut le rassurer qu’il ne ferait jamais de mal à sa mère, ou à lui d’ailleurs, le regard que lui renvoya Adrian était songeur. “D’accord, répondit-il simplement, parce que ses pensées étaient déjà ailleurs. Je vous crois.” Derrière la capitulation, une nouvelle stratégie. L’affaire conclue en apparence, Adrian joue la carte de l’apaisement pour endormir la méfiance de l’autre. Si Shepard ne voulait pas lui donner de réponses, il irait les chercher lui-même, plus tard, puisque visiblement, il ne servait à rien d’insister. Mais au fond de lui, il était au moins sûr d’une chose. Shepard ne blessera jamais sa mère, parce qu’Adrian ne le laissera pas faire. Habité par une nouvelle détermination, il se redressa, prêt à partir, avant que la voix du jardinier ne le retienne. Le voilà qui s’excuse pour le gâteau, comme si Adrian avait le droit de s’attendre à quoi que ce soit de sa part, même si une part de lui se réjouissait à l’idée d’en profiter à nouveau. “Vous en faisiez plus, avant, ne put-il s’empêcher de faire remarquer, parce qu’il se souvenait encore de la première fois où sa mère lui avait mis de force trois tupperwares dans les bras.” Shepard en a encore trop fait, lui avait-elle dit. Tu verras, c’est un excellent cuisinier.
Elle n’avait pas tort, avait-il songé ce soir-là, en savourant seul son assiette dans son appartement vide.
Malgré lui, Adrian se figea lorsque Shepard évoqua à demi-mot sa situation chaotique. Il n’aimait pas savoir que ses échecs étaient connus de tous. Était-ce pour cela qu’il refusait toujours ses pourboires ? Pensait-il Adrian incapable de subvenir à ses propres besoins ? Il s’efforça de rester de marbre alors même que le mensonge franchissait ses lèvres avec une aisance insolente. “Oui, je travaille dans un café comme serveur.” Quelque part, ça avait été vrai un jour. Ça ne l’était juste plus maintenant. La remarque de Shepard sur le bon parti lui arracha un grognement irrité. C’était une chose que sa mère cherche à le caser avec la première personne qu’elle jugeait digne de lui, c’en était une autre qu’elle se serve de ses finances pour appâter la dite personne. Adrian se sentait atrocement gêné. “Je suis désolé, je vais en parler à ma mère. Elle ne vous embêtera plus avec ça. Soyez assuré que notre relation est tout ce qu’il y a de plus professionnelle et qu’il n’y a aucune raison pour que cela change.”
(#) Jeu 7 Avr - 11:40
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“J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, se pâment longuement sous l'ardeur des climats.” baudelaire.
Professionnels. Tu retiens un sourire narquois. Ces hommes ne connaîtront jamais cette symbiose que tu possèdes avec les plantes. Audace humaine que de se confronter aux végétaux colosses armés d'artillerie chantante. Envisager le titan de bois s'écrouler sous les coups de butoir des haches, c'est t'imaginer la mort d'un vieux sage. D'autant plus que ce symbole représentait aux yeux de Lizzie un fragment de son passé. Une allégorie de l'attachement à son rejeton. Tu avais senti ce lent trépas en le coeur boisé, cette agonie immobile dans ses feuilles exsangue de sève. Impossible de laisser le soin à une nature implacable de faire son oeuvre. Peut-être le paierais-tu au centuple, cet acte impulsif, cette minutie affectueuse. Avec cynisme, tu te questionnes sur ce que pourrait te valoir cette vérité que te retiens avec tant de force. Le licenciement serait dommageable, mais l'abandon de ces deux personnes que tu avais appris à apprécier, à chérir même en ce qui concernait Lizzie, serait une colossale meurtrissure. Un déchirement. Devancé par le chagrin hypothétique, tu tentes tant bien que mal de renforcer les murailles autour de ton âme.
Voiles du secret qui s'écartent sous ta piètre compétence à mentir, ton malaise est palpable, on peut presque goûter cette panique, cette fuite de ton regard, de tout ton être, comme une constellation de réactions dont ton corps se pare. Ta tâche accomplie, tu aurais dû partir - fuir, encore et toujours, voilà une propension dont tu es amplement fautif, manque de courage là où en ton sein croît l'abondance de couardise. Illégitime en la maison Osborne, tu t'es paré d'une couronne de fleurs en te figurant roi du jardin. Château de cartes dont le lierre s'effondre, enterrant les intentions louables et les soins votif aux plants délicats, tu inspires lentement pour calmer les flancs palpitant d'une pulsation en désordre. L'étrange litanie des mots, la lenteur du timbre t'arrache un coup d’œil surpris, de sous le tamis de tes cils. Pourtant, malgré la méfiance de voir la discussion tue, tes arguments - ou leur absence évidente, si l'on écarte l'émotion passionnée de ton jugement - acceptés, l'apaisement étreint ton âme juvénile. Ce besoin pressant que l'on acquiesce à tes propos, à tes avis, à ton existence. Maigre consolation, pourtant elle éclaire ton visage d'un petit sourire, comme une guérison en bonne voie. Jamais tu ne blesseras Lizzie Osborne ou sa progéniture. Qu'importe ce qu'ils diraient ou feraient, tu t'es promis, il y a longtemps, alors que tes doigts se poissaient, sanglants, aux fluides vitaux du front de ton cadet, de toujours contrôler, de toujours restreindre ce pouvoir maudit. Tu es armé, à chaque seconde, à chaque souffle, d'un millier d'épines, et tu es entouré de silhouettes aussi fragiles que des nuages, prêts à s'effilocher. Tu en es âprement conscient, et c'est pourquoi tu fuis si souvent. C'est pourquoi tu t'efforces de rester seul, alors que tu chantes cette solitude dans les floraisons uniques sous tes doigts. Tu connais la valeur d'amis précieux, et pourtant tu les as abandonné, à la manière dont tu as négligé Cameron.
Succomberas-tu à cette affreuse manie, au contact des Osborne ?
Pourtant, tu n'oublies pas, malgré l'apaisement en la voix d'Adrian, le danger que tu risques. Les frisson au ventre qui, plutôt que papillons, se font scolopendres délétères, vénéneuses sensations sous l'agitation. « C'est vrai. » Tu admets, sans donner de raison particulière. Plus la force de mentir, encore, alors que tu débutes cet interrogatoire de pacotille, cet ersatz d'interpellation aux locutions lentes. Tu pourrais lui offrir ta cuisine jusqu'à la fin de vos vies, si en cet instant, tu avais les réponses à tes plus profondes interrogations. Peut-être interprètes-tu la position du corps défendant, de cette victime de ta curiosité, figé dans tes questionnement comme dans tes rets. Tu hésites, avant de prendre la réponse comme elle vient. Naturelle. Ton visage est expressément soulagé ; qu'Adrian croit y voir le réconfort amical à le voir à nouveau employer son temps. « Dans quel café ? Je serais curieux de savoir si vous devez porter ces petits tabliers, avec les logos de l'entreprise ... » Tu as un petit sourire amusé, taquin, en imaginant Adrian affublé d'un tel uniforme, orné d'un ours brun ou d'un quelconque autre animal jugé adorable, choupinet et surtout, vendeur.
Ton léger rire se mue en un éclat spontanée. L'évidente irritation d'Adrian t'es extrêmement comique. Sa nature parfois ronchonne est divertissante en son espèce d'homme grognon des cavernes. Naïvement, tu te fies à lui. A ce qu'il vient de dire. A ce que tu voudrais croire. Tous deux innocents de vos soupçons respectifs, tu l'espères si fort, cela ne peut qu'être vrai, vœu pieu d'enfant ayant trop vu ses monstres vivants. « Oh, mais loin de moi l'idée de croire que nous ayons autre chose qu'une relation parfaitement professionnelle, Adrian. » Tu prononces ça avec un ton légèrement effronté, le regard étincelant. L'espèce d'énergie que met Lizzie à survendre son rejeton t'amuse énormément. « Ne vous inquiétez pas, ses sous-entendus n'ont rien de gênant ou d'agaçant, n'y voyez pas de malice. Elle s'inquiète sûrement pour vous - et pour moi aussi, dans la foulée, je suppose » ajoutes-tu avec un rictus, touché par l'engouement de la matriarche Osborne pour ta vie toute entière, de ton petit déjeuner à ta vie privée-plus-si-privée. « Je suis toujours ravi de l'écouter. Elle me parle un peu de vous. Beaucoup d'elle. » Une affection tendre s'échappe de ta gorge et tu hausses les épaules pour camoufler, mal, ce sentimentalisme qui n'a pas lieu d'être. Adrian pourrait y voir une tentative d'appropriation, une émotion déstabilisante, irresponsable, mal venue. « Je suis conscient que je dépasse peut-être, parfois ... Non, soyons honnête, je déborde de mes activités de jardinier. Si vous y voyez un problème, informez-m'en. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus. » Nouveau coup d'oeil, t'accroches les prunelles masculines, franchise dans tes billes d'obsidienne, authenticité profonde entre les cils. Tu ne veux pas être son ennemi. S'il avait été autre chose qu'archéologue de l'ADN, fureteur de gènes, tu te serais laissé aller. Tu te serais sûrement risqués à quelques idées folles. Mais Adrian était, non l'ennemi, mais un péril potentiel. Tu ne devais pas l'oublier.
Voiles du secret qui s'écartent sous ta piètre compétence à mentir, ton malaise est palpable, on peut presque goûter cette panique, cette fuite de ton regard, de tout ton être, comme une constellation de réactions dont ton corps se pare. Ta tâche accomplie, tu aurais dû partir - fuir, encore et toujours, voilà une propension dont tu es amplement fautif, manque de courage là où en ton sein croît l'abondance de couardise. Illégitime en la maison Osborne, tu t'es paré d'une couronne de fleurs en te figurant roi du jardin. Château de cartes dont le lierre s'effondre, enterrant les intentions louables et les soins votif aux plants délicats, tu inspires lentement pour calmer les flancs palpitant d'une pulsation en désordre. L'étrange litanie des mots, la lenteur du timbre t'arrache un coup d’œil surpris, de sous le tamis de tes cils. Pourtant, malgré la méfiance de voir la discussion tue, tes arguments - ou leur absence évidente, si l'on écarte l'émotion passionnée de ton jugement - acceptés, l'apaisement étreint ton âme juvénile. Ce besoin pressant que l'on acquiesce à tes propos, à tes avis, à ton existence. Maigre consolation, pourtant elle éclaire ton visage d'un petit sourire, comme une guérison en bonne voie. Jamais tu ne blesseras Lizzie Osborne ou sa progéniture. Qu'importe ce qu'ils diraient ou feraient, tu t'es promis, il y a longtemps, alors que tes doigts se poissaient, sanglants, aux fluides vitaux du front de ton cadet, de toujours contrôler, de toujours restreindre ce pouvoir maudit. Tu es armé, à chaque seconde, à chaque souffle, d'un millier d'épines, et tu es entouré de silhouettes aussi fragiles que des nuages, prêts à s'effilocher. Tu en es âprement conscient, et c'est pourquoi tu fuis si souvent. C'est pourquoi tu t'efforces de rester seul, alors que tu chantes cette solitude dans les floraisons uniques sous tes doigts. Tu connais la valeur d'amis précieux, et pourtant tu les as abandonné, à la manière dont tu as négligé Cameron.
Succomberas-tu à cette affreuse manie, au contact des Osborne ?
Pourtant, tu n'oublies pas, malgré l'apaisement en la voix d'Adrian, le danger que tu risques. Les frisson au ventre qui, plutôt que papillons, se font scolopendres délétères, vénéneuses sensations sous l'agitation. « C'est vrai. » Tu admets, sans donner de raison particulière. Plus la force de mentir, encore, alors que tu débutes cet interrogatoire de pacotille, cet ersatz d'interpellation aux locutions lentes. Tu pourrais lui offrir ta cuisine jusqu'à la fin de vos vies, si en cet instant, tu avais les réponses à tes plus profondes interrogations. Peut-être interprètes-tu la position du corps défendant, de cette victime de ta curiosité, figé dans tes questionnement comme dans tes rets. Tu hésites, avant de prendre la réponse comme elle vient. Naturelle. Ton visage est expressément soulagé ; qu'Adrian croit y voir le réconfort amical à le voir à nouveau employer son temps. « Dans quel café ? Je serais curieux de savoir si vous devez porter ces petits tabliers, avec les logos de l'entreprise ... » Tu as un petit sourire amusé, taquin, en imaginant Adrian affublé d'un tel uniforme, orné d'un ours brun ou d'un quelconque autre animal jugé adorable, choupinet et surtout, vendeur.
Ton léger rire se mue en un éclat spontanée. L'évidente irritation d'Adrian t'es extrêmement comique. Sa nature parfois ronchonne est divertissante en son espèce d'homme grognon des cavernes. Naïvement, tu te fies à lui. A ce qu'il vient de dire. A ce que tu voudrais croire. Tous deux innocents de vos soupçons respectifs, tu l'espères si fort, cela ne peut qu'être vrai, vœu pieu d'enfant ayant trop vu ses monstres vivants. « Oh, mais loin de moi l'idée de croire que nous ayons autre chose qu'une relation parfaitement professionnelle, Adrian. » Tu prononces ça avec un ton légèrement effronté, le regard étincelant. L'espèce d'énergie que met Lizzie à survendre son rejeton t'amuse énormément. « Ne vous inquiétez pas, ses sous-entendus n'ont rien de gênant ou d'agaçant, n'y voyez pas de malice. Elle s'inquiète sûrement pour vous - et pour moi aussi, dans la foulée, je suppose » ajoutes-tu avec un rictus, touché par l'engouement de la matriarche Osborne pour ta vie toute entière, de ton petit déjeuner à ta vie privée-plus-si-privée. « Je suis toujours ravi de l'écouter. Elle me parle un peu de vous. Beaucoup d'elle. » Une affection tendre s'échappe de ta gorge et tu hausses les épaules pour camoufler, mal, ce sentimentalisme qui n'a pas lieu d'être. Adrian pourrait y voir une tentative d'appropriation, une émotion déstabilisante, irresponsable, mal venue. « Je suis conscient que je dépasse peut-être, parfois ... Non, soyons honnête, je déborde de mes activités de jardinier. Si vous y voyez un problème, informez-m'en. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus. » Nouveau coup d'oeil, t'accroches les prunelles masculines, franchise dans tes billes d'obsidienne, authenticité profonde entre les cils. Tu ne veux pas être son ennemi. S'il avait été autre chose qu'archéologue de l'ADN, fureteur de gènes, tu te serais laissé aller. Tu te serais sûrement risqués à quelques idées folles. Mais Adrian était, non l'ennemi, mais un péril potentiel. Tu ne devais pas l'oublier.
(#) Sam 9 Avr - 17:52
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the phenix tree
miracle enthusiast
Dans quel café ?
Arrêt sur image. La respiration qui se coupe alors que le cerveau s’active à concocter un mensonge. La sensation d’être un idiot pour ne pas avoir anticipé la curiosité de son interlocuteur, et puis la réponse tardive qui fuse enfin, se voulant franche et décidée : “À Starbucks.” Il y en avait suffisamment à New York pour que cela soit crédible et c’était une enseigne générique, peu propice à susciter les questions. Le sourire amusé de Shepard, à mille lieux de sa nervosité récente, donna envie à Adrian d’élaborer, malgré les risques. “Le vert me va bien au teint, ajouta-t-il d’un ton impassible, une étincelle gentiment moqueuse dans le regard.” Et il avait appris à préparer des boissons du tonnerre, pendant la brève période où il avait effectivement travaillé dans un café. Espresso, cappuccino, macchiato… Si au début, il s’était senti complètement perdu derrière son comptoir, lui le gosse de riches qui n’avait jamais eu besoin de faire des petits boulots pour payer ses études, il avait fini par y trouver son compte.
Même si, franchement, il n’avait jamais été un bon serveur. Trop de verres cassés, trop de regards noirs jetés aux clients, pas assez de flexibilité.
Le seul domaine dans lequel il excellait, c’était la génétique.
Il échoua à se vexer lorsque Shepard éclata de rire, trop gêné pour oser jouer les trouble-fêtes. Il savait que sa mère s’inquiétait, bien sûr. Elle s’inquiétait toujours. Il aurait aimé avoir eu le genre de vie prévisible qui rassure les mères anxieuses, une femme, ou un mari peut-être, deux enfants, une fille et un garçon, un salaire régulier, une maison avec jardin, et puis un labrador pour compléter le tableau. Lizzie aurait été ravie. Elle se serait éteinte paisiblement, avec la certitude que son fils était entre de bonnes mains. Parfois, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine culpabilité à l’idée qu’il l’avait privé de cette vie-là. Il avait toutes les peines du monde à se rappeler que, même si sa mère prenait un malin plaisir à se mêler de ses affaires, elle ne lui avait jamais reproché d’avoir préféré les sciences à l’amour, de ne pas avoir eu d’enfants. Quelque part, il était heureux qu’elle ait trouvé un ami en Shepard. Au moins, elle devait se sentir moins seule.
Il espérait simplement que ses soupçons étaient infondés, afin qu’il n’ait pas à se demander s’il pouvait laisser cette amitié perdurer.
Parce qu’il y avait une telle sincérité dans la voix de Shepard lorsqu’il lui parlait de la relation improbable qu’il avait noué avec Lizzie Obsorne qu’Adrian était incapable de ressentir autre chose que de la gratitude. Oui, c’est vrai, il était un peu jaloux de leur complicité. Mais au-delà de ça, il lui était reconnaissant de son dévouement. “Elle ne voit plus beaucoup de monde, confessa-t-il du bout des lèvres. Surtout depuis que mon père est décédé. Elle s’ennuie, je crois que c’est pour ça qu’elle se mêle de tout.” Regard songeur en direction du salon où Lizzie devait somnoler en écoutant la radio. “Elle a dû vous le dire mais elle était architecte autrefois. Elle a toujours travaillé. C’est dur pour elle de ne même plus pouvoir se lever, alors qu’elle courait partout dans tous les sens avant. Mais ça va mieux depuis que vous êtes là. Bien sûr qu’elle s’inquiète pour vous. Elle vous aime énormément.” Apprécie, c’est le mot qu’il aurait dû choisir, plus pudique, moins connoté. Mais il lui manquait une note de vérité. “Elle mange mieux, elle sort de son lit, elle veut faire plus de choses…” Comme si elle rajeunissait au lieu de vieillir. Adrian avait longtemps pensé que la grande tragédie de sa mère était que son esprit demeurait aussi vif qu’au zénith de sa vie alors que son corps était lentement en train de dépérir. Il aurait été sans doute moins cruel pour elle qu’elle ne soit pas douloureusement consciente de ses nouvelles limitations imposées par l’âge. “Vous avez raison, vous en faites beaucoup plus qu’un simple jardinier. Mais si je vous demandais d’arrêter, elle serait la première à en souffrir et ça, je refuse. Tant qu’elle n’est pas en danger, peu m’importe. C’est encore elle qui signe vos chèques, après tout. Moi, je me contente de vérifier que tout va bien.”
Arrêt sur image. La respiration qui se coupe alors que le cerveau s’active à concocter un mensonge. La sensation d’être un idiot pour ne pas avoir anticipé la curiosité de son interlocuteur, et puis la réponse tardive qui fuse enfin, se voulant franche et décidée : “À Starbucks.” Il y en avait suffisamment à New York pour que cela soit crédible et c’était une enseigne générique, peu propice à susciter les questions. Le sourire amusé de Shepard, à mille lieux de sa nervosité récente, donna envie à Adrian d’élaborer, malgré les risques. “Le vert me va bien au teint, ajouta-t-il d’un ton impassible, une étincelle gentiment moqueuse dans le regard.” Et il avait appris à préparer des boissons du tonnerre, pendant la brève période où il avait effectivement travaillé dans un café. Espresso, cappuccino, macchiato… Si au début, il s’était senti complètement perdu derrière son comptoir, lui le gosse de riches qui n’avait jamais eu besoin de faire des petits boulots pour payer ses études, il avait fini par y trouver son compte.
Même si, franchement, il n’avait jamais été un bon serveur. Trop de verres cassés, trop de regards noirs jetés aux clients, pas assez de flexibilité.
Le seul domaine dans lequel il excellait, c’était la génétique.
Il échoua à se vexer lorsque Shepard éclata de rire, trop gêné pour oser jouer les trouble-fêtes. Il savait que sa mère s’inquiétait, bien sûr. Elle s’inquiétait toujours. Il aurait aimé avoir eu le genre de vie prévisible qui rassure les mères anxieuses, une femme, ou un mari peut-être, deux enfants, une fille et un garçon, un salaire régulier, une maison avec jardin, et puis un labrador pour compléter le tableau. Lizzie aurait été ravie. Elle se serait éteinte paisiblement, avec la certitude que son fils était entre de bonnes mains. Parfois, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine culpabilité à l’idée qu’il l’avait privé de cette vie-là. Il avait toutes les peines du monde à se rappeler que, même si sa mère prenait un malin plaisir à se mêler de ses affaires, elle ne lui avait jamais reproché d’avoir préféré les sciences à l’amour, de ne pas avoir eu d’enfants. Quelque part, il était heureux qu’elle ait trouvé un ami en Shepard. Au moins, elle devait se sentir moins seule.
Il espérait simplement que ses soupçons étaient infondés, afin qu’il n’ait pas à se demander s’il pouvait laisser cette amitié perdurer.
Parce qu’il y avait une telle sincérité dans la voix de Shepard lorsqu’il lui parlait de la relation improbable qu’il avait noué avec Lizzie Obsorne qu’Adrian était incapable de ressentir autre chose que de la gratitude. Oui, c’est vrai, il était un peu jaloux de leur complicité. Mais au-delà de ça, il lui était reconnaissant de son dévouement. “Elle ne voit plus beaucoup de monde, confessa-t-il du bout des lèvres. Surtout depuis que mon père est décédé. Elle s’ennuie, je crois que c’est pour ça qu’elle se mêle de tout.” Regard songeur en direction du salon où Lizzie devait somnoler en écoutant la radio. “Elle a dû vous le dire mais elle était architecte autrefois. Elle a toujours travaillé. C’est dur pour elle de ne même plus pouvoir se lever, alors qu’elle courait partout dans tous les sens avant. Mais ça va mieux depuis que vous êtes là. Bien sûr qu’elle s’inquiète pour vous. Elle vous aime énormément.” Apprécie, c’est le mot qu’il aurait dû choisir, plus pudique, moins connoté. Mais il lui manquait une note de vérité. “Elle mange mieux, elle sort de son lit, elle veut faire plus de choses…” Comme si elle rajeunissait au lieu de vieillir. Adrian avait longtemps pensé que la grande tragédie de sa mère était que son esprit demeurait aussi vif qu’au zénith de sa vie alors que son corps était lentement en train de dépérir. Il aurait été sans doute moins cruel pour elle qu’elle ne soit pas douloureusement consciente de ses nouvelles limitations imposées par l’âge. “Vous avez raison, vous en faites beaucoup plus qu’un simple jardinier. Mais si je vous demandais d’arrêter, elle serait la première à en souffrir et ça, je refuse. Tant qu’elle n’est pas en danger, peu m’importe. C’est encore elle qui signe vos chèques, après tout. Moi, je me contente de vérifier que tout va bien.”
(#) Sam 9 Avr - 19:42
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“J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, se pâment longuement sous l'ardeur des climats.” baudelaire.
Le sourcil qui s'arcque sur ton front, presque facétieux, tu oses même un léger balayage des prunelles comme si tu jaugeais réellement de l'union d'un tablier vert sur l'anatomie du brun. Puis, sourire malicieux aux lèvres, tu hausses les épaules. « Si vous l'dites. » Légère impertinence aux babines mutantes. T'as l'intention d'ajouter un truc, mais ça bloque, sur la langue. Ca doit vous changer. Trop sec, trop agressif. Ca vous plaît ? Trop curieux. Je passerai peut-être prendre un café, vous travaillez dans lequel ? Sûrement pas dans celui à côté du poste de police où tu finiras pour harcèlement. Alors tu te tais, tu clos cette énergie curieuse qui déborde, ce soulagement qui te rend bavard, fébrile, cette assurance qu'il n'a aucun doute sur ta mutation, sur ce que tu es, sur ce que tu caches. Secret de pacotille, qui s'effiloche sous le crâne scientifique, alors que ta méfiance s'est dissoute en verbiages prolixes. Trop rapidement. Trop facilement. Rien qu'un grand gosse sous la carcasse.
Discourir sur la façon dont tu observes Lizzie, dont tu gravites autour d'elle avec bienveillance, ne t'es pas bien naturel. Tu épanches rarement tes pensées, ainsi, mais Lizzie a déverouillé un loquet. Elle a prit une place maternelle, aimante, qui était jusque là vacante. Elle te fait penser à Archie, à sa douceur, à son altruisme. Ton avenir a été fortuné, jonché de rencontres qui t'ont fait grandir et t'épanouir. Etrangement, tu es heureux - tes doigts fouillent l'écorce et la terre minérale, tu as appris à contrôler ce qui te faisais si peur, autrefois, cette végétation en toi, cette mutation tortueuse, mais rien n'est assez proche de ce que tu désires de tout ton coeur. Cameron - ton petit frère. Et si tu l'as évoqué avec Lizzie, du bout des lèvres, révélant le rejet de tes parents et ta fuite de chez eux, tu as gardé des pans entiers de l'histoire. La matriarche Osborne ayant interprété cette histoire sous l'égide d'une émancipation homosexuelle, tu n'as pas réfuté. Tu ne comprenais pas l'indulgence de l'aînée, tu prenais ce qu'elle offrait, des miettes de souvenirs, des rires, des conseils. Tu avais appris à admirer cet esprit tranchant, cette malice, cette personnalité si éclatante, dans ce corps si proche de la ruine. La vieillesse ne t'effrayait pas, mais la mortalité de Lizzie Osborne avait quelque chose de fragile, d'indécent.
Un léger sourire affectueux effleure tes lèvres. La curiosité de la vieille dame aurait eu sa place dans les proverbes du journal. Pourtant, il n'y avait là nulle facétie. Et la manière dont elle s'accrochait à son désir de voir son fils heureux était admirable. Par son prisme, par sa vision, elle t'avait enseigné Adrian. Pas grand chose, rien de personnel, rien de profond, mais tu ne pouvais que respecter cette connexion, honorer cet amour. Tu hoches lentement la tête aux propos du brun. Alors qu'elle courait partout dans tous les sens avant. Tu n'as aucun mal à te figurer une Lizzie, aussi jeune que sur les photos qu'elle t'a maintes fois montrées, affairée et galopante, occupée, vivante. Quelque chose de dur s'abîme en toi, une pierre au fond de la mare de ton esprit, quelques bulles s'échappent et laissent jaillir une idée folle, démente - dangereuse. L'effort de concentration pour écouter la suite des paroles d'Adrian te donne un frisson le long de l'épine dorsale. Vertèbres qui bruissent sous l'ondulation. « Elle a parfois plus d'énergie que moi, quand j'arrive le matin ... » Tu échanges cette pensée, à voix basse, le regard pensif.
Il t'es difficile d'avouer que tu sors des limites imposées. Tout aussi difficile d'admettre devoir t'y courber. Plus difficile encore de questionner. Adrian en aurait le droit. Tu attends, le regard flou, la bouche sèche. Lorsqu'il reconnait les frontières distanciées, tu retiens une petite grimace. L'aveu est de ta bouche. Pas besoin de faire le timoré. Tes traits s'addoucissent par la suite. Tu ne réitéreras pas ta promesse de ne pas la blesser. Mémoire saturée d'un cadet ensanglanté par ta faute, à la lisière de ton adolescence. « Vous parlez encore d'argent ? C'est une manie, chez vous » railles-tu gentimment, les mains enfoncées dans les poches de ce pantalon trop grand. « Je suis ... honoré qu'elle apprécie ma présence » prononces-tu lentement, cherchant visiblement tes mots, maladroit gamin aux émotions sincères, « et je ne peux que lui rendre au centuple ce qu'elle m'offre. Tout du moins, j'essaye. Et si, lorsque vous vérifiez, quelque chose vous semble ne pas aller bien, parlez-moi. Je ne suis ni une brute ni trop sourd pour être réticent à une conversation. Je vais me répéter, mais je me fiche des chèques que votre mère me confie, je me fiche de cet argent. J'aime être ici. » Avec elle, le sous-entendu est flagrant, s'entend à des kilomètres, sous le silence farouche des lèvres qui se ferment, moustache hérissée du dos de la main, geste troublé.
Ton regard s'attarde sur la porte, près d'Adrian puis tu lui lances un dernier coup d'oeil. « Retournons au salon avant qu'elle s'imagine quoi que ce soit » et tu abandonnes cette cuisine aux relents de citron, cédant l'espace au fils Osborne. Négligeant l'attention à ce verre, à cette trace de toi, à cette preuve innatentive. Méfiance endormie aux roucoulements menteurs. Tu rejoins Lizzie près de son fauteuil, plisses les yeux et lance, attéré : « Faites attention aux parterres, je viens de repiquer les bulbes. » Sans attendre la réponse, tu baisses les yeux vers Lizzie qui étouffe un petit rire devant ta mine faussement grognone. Tristesse que de la voir souffrante, l'esprit acéré dans ce corps délabré. Et si ... Frisson qui fait trembler le derme. Ne te mêle pas de tout cela. Tu en as déjà trop fait. Et pourtant, et pourtant ... L'idée germe, florale, impétueuse et impulsive. Et si, un jour, tu l'aidais ?
Discourir sur la façon dont tu observes Lizzie, dont tu gravites autour d'elle avec bienveillance, ne t'es pas bien naturel. Tu épanches rarement tes pensées, ainsi, mais Lizzie a déverouillé un loquet. Elle a prit une place maternelle, aimante, qui était jusque là vacante. Elle te fait penser à Archie, à sa douceur, à son altruisme. Ton avenir a été fortuné, jonché de rencontres qui t'ont fait grandir et t'épanouir. Etrangement, tu es heureux - tes doigts fouillent l'écorce et la terre minérale, tu as appris à contrôler ce qui te faisais si peur, autrefois, cette végétation en toi, cette mutation tortueuse, mais rien n'est assez proche de ce que tu désires de tout ton coeur. Cameron - ton petit frère. Et si tu l'as évoqué avec Lizzie, du bout des lèvres, révélant le rejet de tes parents et ta fuite de chez eux, tu as gardé des pans entiers de l'histoire. La matriarche Osborne ayant interprété cette histoire sous l'égide d'une émancipation homosexuelle, tu n'as pas réfuté. Tu ne comprenais pas l'indulgence de l'aînée, tu prenais ce qu'elle offrait, des miettes de souvenirs, des rires, des conseils. Tu avais appris à admirer cet esprit tranchant, cette malice, cette personnalité si éclatante, dans ce corps si proche de la ruine. La vieillesse ne t'effrayait pas, mais la mortalité de Lizzie Osborne avait quelque chose de fragile, d'indécent.
Un léger sourire affectueux effleure tes lèvres. La curiosité de la vieille dame aurait eu sa place dans les proverbes du journal. Pourtant, il n'y avait là nulle facétie. Et la manière dont elle s'accrochait à son désir de voir son fils heureux était admirable. Par son prisme, par sa vision, elle t'avait enseigné Adrian. Pas grand chose, rien de personnel, rien de profond, mais tu ne pouvais que respecter cette connexion, honorer cet amour. Tu hoches lentement la tête aux propos du brun. Alors qu'elle courait partout dans tous les sens avant. Tu n'as aucun mal à te figurer une Lizzie, aussi jeune que sur les photos qu'elle t'a maintes fois montrées, affairée et galopante, occupée, vivante. Quelque chose de dur s'abîme en toi, une pierre au fond de la mare de ton esprit, quelques bulles s'échappent et laissent jaillir une idée folle, démente - dangereuse. L'effort de concentration pour écouter la suite des paroles d'Adrian te donne un frisson le long de l'épine dorsale. Vertèbres qui bruissent sous l'ondulation. « Elle a parfois plus d'énergie que moi, quand j'arrive le matin ... » Tu échanges cette pensée, à voix basse, le regard pensif.
Il t'es difficile d'avouer que tu sors des limites imposées. Tout aussi difficile d'admettre devoir t'y courber. Plus difficile encore de questionner. Adrian en aurait le droit. Tu attends, le regard flou, la bouche sèche. Lorsqu'il reconnait les frontières distanciées, tu retiens une petite grimace. L'aveu est de ta bouche. Pas besoin de faire le timoré. Tes traits s'addoucissent par la suite. Tu ne réitéreras pas ta promesse de ne pas la blesser. Mémoire saturée d'un cadet ensanglanté par ta faute, à la lisière de ton adolescence. « Vous parlez encore d'argent ? C'est une manie, chez vous » railles-tu gentimment, les mains enfoncées dans les poches de ce pantalon trop grand. « Je suis ... honoré qu'elle apprécie ma présence » prononces-tu lentement, cherchant visiblement tes mots, maladroit gamin aux émotions sincères, « et je ne peux que lui rendre au centuple ce qu'elle m'offre. Tout du moins, j'essaye. Et si, lorsque vous vérifiez, quelque chose vous semble ne pas aller bien, parlez-moi. Je ne suis ni une brute ni trop sourd pour être réticent à une conversation. Je vais me répéter, mais je me fiche des chèques que votre mère me confie, je me fiche de cet argent. J'aime être ici. » Avec elle, le sous-entendu est flagrant, s'entend à des kilomètres, sous le silence farouche des lèvres qui se ferment, moustache hérissée du dos de la main, geste troublé.
Ton regard s'attarde sur la porte, près d'Adrian puis tu lui lances un dernier coup d'oeil. « Retournons au salon avant qu'elle s'imagine quoi que ce soit » et tu abandonnes cette cuisine aux relents de citron, cédant l'espace au fils Osborne. Négligeant l'attention à ce verre, à cette trace de toi, à cette preuve innatentive. Méfiance endormie aux roucoulements menteurs. Tu rejoins Lizzie près de son fauteuil, plisses les yeux et lance, attéré : « Faites attention aux parterres, je viens de repiquer les bulbes. » Sans attendre la réponse, tu baisses les yeux vers Lizzie qui étouffe un petit rire devant ta mine faussement grognone. Tristesse que de la voir souffrante, l'esprit acéré dans ce corps délabré. Et si ... Frisson qui fait trembler le derme. Ne te mêle pas de tout cela. Tu en as déjà trop fait. Et pourtant, et pourtant ... L'idée germe, florale, impétueuse et impulsive. Et si, un jour, tu l'aidais ?
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