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brotherhood ((CAMERON))

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brotherhood
“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.” st exupéry.



Tu rouvres les yeux sur le plafond de ta chambre. Tu te sens misérable. Et seul. Misérablement seul, depuis que vos parents ont enfermé Cameron dans cette sombre chambre d'ami tel un animal. Comme un prisonnier qu'on clôturerait dans une geôle pour le faire parler. C'est inhumain - et pourtant le monstre, ici, c'est toi.
Toi qui a commis l'irréparable, l'impardonnable.
Tu es celui qui a blessé ton frère.

Tu as son sang sur les mains, au sens littéral.
Caïn et Abel.
Tu te sens pire que bourreau et tu voudrais vomir cette haine que tu as pour ce que tu es, ce que tu fais - ce contrôle sur les plantes que tu n'as jamais demandé, qui t'échoit telle une malédiction.
Mais jamais, jamais Cameron n'a prononcé ce mot de malédiction.
Lui t'a toujours soutenu.

N'y tenant plus, tu te lèves doucement dans la nuit noire. Tu as toujours préféré l'été et le soleil, mais tu sais que ton affront en catimini se doit d'être oeuvré à la clarté de la lune. Si vos parents te voyaient en train de baffouer leurs règles - Cameron devait rester enfermé, hormis pour les besoins primaires, et surtout, aucune interaction entre vous - tu n'oses imaginer quelle serait ta sentence. Mais tu te fiches des représailles. Cameron te manque. C'est viscéral.
Et tu dois t'excuser. Du plus profond de ton coeur.

Tu sais où placer tes pieds pour ne pas faire craquer le plancher, dans ce grand couloir. Au bout, cette porte qui pourrait être des barreaux de prison, derrière laquelle se terre ce pauvre Cameron, ce courageux Cameron, ce doux, cet innocent Cameron. Tu repenses à l'accident, t'as les mains qui chavirent, tu manques de renverser un vase - soit-disant d'une dynastie chinoise, finalement c'est pas faux, made in taiwan après tout - mais tu rattrapes le bibelot avant le fracas. Tu reprends ta route, pas après pas, jusqu'à la porte. Tu saisis la clé que tu as subtilisé après le dîner - vos parents te font confiance, toi le fils prodigue qui camoufle le secret le plus honteux à leurs yeux - et tu la fais tourner dans la serrure, très lentement ; le déclic fait traîner un frisson le long de ta colonne.

Tu te dépêche de pénétrer dans la pièce pour te soutirer au couloir froid, silencieux, solitaire. L'ombre pénétrante de la chambre d'amis n'est guère plus accueillante, mais au moins y discernes-tu enfin la silhouette familière de ton frère, éveillé par le léger bruit de la porte, de ton entrée. Tu viens t'asseoir près de lui, honteux de le réveiller ainsi ; t'attrapes une main, la sienne, encore tiède de sommeil. Tu sais pas quoi dire. Enfin, les mots sortent, croassants, fêlés.

« Je suis si désolé, Cameron, pardon, je - » Tu sais que tu ne pourras sentir la blessure, couverte d'un pansement, mais tu poses ta paume sur sa joue. Il a grandi - vous avez grandi, tous les deux, mais depuis quand Cameron est-il aussi courageux, aussi brave, aussi fort ? T'es si fier de lui. T'as la gorge serrée d'émotion. « Je n'ai jamais voulu te faire de mal, je te le promets, c'est ... c'est sorti sans que ... sans que j'y pense ... » Tu as l'impression de débiter des excuses creuses, alors que la vérité effleure tes lèvres adolescentes. Tu serres les doigts fraternels entre les tiens, sensation de culpabilité arrachant tes mots pour te rendre silencieux, terriblement silencieux. Pourquoi n'a t-il pas tout avoué ? Parce que Cameron est assez courageux pour vous deux, pour subir tout cela - pour toi.
Tu ne le mérite pas.
Ni cet acte bienveillant, ni ce merveilleux frère.

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C'est toi et moi contre le monde entier

L’obscurité de la petite pièce commençait à devenir pesante pour le jeune garçon assis sur son lit. Le temps devenait de plus en plus long, et il aurait juré que les murs se rapprochaient petit à petit à mesure que les heures passaient. Enfermé dans cette petite pièce, privé de tout, Cameron ne cédait pourtant pas. Refusant de répondre aux questions de ses parents, il était impensable pour lui de dévoiler la vérité. Plutôt mourir que de trahir son grand frère, pensait-il sans véritablement mesurer le poids de ses mots. Ce n’était qu’un enfant effrayé à l’idée de ce que ses parents pourraient faire à son grand frère. Terrifié par ses propres parents, ceux-là même qui auraient dû leur donner un amour inconditionnel et sans égal. Une punition qui lui laisserait un traumatisme dont il ne viendra jamais à bout, une peur horrible d’être enfermé à nouveau dans un tout petit espace dont il ne pourrait sortir.

Le sommeil finira par le gagner. Luttant pourtant de toutes ses forces pour ne pas sombrer, il finit par se laisser tomber sur son lit, la tête sur son oreiller. Un sommeil perturbé par des cauchemars à chaque fois pire que les précédents. Cameron s’en voulait tellement, il était le seul à blâmer pour tout ça. C’est lui qui n’avait pas fait assez attention, lui qui avait voulu jouer dans le jardin, lui qui avait fini par courir voir ses parents, la main couverte de sang. S’il avait été plus prudent, moins aventureux, rien de tout ça ne se serait passé. Encore et encore, il revivait en boucle la même scène à travers ses rêves, et à chaque fois, elle semblait plus douloureuse, et plus brutale. Le sommeil agité, Cameron se bat avec sa couverture, s’agitant en cherchant à fuir tout ça, comme si de bouger pourrait chasser les mauvais rêves. La porte de la pièce s’ouvre, et doucement, les yeux du garçon s’ouvrent à leurs tours.

Doucement, une ombre se rapproche, et dans l’obscurité, Cameron reconnaît les traits de son grand frère qui vint s'asseoir près de lui. L'aîné prend sa main dans la sienne, et soudain, le plus jeune sent une vague de peur l’envahir. Est-ce que les parents avaient fini par découvrir la vérité ? Est-ce que son grand frère allait bien ? Encore trop endormi pour vraiment réfléchir, Cameron se contente d’écouter la voix de son frère. Il comprend alors, et il se doute que son frère ne dort pas mieux que lui. Quelque part, le jeune garçon s’en voudrait presque de se plaindre de son propre sort. Peu importe ce qu’il endurait, ce n’était rien par rapport aux souffrances et tourments que subissait son grand frère. Cameron se redresse légèrement pour s'asseoir, en prenant délicatement la main de son grand frère entre les siennes.  

« Shepard, je sais. » Prononça-t-il d’une petite voix encore un peu endormie mais qui se voulait sincère et réconfortante. S’il remettait encore l’amour de ses parents en question, Cameron n’avait pas une seule seconde douter du fait que son frère n’avait pas fait exprès. « Tout va bien, tu sais. C’était juste un accident, et les accidents, ça arrive. » Doucement, il sourit, même si son frère ne le verrait peut-être pas dans l’obscurité. Le plus important, c’était de le protéger.  « J’ai déjà presque plus rien, en plus ! Ça ne fait même plus mal. »  Enfin, ça, ce n’était pas totalement vrai. La blessure était toujours présente sous son pansement, et elle continuait de le tirer chaque fois qu’il changeait d’expression. Heureusement, enfermé dans sa petite chambre, il se contentait de fixer les murs ou de fermer les yeux.

@Shepard Evans
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“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.” st exupéry.

Tes nuits troubles se hantaient d'un fantôme fraternel sanglant. Ton acte, ton monstrueux acte, était un véritable attentat à la solidité de ton être : incapable de retenir ce don, qui pouvait parier sur toi une confiance aveugle ? Si, à l'instant même où tu cessais de restreinte ton esprit, si l'émotion la plus subtile permettait à cette malédiction florale de s'étendre et de blesser quiconque, tu n'avais plus le droit d'être ici, dans cette maison. Tu étais un danger. Nuisible à peau humain, camouflant la mutation dans les gènes honnis. Cameron connaissait ton secret, seul être vivant à partager ce fardeau. Et loin de s'être éloigné, malgré votre éducation anti-mutant, il t'avait soutenu, il avait gardé cela clos en lui, et pouvoir scinder cette confidence, cette partie de toi qui étouffait ton âme, c'était un secours bienvenu et salutaire. Tu avais juré de protéger Cameron, le jour où tes parents l'avaient ramené de la maternité, bébé fragile, et aujourd'hui, c'était ton petit frère qui prenait ce rôle protecteur. Tu avais le sentiment de l'avoir trahi des pires des façons.

Tu ne trouverais aucune justice ni aucune excuse, en cette pièce où ton frère était prisonnier, mais tu espérais pouvoir t'épancher d'un pardon sincère. Tu intériorisais cette sensation d'être un monstre. Différent de cette famille parfaite. Tu n'avais plus rien à faire sur les photos de famille. Tu étais l'intrus. Mais tu savais que Cameron ne verrait pas les choses ainsi. Parceque Cameron était un être foncièrement bon. Les mots s'échappent de ta gorge serrée, et tu as l'impression de geindre, de retourner la situation. Une sensation de fausseté. Tu détestes ça. Tu observes doucement Cameron se redresser, le coeur au bord des lèvres.

Je sais. Non. Il ne savait pas. Il ne savait pas cette émotion, cette haine contre toi-même, alors que tu réalisais que ce sang qui coulait, c'était toi qui l'avait fait jaillir. Il ne savait pas tes nuits qui tourmentées de cette culpabilité à jamais. Cameron était encore si jeune, et tu frôlais déjà l'âge adulte. Pourtant, tu te considérais bien loin du monde responsable et mûr que ta majorité approchante aurait dû t'offrir. Peut-être avais-tu déjà prit tes décisions avant même de le réaliser. Tu ne pouvais pas laisser cette situation pourir plus encore. Cameron subissait ce qui aurait dû te revenir - ces punitions creuses et stupides, aux limites de l'humanité. Tu devinais que tes parents réagiraient mal à l'aveu de ta mutation ; tu avais cependant le courage de savoir que Cameron t'aimait. C'était ce qui te soutenait le plus, en ce bas monde. Le savoir là. Mais à présent que tu l'avais blessé, tu n'avais plus le droit d'être avec lui - et si cela recommençait ? Et si, la prochaine fois, c'était pire ?

« Non. Cela ne devrait pas arriver. C'est comme me promener armé. Je suis un danger - pour toi, pour nos parents, pour tout le monde. D'un côté, je comprends papa et maman. Je suis un monstre - je t'ai blessé, Cameron ! » Tu te tais, parce que ta voix se trouble d'une colère envers toi-même. Tu secoues la tête, farouchement. « Pas besoin de jouer les braves, Cam. » Et tu soupires doucement. Toute ta colère s'évapore pour te laisser blasé, comme échoué sur la digue de tes actes, à moitié noyé d'une souffrance mentale. Tu te reprends - tu dois te montrer courageux pour vous deux. Cameron subit tout cela depuis trop longtemps. « J'avais imaginé te kidnapper loin d'ici, mais pas sûr qu'un casier judiciaire m'aide à l'avenir » et tu ébourriffes ses cheveux. Tu le discernes vaguement ; à moitié endormi, il a l'air si jeune. Il débute à peine l'adolescence, et tes six années de différence te donnent l'impression d'être responsable de lui. Tu l'as toujours aimé Cameron, et tu ne pourras jamais cesser. « Tu dois t'ennuyer ici. Les parents se se montrent inutilement cruels sur ce coup-là. Tu aurais dû tout dire, dès le départ. Dire que c'était moi. Ca t'aurait évité de te la jouer détenu de prison. Mais t'inquiètes pas : t'en as plus pour longtemps  » que tu dis d'un ton joyeux. T'es réellement heureux à l'idée que ton futur aveu puisse libérer ton petit frère. Tu t'en veux de pas l'avoir fait dès le départ. T'avais peur - mais Cameron aussi, non ? Pitoyable grand frère. Tu devines déjà que les Evans n'accepteront pas, sourire aux lèvres, ta mutation. « En attendant, je t'ai ramené ça » que tu glisses lentement, avant de récupérer dans ta poche de jean le livre préféré de Cameron. Et, du plat de la main, tu poses quelques graines sur le sol, où sous ta simple présence, une mousse légère phosphorescente s'épanouit et vient créer une luminosité douce, verte, presque aquatique. Enfin, tu vois les traits de Cameron - et ce pansement sur son visage. La mousse ne tiendra pas longtemps, mais assez pour que vous voyiez. « Je t'aime, petit frère. Mais tu ne devrais pas subir tout ça. C'est pas bon d'être aussi courageux à ton âge.   » T'essayes de faire de l'humour, d'être aussi léger que d'habitude. Ton coeur est gonflé de cet amour fraternel qui ne t'a jamais quitté. Tu ferais tout pour Cameron.


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C'est toi et moi contre le monde entier

L’obscurité n’avait pas faibli, mais à travers Cameron distinguait le visage de son grand frère. Son regard plongé dans cette image à peine visible, il aurait voulu porter le poids de la souffrance de Shepard à sa place. Savoir son frère ainsi déchirait le cœur de Cameron, et les mots qu’il prononça encore plus. « Tu n’as pas le droit de dire ça. Tu ne peux pas dire qu’ils ont raison ou que tu es un monstre. Tu es mon frère, mon grand frère et je sais que tu n’aurais jamais voulu me faire de mal. Je sais que tu n’as pas fait exprès, que tu ne voulais pas, et pour rien au monde je voudrai te changer. J’ai de la chance de t’avoir toi, comme tu es. Personne n’a le droit de dire que mon grand frère est un monstre, pas même toi Shep. ». Il n’a rien au monde dont Cameron était plus fier que d’avoir Shepard comme grand frère, et il n’a personne qu’il n’aimait plus que lui. Le simple fait qu’on puisse faire du mal à son frère le révoltait; même si c’était Shepard lui-même qui en était le responsable.

Un léger sourire vint se poser sur les lèvres du jeune garçon quand son frère évoqua l’idée de partir loin de tout ça. Cameron, il en rêvait. Fuir loin avec son frère et ne plus jamais revenir, ne plus jamais souffrir, ne plus jamais craindre ses parents… C’était la solution miraculeuse, la seule qui pouvait résoudre cette situation si complexe sans que Shepard n’ait besoin de souffrir ! Pourtant, c’était aussi impossible. Bien trop jeune pour se soustraire à l’autorité de ses parents, Cameron serait obligé de revenir chez lui, et les conséquences seraient bien pires que cette petite pièce. Cameron ouvrit doucement la bouche pour répondre à son frère, mais il n’en eut pas vraiment le temps, Shepard était déjà reparti. « Jamais. Je préfère rester ici toute ma vie que de te trahir, tu sais ? C’est pas grave, l’important c’est qu’on soit ensemble. » Finit-il par articuler. L’horreur, la terreur que provoquait l’idée de dire la vérité à ses parents suffirent à Cameron pour se montrer ferme et tenir tête à la personne qu’il estimait le plus au monde. « Plutôt mourir que ça. » Chuchota-t-il pour lui-même, bien trop bas pour que son frère ne l’entende.

Doucement, Shepard déposa dans les mains de son frère un exemplaire d’un livre, et usant de son don, il fit apparaître un peu de mousse phosphorescente laissant enfin un peu de luminosité apparaître dans la pièce. Le visage du jeune garçon brilla d’émerveillement quelques instants, comme si la conversation qu’ils venaient d’avoir n’avait jamais existé. Cameron avait toujours été fasciné par la mutation de son frère qu’il voyait comme une bénédiction. Son regard se posa ensuite sur la couverture du livre, et un sourire se posa sur ses lèvres. Son frère le connaissait par cœur.  « Merci, Shep. » Délicatement, il déposa l’ouvrage près de lui sur son lit. S’il était heureux que son frère soit aussi attentionné, pour l’instant, la seule chose qui l’intéressait vraiment, c’était de voler quelques minutes de plus avec son aîné. La solitude de sa petite prison était si grande, l’absence était si pesante qu’il aurait tout donné pour retrouver leur chambre. Les longues conversations, les soirées à rire ensemble, et tout le reste manquaient terriblement au jeune garçon qui ne rêvait  que de retourner à cette époque-là.

À nouveau, Shepard arracha un sourire au jeune garçon. « Je t’aime aussi grand frère. » Les mots avaient échappé à Cameron avant qu’il n’ait le temps de vraiment réfléchir à ce qu’il pouvait répondre. « Je suis désolé pour tout ça. C’est à cause de moi, et je m’en veux. » Poursuivit-il, en jouant avec un des plis de sa couverture. C’était plus fort que lui, un réflexe nerveux qu’il ne pouvait contenir, comme à chaque fois que quelque chose le tracassait. « Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Les parents finiront par arrêter de poser des questions et me laisser sortir. Et sinon, je peux toujours fuir quand j’aurai dix-huit ans. » Sa voix tremblait légèrement, mais il continua. « C’est toi et moi contre le reste du monde, pas vrai ? Alors je resterai ici aussi longtemps qu’il le faudra pour toi, pour garder ton secret. » Sincère et honnête, il aurait décroché la lune sans hésiter pour son frère. S’il était le plus jeune, il n’en était pas pour autant moins dévoué.


@Shepard Evans
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“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.” st exupéry.

Cameron n'allait pas laisser tes mots vivre leur noirceur. L'obscurité qui t'étreignait sembla se dissoudre aux phrasés bienveillants de ce petit bout d'homme. Qu'il sache que c'était un accident était rassurant, mais surtout, ce besoin viscéral qu'il avait de vouloir te protéger gonflait ton coeur fraternel d'une fierté immense. Tout adolescent qu'il soit, il était déjà une meilleure personne que toi. T'as un sourire cynique aux lèvres, quand il t'interdit vaillamment de te déposséder ainsi. « Si j'avais pas été là, tu n'aurais pas été blessé. Imagine que ton ami ait compris. S'il avait lâché le morceau. Si nos parents avaient réalisé qu'ils élevaient un ...  » Le mot n'est pas prononcé. Lèvres closes. Monstre. Mutant. Faites votre choix. Mais Cameron n'avait pas cet avis. Aux prunelles du plus jeune des Evans, tu étais un héros, pour lequel il fallait subir pour ta protection mille sévices. Ca te chatouillait de l'emmener sur ton épaule, loin d'ici. Tu trouverais un petit boulot, comme mécanicien ou jardinier, vous vivriez pauvrement mais ensemble.
Vous deux contre le reste du monde.

Tu réalises que t'as murmuré ces mots et tu secoues la tête doucement. Il est agréable de se laisser aller à l'onirisme d'un avenir rêvé, mais qu'étais-tu capable de faire, en cet instant ? Tu ne pouvais pas le protéger, le sortir de là, lui offrir la liberté et l'enfance qu'il lui faudrait. Vous saviez, tous les deux, que le carcan familial était toxique. Qu'il s'élèverait entre vous si vos géniteurs découvraient ta véritable nature. Cameron s'évertuerait, une fois encore, à te défendre. Et alors, qu'adviendrait-il de vous deux ? Tu serais déchu, peut-être même prisonnier à ton tour. Mais la peur de cette prison sombre avait disparue. Oh, tu savais que tu dépérirais rapidement, loin du soleil, de la brise du vent, mais c'était là ta place. Pas celle de Cameron. Il ne méritait aucunement d'être derrière les barreaux - toi non plus, en un sens. Vous méritiez tellement mieux. « Je sais. Je suis fier de toi, parce qu'il te faut beaucoup de courage pour subir cette prison. Mais, Cameron ... Tu ne peux pas continuer de vivre ainsi. » Les sous-entendus sont multiples, mais tu tairas ton véritable plan. Tu comptes bien avouer à vos parents ce qui s'est réellement passé.

Cameron devait retourner à l'école, retrouver sa liberté. Tu le trouvais pâle, mais peut-être était-ce seulement la lueur fluorescente de la plante qui contrastait avec l'obscurité. Il ne pourrait grandir ou s'épanouir, ici. Il avait aussi besoin d'air pur et de liberté. Tu doutais que vous puissiez encore jouer au-dehors, après l'accident. Tu avais tout gâché. Tu hoches doucement la tête au remerciement de Cameron. Piètre consolation. Tu peux aller librement en dehors de cette geôle, et tu n'as que cela à amener comme divertissement passager. L'envie violente de casser les murs en l'envahissant de lierre passe dans tes veines comme une brûlure. Tu en veux à vos parents. L'injustice de tout cela est flagrante. Tu fronces les sourcils quand Cameron s'accuse du mal qui vous hante, alors que son je t'aime résonne encore, fraternel, doux, gravé dans ton myocarde muté. « Retire ça de ta tête tout de suite. S'il y a un fautif ici, c'est moi. L'accident est dû à mon don. C'est un fait, Cameron, et je t'interdis de t'en vouloir pour tout ça, tu m'as compris ? Tu n'imagines pas combien ton dévouement me touche. » Tu le laisses continuer, étourdi de le voir aussi convaincu de ce qu'il dit. Un mauvais moment à passer ? Non. S'il continuait à te défendre, contre vents et marées, qui sait ce qui arriverait ?
Des anti-mutants pouvaient parfaitement s'en prendre à lui.

L'horreur glissa le long de ton échine. Tu étais un danger pour lui, de bien des manières. Ta simple présence était toxique, comme un fruit pourri dans une récolte saine. Il t'achève, ce petit frère, ce grand coeur, aussi courageux qu'un lion. Si ton pouvoir te donnait une puissance sur la flore, Cameron était le vrai héros de cette histoire. Tu n'étais qu'une chimère aux illusions humaines, quand ton petit chevalier sans armure se tenait à ton côté. N'y tenant plus, tu te penches et le serre contre toi, dans cette étreinte si souvent partagée, aujourd'hui fébrile, douce, mélancolique. « Je n'ai jamais douté de toi. De ta vaillance. De ta bienveillance. Tu as été mon soutien, tu sais ? Sans toi, je ne sais pas comment j'aurai fais quand j'ai découvert ... ce que j'étais. Tu m'as accepté. Sans contrepartie. Tu m'as offert ton silence, en gardant mon secret. Toi et moi contre le reste du monde. » Tu répètes doucement les mots, comme une litanie entre vous, un sortilège que tu voudrais éternel. Mais à trop vous élever contre le monde entier, vous risquez de devenir des proies aux yeux des autres. Et vos adversaires les plus virulents sont les plus proches, de par la chair, de par le sang.

« Tu es le frère rêvé de tout le monde. Je t'ai déjà raconté le jour où les parents sont revenus de la maternité ? La première fois que je t'ai vu ?  » Un sourire mélancolique effleure tes lippes tendres. Le souvenir est d'autant plus coupable qu'il est affectueux ; déjà, ton plan est arrêté et tu n'en diras pas un mot, traître à ton frère, à son silence. Ton aveu le libérera. Et tu dépériras sans soleil, fleur humaine, comme tu aurais dû le faire dès le départ. Ce n'est presque plus effrayant. Parce que c'est pour Cameron, pour le sortir de là. Tu l'aimes à en mourir, ton petit frère. Sa dévotion n'a pas à le tenir prisonnier. Alors tu vas le sortir de là, oui. Ta liberté importe peu. Tant qu'il peut vivre, jouer à noveau dehors et devenir celui qu'il veut être, loin de toi et de ton affreuse mutation.


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C'est toi et moi contre le monde entier

Du plus profond de son être, Cameron aimait sincèrement son grand frère. A ses yeux, rien n’avait plus d’importance que ce lien sans faille qu’il avait avec son aîné. Le jeune garçon aurait tout donné, même sa propre vie, s’il avait pu passer ne serait-ce qu’une journée de plus dans les rues de Londres avec son grand frère à rire et s’amuser en passant de boutique en boutique pour finir par manger une glace assis sur un banc dans un parc. Malgré la présence néfaste de ses parents, le futur étudiant en droit avait réussi à nouer quelque chose de si fort, de si pur et de si beau avec son adelphe que rien n’avait plus d’importance, même pas son propre bien être. Dans cette petite pièce obscure, c’est l’amour qu’il avait envers Shepard qui avait permis à Cameron de tenir le coup, et de rester fort. Ce même amour qui le poussait à se révolter contre l’autorité parentale, et à tenir tête à Shepard lui-même quand il s’agissait de l’image qu’il avait de lui-même.  « Je t’en pris, arrête de penser à ça. Tu n’es pas un monstre, et si tu n’avais pas été là, j'aurais pu me blesser autrement. J’aurais très bien pu me faire renverser par une voiture en sortant de la maison, ou me couper en me préparant un sandwich. Et puis qu’importe ce qu’en pense les parents, tu n’es pas un monstre, arrête de le sous-entendre. Tu es mon grand frère. Si je pouvais te ressembler un tout petit peu en grandissant, je serais tellement fier de moi ! » Un flot de paroles continues échappa au jeune garçon. Il ne pouvait s’empêcher d’essayer, du plus profond de son être, de rendre le sourire à Shepard.

Pourtant, le soir quand la maison devient calme, et qu’il se retrouve seul dans l’obscurité de cette petite pièce dans le plus complet des silences, Cameron était certain que les murs commençaient à se rapprocher. Il en venait presque à en suffoquer. Malgré les crises d’angoisse, les larmes sur ses joues, et la peur panique à l’idée de céder, le jeune garçon continuait, soir après soir, de fixer le plafond en priant de toute son âme pour que son frère trouve le sommeil et puisse être heureux. C’était le primordial, le plus important. Je préfère rester ici toute ma vie que de te trahir. Cameron le pensait sincèrement. Ce n’était qu’un petit sacrifice pour la personne qu’il aimait le plus au monde, la seule qu’il ne pouvait pas se permettre de perdre. L’idée que son frère puisse prendre sa place, l’idée que ses parents puissent lui infliger cette punition, ou même une punition encore pire terrorisait tellement le jeune garçon, qu’il secoua la tête en entendant son frère. S’il s’approchait plus de la survie que de véritablement vivre depuis qu’il était enfermé là, Cameron continuerait aussi longtemps qu’il le faudrait. « Ce n’est pas du courage, Shep. J’ai peur pour toi. Je ne veux pas qu’ils apprennent la vérité, j’ai peur de ce qu’ils pourraient te faire. J’en dors plus la nuit à la simple idée qu’ils puissent te faire du mal. » Finit-il par admettre. Jouant avec le bord de sa couverture, l’adolescent essayait de se rassurer. Tout irait bien, tant qu’il se tairait et qu’il resterait ici, il ne pourrait rien arriver à son grand frère. C’était sans doute la meilleure chose à faire, la meilleure décision à prendre. Il en était convaincu, Cameron. Il donnerait tout pour son frère, jusqu’à son dernier souffle.

Lentement, l’adolescent passa la main dans ses cheveux, il s’en voulait à ne plus être capable de faire autre chose que de culpabiliser pour tout ce qui s’était passé. S’il n’était pas le porteur du don, Cameron n’en était pas moins celui qui avait poussé son frère à prendre des risques. Sans lui, Shepard ne serait probablement pas sorti dans le jardin, et rien ne serait arrivé. La fluorescence de la mousse au sol laissant apparaître le visage du jeune garçon qui a conscience que son frère peut maintenant le voir, Cameron essaya d’esquisser un sourire, comme pour faire semblant d’être soulagé alors que la culpabilité continuait de le ronger intérieurement. Il aurait aimé convaincre Shepard qu’il n’était pas fautif, mais l’adolescent savait que c’était un débat perdu d’avance, alors il se contenta de faire semblant.

Ensemble contre le monde entier, c’est la seule chose en laquelle il croyait vraiment, Cameron. Son frère et lui contre leurs parents et contre tous ceux qui voudraient leur faire du mal. Les mots lui échappèrent comme la preuve de cet amour inconditionnel qu’il portait à son aîné. Ses mots flottaient encore dans l’air, rendant cette promesse plus réelle aux yeux de l’adolescent, quand son frère vint le serrer contre lui. Surprit, il lui fallut quelques instants avant de se mouvoir et de rendre son étreinte à Shepard. Si les mots de son grand frère le touchent, le rassurent et le bercent, son esprit finit par réaliser que chacun d’eux était prononcé au passé, comme si les choses ne pouvaient plus être pareilles, comme si Cameron n’était plus le même aux yeux de Shepard, ou pire, comme s’ils ne pouvaient continuer à être tous les deux, ensembles contre le monde s’il le fallait.  « Shep…» Dit-il, d’une voix tremblante, sans aller au bout de sa pensée. Redoutant de poser cette question qu’il avait en tête. Il n’était pas prêt à entendre la réponse, alors à la place, il se mordit l’intérieur de la joue. Il lui fallut quelques instants avant de reprendre. S’il était resté muet, il aurait sans doute inquiété son frère.  « J’espère que tu sais que ça ne changera jamais. Tu seras toujours mon grand frère, mon modèle, mon héros.  » Un petit sourire se posa sur ses lèvres.

L’évocation d’un souvenir d’enfance à la fois pur et sans équivoque arracha un sourire un peu plus sincère à Cameron. Parfois, il aimerait être à nouveau un bébé, dans les bras de sa mère. Les choses étaient tellement plus simples quand il n’était pas à l’origine de crise familiale majeure…  « Tu veux dire l’histoire où tu vas me dire que j’étais un bébé vraiment laid, tout rose et bouffi mais que dans ta grande générosité, tu n’en as pas tenu compte ? » Bien sûr, ce n’était qu’un petit trait d’humour, pour essayer de retrouver cette complicité qui lui manquait tellement depuis qu’il était devenu un prisonnier dans sa propre maison.


@Shepard Evans
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“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.” st exupéry.

Comment serait-il possible de douter, d'imaginer la moindre faille dans l'amour fraternel que te porte Cameron ? Jamais, au grand jamais, tu ne pourras émettre de réserve, en ce qui vous concerne. Hélas, ce n'est pas là la rouille qui endommage votre mécanique familiale. Une déchéance végétale, qui ne fait que venir de toi, dont tu es le fautif, tu es l'origine du problème. Tes parents en sont une autre facette, rendons à César ce qui est à César, mais tu fais partie de cette insoluble équation dont l'énigme mène au bien-être de Cameron. Comment pourrait-il être heureux, si tu es dans les parages, capable du moindre incident si tes émotions se retournent contre toi ? Comment pourra t-il jamais devenir l'homme qu'il est sensé être ? Tu ressasses, leitmotiv émotionnel qui gonfle ton myocarde coupable. Cameron sait-il que, toi aussi, tu serais capable de prendre chaque vie qui se dresserait contre lui ? Que tu pourrais donner ta vie sans faillir, s'il le désirait ? Tu n'as jamais plaisanté avec ton rôle de grand frère. Mais tu as échoué. La preuve en est cette geôle où il croupit. Abject déshonneur que de le voir là, parqué comme une bête par vos propres géniteurs. Si tu es un monstre, tu sais d'où te viens ce gène - nul besoin de flairer bien loin.

« Il n'y a pas que les parents. Beaucoup de personnes, probablement la plupart de nos voisins ou de nos amis, conçoivent le monde d'une certaine façon, et les mutants ne font pas partie de l'ordre établi. Mais je sais que tu ne me vois pas ainsi - et c'est ce qui compte.  » Sincèrité du remerciement tu. Il n'y a pas besoin de ces mots entre vous. Le timbre de ta voix suffit à exprimer combien le soutien de Cameron t'es salvateur. Si tu t'évoques le monstre d'un conte, tu es pourtant humain par bien des côtés, et Cameron est celui qui t'ancre dans cette réalité. Qui te donne l'espoir de devenir meilleur. Qui te fais garder à l'esprit que tu dois te tenir pour ne plus blesser personne. Pas comme tu l'a blessé, lui. Tu ne sais ce qui ce passe sous ce crâne juvénile, incapable d'imaginer le supplice qu'il peut vivre. Tu disposes encore de ta liberté, pour le moment. Plus pour longtemps, car tu rongeras ces barreaux qui enferment ce besson de ton coeur.

Les mots sont vacarme à tes oreilles, donnant forme tangible aux angoisses chevillées à tes flancs adolescents. Tu souris, bravache, l'oeil enflammé du courage du fou. « Dors sur tes deux oreilles, si tu le peux, Cam. Je serai bientôt majeur. Que penses-tu qu'ils me feraient ? Ils auraient peur de moi. Peur de ce que je suis. » Tu hausses les épaules ; fatalement, tu songes à ce plan qui flotte dans le vaste océan de tes pensées. Tes parents craindront-ils tes pouvoirs ? Te laisseraient-ils emmener Cameron, si tu les y obligeais ? L'idée est tentante, flattant cette avidité de protéger le cadet. Tu tentes d'apaiser l'angoisse de Cameron. Il ne devrait pas se torturer ainsi. Tu voudrais être capable de dissoudre toutes ses inquiétudes, d'éteindre ses affolements, de dévorer ses cauchemars. Mais il ne cessera sans doute jamais de se faire du souci pour toi, car comment pourrais-tu cesser de te faire du souci pour lui ? Le pauvre sourire, sur ses lèvres de gosse, est une épine en ton coeur. Depuis quand il doit se forcer à sourire ? Depuis quand sa joie de vivre est aussi inerte qu'un caillou ? La peur te prend - pour lui. Une peur d'enfant, face à quelque chose qui t'échappe. Face à l'injustice, également, de votre situation.

L'étreinte est rassurante, tiède, aux odeurs familière que possède Cameron. Tu continues de parler, autant pour bercer que pour rassurer, autant pour discuter que pour rompre la nuit de quelques étincelles bavardes. Tu n'as jamais aimé la nuit, ni l'obscurité, surtout pas dans une pièce sombre. Tu fanerais, ici, comme une plante. Tu faneras, ici, comme une plante - quand vos parents sauront, quand ils auront compris qu'ils ont enfermé le mauvais frère, que le fautif n'est autre que leur aîné monstrueux. T'as la gorge nouée et l'estomac tordu, quand il prononce ce mot. Héros. T'as jamais été aussi loin de cette illusion. Mais vous êtes têtus. Deux Evans en puissance. Il n'en démordra pas, trouvera à redire, alors tu laisses couler, tu laisses passer ces mots en lesquels tu ne crois pas mais en lesquels Cameron croit pour vous deux.

La répartie de Cameron t'arrache un large sourire et tu fais semblant d'être déçu. « Mince, j'en ai déjà parlé, à ce que je vois ... » Vos petites chamailleries sont plus éclatantes à tes yeux que n'importe quel rayon solaire. « T'étais plutôt entre le rouge et le bleu que tout rose, et tout frippé. Un vrai petit chiffon avec des yeux comme des pépins. » Ce n'est pas loin de la vérité, mais le souvenir t'émeut, car ce bébé, dans ta mémoire, c'est Cameron, Cameron qui a tant grandi, qui doit tant grandir encore, et devenir un homme, quelqu'un de bien. Tu en es persuadé. Si quelque chose doit rester gravé en toi, c'est cette loyauté, cette foi fraternelle en le petit garçon devant toi. « J'étais un peu jaloux, à l'époque. On m'avait dit que les petits frères, c'était casse-pied. Et puis maman t'a posé dans ton berceau, alors je suis venu voir ce qui était l'origine de tellement de tapage, de tellement de commérages un peu partout. Tu étais éveillé, alors je t'ai regardé, j'ai prononcé ton prénom, et t'as directement posé tes yeux sur moi, en souriant. La bulle de bave au coin des lèvres, mais c'était pas grave. Parce que ce jour là, je me suis promis d'être le rempart contre tout ce qui te blesserait. Tout, tu entends ? » Tu soupires. « J'ai échoué. Et je m'en excuse. Je n'ai pas tenu mon serment. Je ne suis pas un héros, Cameron. Mais merci de me voir ainsi. Aussi positivement. En grandissant, tu ne vas pas me ressembler : tu seras bien meilleur. Et je suis fier de toi. Je le serai toujours. »

Petite accolade sur son épaule, sans force. Tu observes ce visage juvénile, dans les lueurs végétales. Parce que tu sais qu'il s'agit sûrement d'une des dernières fois que tu le vois. Tu ne sais ce que te feront tes parents, mais ils couperont sans doute le lien entre leurs deux enfants, de peur que tu ne transmettes ta maladie, ton infection, ce fléau à Cameron. Mieux vaut toi que lui. Tu n'auras pas tant à attendre, juste ta majorité. Juste des éons. Mieux vaut toi que lui. Encore et encore, ces mots. Cameron mérite ce qu'il y a de mieux, et non cette parodie de cellule.


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C'est toi et moi contre le monde entier

Le regard de Cameron se remplit de tristesse en entendant le discours de son frère. S’il ne pouvait nier la cruauté du monde dans lequel il vivait, le jeune adolescent aurait aimé pouvoir dire à son frère qu’il serait là pour l’aider et le protéger qu’importe ce qui se dresse sur sa route. S’il ne pouvait faire qu’un seul souhait, ça serait que Shepard puisse vivre heureux jusqu’à son dernier jour sans jamais connaître aucune blessure ni aucune peine. Son grand frère était la seule chose qui avait du sens à ses yeux dans ce monde. La seule chose pour laquelle il serait prêt à se battre, et à donner jusqu’à son dernier souffle. La seule personne qu’il voudrait garder auprès de lui jusqu’à la fin des temps, et bien encore après. Du fond du cœur, il aurait aimé que ses parents soient plus compréhensibles, qu’ils soient capables d’aimer leurs enfants, de les protéger, malheureusement, ils étaient seuls.

L’idée qu’il n’avait pas sa place dans ce monde ne semblait pas quitter l’esprit de Shepard, et bien qu’aimant profondément son aîné, l’adolescent se retrouvait déjà court de mots. La gorge nouée par la profonde tristesse, il écouta son frère essayer de le rassurer, de faire taire ses angoisses mais rien n’y faisait. La peur ne le quittera plus jamais. Qu’importe les années qui passeront, il ne pourra s’empêcher de redouter le pire pour son grand frère en priant pour qu’il ne vive que le meilleur. Cameron, s’il l’avait pu, aurait même donné sa propre sécurité en échange de celle de son frère. Demeuré dans cette maigre cellule n’était qu’un faible sacrifice pour tout l’amour qu’il avait à donner à son frère et pour se pardonner lui-même de cet incident. « S’il te plaît, ne prends pas de risque. Je ne veux pas te perdre Shepard, et nos parents… ». Cameron laissa sa phrase en suspens. Il n’avait pas besoin d’en dire plus, son frère savait déjà toute l’horreur dont ils étaient capables.

Héros, le mot était encore bien faible pour décrire la façon dont Cameron voyait son grand frère. Il était bien plus encore à ses yeux. L’admiration sans faille qu’il vouait à son frère était si grande qu’un véritable héros n’aurait pas été plus impressionnant à ses yeux. Peut-être l’idéalisait-il un peu trop, ou peut-être Shepard ne rendait-il pas compte d’à quel point il occupait une place importante dans la vie et le développement de son petit frère. La seule chose qui importait vraiment aux yeux de Cameron, c’était de rendre son grand frère fier de lui, et de le garder près de lui envers et contre tous. Il sait très bien que Shepard ne partagerait pas son point de vu, qu’il trouverait certainement un million de choses à dire pour le convaincre du contraire, mais qu’importe, aux yeux de l’adolescent, son aîné restait un exemple à suivre, un modèle. En soi, pour Cameron, son frère était parfait.

L’histoire de leur rencontre fit sourire sincèrement le jeune adolescent. La description de Shepard lui arrache presque un petit rire. Les photos de famille, il les a déjà vu, il sait très bien à quoi il ressemblait quand il était petit, et la version de Shepard était bien meilleure à entendre que celle que sa mère lui avait donné il y a déjà bien longtemps. Pas de belle cigogne et de bébé parfait, mais un souvenir tendre et sincère. Il comprend peu à peu où son frère veut en venir, et quelque part, il voit se dessiner un au revoir qu’il n’a pas envie d’entendre. Un message subtil mais assez clair pour que Cameron puisse à nouveau sentir la peur monter au fond de lui.

« Shep, arrête. » Le sourire de Cameron a totalement disparu. Cette fois, il a l’air bien trop sérieux pour un adolescent. « Tu n’as pas échoué en quoique ce soit, et tu n’es pas un obstacle qui se dresse devant moi. Tu m’as raconté tout ça seulement pour me dire que tu veux plus de moi, c’est ça ? Tu vas me dire que c’est mieux pour moi qu’on prenne des distances, et qu’on arrête de partager tout ce qu’on partageait juste pour une petite blessure sans aucune importance ? Si c’est ce que tu veux vraiment, tu peux partir. » Profondément blessé, il détourne doucement le regard. « Tu peux m’abandonner, c’est pas grave. Tu resteras toujours mon frère, même si tu préfères être loin de moi. Et puis un jour, tu finiras par comprendre que je t’aime, et que j’en ai rien à faire de nos différences, de ton don, de tout le reste. Tu finiras par comprendre, et je serai là pour t’attendre. » Loin d’imaginer le véritable plan de son grand frère, Cameron redoute surtout de le voir prendre des distances, et brisé cette chose si précieuse à ses yeux.

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C'était difficile. Tu ne t'étais pas attendu à te sentir aussi tiraillé en venant le voir. Tu avais espéré que toute cette tension, toute l'horreur de cet emprisonnement disparaîtraient en le voyant, mais la simple vue de ce jeune garçon, à peine adolescent, juvénile, enfermé dans cette pièce sombre comme une cave, c'était au-dessus de tes forces. Cameron n'imaginait pas combien tu souffrais de le voir ainsi. Vous souffriez tous les deux de la condition de l'autre, et tu t'en voulais d'avoir causé cela, le temps de vos jeux et de votre insouciance te semblait à présent si lointain que tu n'en voyais plus l'ombre d'une étincelle. Et tu savais quoi faire, tu savais ce que ton devoir mais surtout ton amour infini pour Cameron te dictaient de faire. Prendre sa place, tout avouer à vos géniteurs. C'était presque un soulagement que d'avoir pris ta décision. Que d'avoir enfin choisi - et c'était Cameron que tu choisissais, non toi, ou ta vie, ou la sécurité, mais ton frère, sa liberté, son amour. Quoi que tu puisses faire, il serait toujours le premier dans tes pensées, ton premier choix, ta première idée.

« Ne t'inquiètes pas, tu ne me perdras pas » réponds-tu farouchement, inconscient de mentir, que ce n'était qu'un pas vers une voie sans issue. Cameron ne te perdra pas, et qu'importe ce que vos parents imaginaient pour te punir, ce ne serait pas aussi douloureux que de le voir se sacrifier pour toi. « Ton grand frère sera toujours là pour toi. Viendra le temps où tu en auras peut-être même marre de m'avoir derrière toi, accroché à tes baskets » dis-tu avec un sourire mince pour essayer de plaisanter, encore, pour créer artificiellement une bonne humeur que vous aviez autrefois si naturellement. Aviez-vous perdu cette magie, cette innocence ? Toi, oui - ce sang, tout ce sang, et Cameron, cette blessure ... Cameron avait beau t'imaginer parfait, héroïque, tu n'étais qu'un menteur, un hypocrite. Comment pouvais-tu encore le regarder en face ? Une si petite blessure, mais qui entraînait tant de complexités. La prochaine fois, susurrait une voix fourbe dans ta tête, ce ne sera peut-être pas si bénin, où se blessera t-il, à la jambe ? Peut-être perdra t-il un doigt ? Et il répétera qu'il lui en reste neuf autres, qu'il n'en a pas besoin d'autant ... L'horreur t'écrasait les flancs, donnait un goût amer dans ta bouche.

Ta petite anecdote a le plaisir de faire passer l'acidité de tes angoisses. Le souvenir est presque frais, comme s'il avait eu lieu la veille, alors que des années se sont passées. Tu voudrais parfois y revenir, à ce temps où rien ne comptait d'autre que t'assurer que Cameron ne tombe pas. Tu l'avais aidé à faire ses premiers pas sur la pelouse, sous le gros arbre, et puis vous aviez partagé vos goûters alors que tu lui racontais des histoires pour le bercer, sous le soleil et le feuillage de buissons de roses. Tant et tant de souvenirs, et tout était parti en fumée, tout n'était plus que ruines parce que vos parents détestaient les mutants, que tu étais de ces monstres-là et que rien, à présent, ne serait plus comme avant maintenant que ton pouvoir avait blessé Cameron. Etait-ce cela, devenir adulte ? Ta belle insouciance d'enfant avait été balayée. Mais tu n'en voulais pas à Cameron, il était innocent de tout, coupable de rien, chevalier gardant ton secret avec passion. Peut-être que tout cela se reflète dans tes propos car Cameron change de visage. Tu ne voulais pas le paniquer. Il semble plus âgé, au-delà de son âge, c'est terrifiant, cet air sérieux sur son faciès jeune.

« Cameron, non, Cam ... » murmures-tu, conscient de l'espèce de colère, d'injustice qui semble briser son trop jeune coeur. « Je n'ai pas dis cela, je t'en prie, ne le prends pas ainsi. Tu le sais - je t'aime. Je ne cesserai jamais de t'aimer ou d'être ton grand frère. Tu es le meilleur petit frère dont le monde puisse rêver. Mais la réalité est là : je t'ai blessé, et je pourrais recommencer, sans le vouloir. Un accident peut en devenir un autre, plus grave. Si, au lieu de cette plaie, tu t'étais cassé quelque chose ? Ou pire, si tu avais perdu quelque chose ? Ce pouvoir est dangereux. Je suis dangereux, Cameron, parce que si je me laisse aller, ça peut ... ça peut devenir incontrôlable. » Tu secoues la tête, doucement, têtu, buté. « Je le sais, que tu m'aime. Et encore une fois, merci pour ça. Mais ... Je t'en prie, ne gâche pas ton bonheur à m'attendre ou quoi que ce soit du genre ... Un jour, nos parents découvriront ce que je suis » et bien plus tôt que Cameron ne pourrait l'imaginer, d'ailleurs, « et peut-être qu'il séviront. Mais s'il m'arrive quelque chose, tu ne dois pas aller contre. Tu as une vie Cameron, et je t'interdis de la gâcher pour moi. Tu m'entends ? Tu dois grandir, faire des bêtises, tomber amoureux. Tu as tout le temps, toute la vie pour ça. C'est ce que j'espère, de tout coeur, pour toi. Parce que tu es normal, et que tu mérites d'être heureux. Et je serai là » ajoutes-tu, avec l'espoir fou que cela soit vrai. Avec l'attente tendre et naïve qu'un jour, tu assisteras aux rires d'un Cameron amoureux, à la fierté de le voir diplômé, à la tendresse de l'aider à s'installer quelque part. Mais tout cela, c'est pour les gens normaux.
Et tu es un monstre. Les monstres, on les cache dans le placard. On les piège sous le lit.
Les monstres n'ont pas le droit d'être libres.
Tes parents te le feront sans doute savoir très vite.


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« Pourquoi tu refuses de comprendre que sans toi, rien de tout ça n’aura de sens ? » L’adolescent sent son cœur lentement se déchirer face à la situation, et l’idée de perdre son grand frère, son seul pilier. « Tu crois vraiment que je peux construire une vie sans toi ? » La perspective d’un avenir sans Shepard, c’est un avenir où Cameron serait seul. « Qui sera la pour moi, si ce n’est pas toi ? »  S’il ne se veut accusateur, le jeune garçon aimerait seulement faire comprendre à son aîné ce qu’il peut ressentir. « Tu crois sincèrement que je suis capable de pardonner à nos parents ? » Au fond de lui, peut-être que le futur avocat nourrissait déjà une profonde aversion pour ses géniteurs qui ne ferait qu’accroître avec le temps. « Quand ils vont apprendre la vérité, tu crois vraiment qu’ils vont juste m’accueillir comme l’enfant prodige et que je vais avoir la belle vie alors que j’étais au courant et que je t’ai protégé ? » Dévoilant le fil de ses pensées sous forme interrogative, Cameron laissait à peine assez de temps à Shepard pour tenter de répondre. « Et moi, tu crois vraiment que je pourrai me le pardonner ? » Finit-il par dire d’une voix bien plus faible et brisée.

La vérité, c’est que sans son grand frère, Cameron sera tout seul, sans repère. Sans Shepard, il n’aura plus personne à qui confier ses angoisses comme ses moments de bonheur. Sans lui, il n’aurait plus de raison d’être quelqu’un de fort, quelqu’un de bien. Et s’il finissait par laisser gagner ses parents ? Les larmes montaient doucement aux yeux de l’adolescent qui essayait autant qu’il ne le pouvait de se retenir. Un monde sans frère, ce n’était pas un monde dans lequel il était prêt à vivre. « Il y a des sacrifices qui méritent d’être fait, alors s’il faut que je reste enfermé ici, s’il faut que je sois blessé, s’il faut que je me dresse contre des armées… Peu importe ce qu’il faudra, je suis prêt à tout sacrifier pour être avec mon grand frère. Je sais que tu veux juste me protéger, et je te remercie, mais en t’éloignant de moi, ce n'est pas ce que tu fais Shep. J’ai besoin de toi. » Discours qu’il répète maintenant depuis un petit moment, mais qu’il espère qu’il finira par rentrer dans la tête de son frère et qu’il finira par enfin comprendre.

Une première larme finit par rouler doucement le long de sa joue, qu’il efface immédiatement d’un geste de la main. Le jeune adolescent aurait aimé être fort et affronter ça sans broncher, sans montrer ses faiblesses à son grand frère si fort, si parfait. Il aurait aimé être insensible et ne rien ressentir parce que la peine qui grandissait au fond de lui ne cessera plus jamais de s’accroître. Une blessure profonde qui perdurera à travers le temps et les années. Il voudrait revenir au temps où ils étaient encore innocents et insouciants, à courir dans le jardin, et rire pour des choses futiles, à son enfance si parfaite qu’il chérissait du plus profond de son âme. Malheureusement, il était déjà trop tard pour revenir en arrière, trop tard pour changer le passé et ce qui s’était produit. Trop tard sans doute aussi pour convaincre Shepard qu’il était là seule chose qui maintenait encore son petit frère debout face à tous les obstacles que la vie pouvait dresser devant lui. Une nouvelle larme glissa sur la joue du garçon qui l’intercepta à nouveau toute suite du bout des doigts, se forçant à afficher un petit sourire malgré la tristesse grandissante.

Certes, il ne pouvait comprendre la torture psychologique que pouvait endurer son grand frère mais pour autant, il n’était pas le seul à souffrir de tout ça, et Cameron ne pouvait s’empêcher de trouver injuste que son frère puisse supposer que son départ serait la meilleure chose qu’il puisse lui arriver. « Tu dis que ton rôle, c’était de me protéger de tout, mais Shepard, qui me protègera contre moi-même ? » Articula-t-il difficilement après quelques instants. Au fond de lui, l’adolescent se détestait déjà pour toutes ces choses qu’ils subissaient tous les deux. Il s’en voulait déjà tellement qu’il ne supportait même plus sa propre présence. Complètement rongé de l’intérieur, il ne se pardonnerait certainement jamais pour l’incident pour la souffrance de son grand frère. « Tu peux prendre autant de distance que tu veux, Shepard, je continuerai d’attendre le jour où on se retrouvera, parce que sans ça je ne sais pas ce que je vais devenir. Tu dis que je suis meilleur que toi, mais regarde moi, j’en suis presque à te supplier de ne rien dire à nos parents parce que je suis trop faible pour affronter la vie sans mon grand frère… Je suis pathétique, et je n’ai même pas un centième de ta force ou de ton courage. » De nouveau, une larme coule sur son visage, suivie par une autre et avant qu’il ne le réalise, Cameron pleurait déjà silencieusement.

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Cameron renâcle à lâcher le sujet, petit garçon farouchement décidé à te faire changer d'avis sur cette situation à la saveur amère. Comme il serait plus simple si vous pouviez, le temps d'une seconde ou deux, lire dans vos coeurs votre amour infini, votre souci de l'autre, votre attachement sincère, peut-être cesseriez-vous de vous faire du souci. Mais tu ne pouvais te voir avec son regard, et Cameron ne pouvait comprendre ta logique, l'assurance que tu avais en décidant, pour vous deux, de la suite. Tu n'arrivais pourtant pas à émettre de protestations, car les paroles de Cameron se fichaient en ton coeur comme des bris de verre. Ta résolution prenait des airs autoritaires et stupides, alors que tu savais que tu ne faisais que le mettre à l'abri. A l'abri de toi - celui qui l'avait blessé, qui pouvait recommencer, n'importe quand, et qui par sa simple existence pouvait mettre des bâtons dans les roues de Cameron. Si certains apprenaient qu'il avait pour frère un mutant, l'accepterait-on dans les écoles qu'il choisirait ? Sa petite copine ne fuierait-elle pas en courant ? Ses amis ne lui tourneraient-ils pas le dos ? Le dégoût de ta mutation, tu pouvais la gérer, mais qu'on rejette ton petit frère par ta faute, c'était au-dessus de tes forces. Tu te faisais l'effet d'un lâche. « Ils te pardonneront plus facilement qu'à moi d'être le monstre qu'ils ont toujours haï. Cameron, tu as une vie à toi et je refuse que tu la gâche. Je sais ce que cela peut faire, les rumeurs, les choses que des gens qui n'apprécient pas les mutants peuvent faire pour empêcher ... Et si parce que tu as un frère mutant, on t'interdisait certaines voies, l'école de ton choix, le métier que tu veux ? Tu seras mal vu, tu seras le frère du mutant, le doute et le dégoût rejailliront sur toi alors que tu n'as rien fais, et je ne veux pas que cela te brise. » Tu sentais gonfler cette colère face à l'injustice de ce que tu décrivais - cette vérité humaine, parfaitement horrible et creuse.

« Tu n'as pas à te sentir coupable, au contraire. Tu es Robin, tu vois ? Si je suis ton héros, tu es mon équipier. Ton super-pouvoir, c'est ton soutien, ton amour infaillible. Tu m'apportes beaucoup, Cameron, et tu m'as aidé à prendre confiance en moi. » A ne pas me décrier trop, à ne pas totalement me détester, à accepter mon pouvoir, malgré cette vague anti-mutante qui gronde et souffle, faisant de moi un titan qui voudrait voir brûler le monde selon les médias. Tu sais que Cameron est perdu, le sera si tu finis enfermé, qu'il rongera sa culpabilité en se demandant où il a failli. Hélas, malgré ton désir de lui enlever cette sensation, tu ne peux que tenter de le réconforter. Alors qu'il parle, ton coeur s'émiette devant cette loyauté sans faille. Tu serres les dents, les machoires contractées, ému jusqu'à sentir tes mirettes s'humidifer. Tu te racles la gorge, effaré de voir combien ton frère pourrait détruire sa vie pour toi. Tu ne les mérite pas - ni ce petit frère incroyable, ni cette fidélité, ni cet amour. « Nous deux contre le reste du monde » murmures-tu à nouveau, comme un sortilège qui pourrait créer une bulle où ce serait vrai, où vous pourriez être ensemble, grandir et avoir les vies que vous devriez. Mais vous n'êtes pas  dans ces fichus dessins animés avec des souris qui parlent, et Cameron risque de souffrir de ta condition. Tu fais ce que tu dois faire - même si cela te déchire de l'intérieur, même si cela veut dire blesser Cameron, parce que cela lui permettra de ne pas avoir à pâtir de tout cela. Tu n'es même pas adulte, et toutes ces responsabilités te mettent le coeur au bord des lèvres.

Muet, tu vois les gestes fraternels effacer les larmes comme si elles pouvaient disparaître de ses yeux. Tu voudrais le serrer à nouveau contre toi, lui promettre que tout ira bien, mais tu ne veux pas lui mentir, et tes actes ont des saveurs d'hypocrisie, toi qui voudrait tant le défendre aux yeux du monde, lui dire qu'il est innocent, qu'il n'est pas tâché de ta souillure mutante, qu'il ne mérite que l'amour et la douceur. Ce n'est encore qu'un gamin. C'était trop dur - pour vous deux. Tu n'aurais jamais dû devoir réfléchir à tout ça. Choisir entre mourir, fané, derrière l'obscurité d'une prison, ou libérer ton petit frère de cette même cellule parentale. « Contre toi-même ? » répètes-tu, un brin éberlué ; songeait-il à se faire du mal ? « Tu n'as pas à être protégé de toi-même, parce que tu es la personne la plus formidable que je connaisse, et que si tu ... Cameron, si tu pouvais savoir comme je t'aime, je t'en prie ... Ne te sens ni coupable ni mal, de tout cela, je t'en supplie, tu n'y es pour rien. Quelque chose serait arrivé, un jour - si ce n'était toi, un accident aurait pu arriver à notre père, à notre mère, au facteur. » Tu es maladroit dans tes propos, la gorge tendue d'émotion. Cameron n'aurait rien pu faire pour empêcher cela. Toi, si. Tu étais l'origine de cette blessure, tu étais à l'origine de tant de souffrance, chez Cameron. Comment pouvais-tu encore garder ton titre de frère, après tout cela ? L'adolescent insiste, avec tout son amour, continuant d'intoxiquer ton âme de cette abjection, de ce déshonneur, parce qu'il n'est pire brûlure que de sentir l'amour que l'on ne mérite pas, dont on se sait indigne.

« Tu n'es pas faible. Arrête de penser ça. Tu es fort. Tu souffres de cet emprisonnement pour me protéger. Qui ferait ça ? Personne. Tu subis tout cela sans broncher, mais je sais que c'est douloureux, ou plutôt je le devine. Tu n'as pas mérité ça. Personne ne le mérite, en réalité. » Les larmes dévalent les joues de Cameron et tu les y essuies d'une main douce. Tes yeux humides ne se font pas miroir des pleurs, mais intérieurement, c'est un précipice d'émotion dans lequel tu sombres, prêt à te noyer dans cette tristesse infinie, dans cette opprobe que tu ressens pour toi. « Tu as mille fois ma force et mon courage. Je le sais. Et tu vas devenir un homme fantastique. Je le sais. Un jour, on se retournera ensemble, on regardera le chemin parcouru, et on sera fiers de nous. On peut se promettre ça ? D'essayer d'être fiers de ce que l'on fait, de tenter d'être les meilleures versions de nous-même. » Tu frottes ton pouce sur la joue encore imberbe, l'âme rompue de voir ce chagrin que tu lui causes. « Je t'aime, ok ? N'en doutes jamais. Je t'aimerai jusqu'à la fin de ma vie. »

Un bruit soudain fait sursauter le monde. Une porte claque.
La mousse qui émettait encore un peu de sa luminosité féérique se rétracte et meurt, disparaissant lentement pour ne plus laisser que quelques graines comme de la poussière noircie. L'oreille tendue, tu te lèves lentement - craindre ses parents ainsi, quelle ignominie. Tu te retournes vers Cameron, souriant bravement, tu lèves les deux pouces.
Et tu sors, avec un dernier regard derrière toi.
Un regard qui dit adieu.

« Papa ? »
« Shepard ? Mais qu'est-ce que tu faisais ! Tu sais que nous ne - »
« J'ai quelque chose à vous dire. »

Les regards qui se mordent comme deux vipères.
Fureur paternelle devant ton incurie - comment oses-tu rendre visite à ton frère vu comme le félon.
Tu sourirais presque.
Tu ne tarderas pas à être le parjure sous ce toit.
Et Cameron sera libre.
Libre de tout danger, libre du monstre, libre de toi.
Je t'aime petit frère.


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