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Le Mal par le mal ~ PV Adrian

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Quand j'ai vu son visage, j'ai manqué d'air un instant. Ca ne pouvait pas être lui, ça ne devait pas être lui. Jamais. Je n'aurai jamais du recroiser sa route, voir ses yeux sombres et intelligents qui scrutent tout pour trouver les réponses. Je ne voulais pas.

Un énième cauchemar cette nuit. Je n'en peux plus d'être fatigué dès le réveil. Je ne veux plus me réveiller en nage à chercher mon souffle, à vérifier que c'est bien réel, que je n'ai pas rêvé un cauchemar. A vérifier que je ne suis pas aveugle et branché à je ne sais quoi.

Les douleurs, j'ai l'impression qu'elles sont vraies. L'angoisse me broie le cœur et la poitrine à chaque fois. Ma mutation n'en fait qu'à sa tête pour quelques secondes avant que je ne me reprenne, que je braque mes yeux humides de larme sur la veilleuse que je n’éteins jamais. Plus de noir complet. Des lueurs, la Lune, les étoiles mais plus de noir total.

C'est fatiguant.

Il est tôt je crois. Mais je me lève pourtant. Je ne dormirai plus dans tout les cas.

Pourquoi lui ?

Une idée me vient. Le mal par le mal.

Est ce que le revoir, lui pardonner d'avoir fait parti de cette immonde machination m'aidera ? Est ce que j'arriverai à laisser tout ça derrière moi me permettra de d'aller plus loin ?

Je ne lui en veux pas personnellement, j'avais une confiance étrange en lui, tissé au travers des mois et de conversations sans importance. Il lui faisait penser à l'extérieur, une chimère qui lui disait le temps qu'il faisait. Je ne le voyais pas souvent, la plus part du temps aveuglé par ce qu'il me collait sur le nez pour brider ma mutation. Mais son visage, je l'ai reconnu, sa voix est gravée dans ma mémoire.

Un feuille et un stylo. Je ne sais pas par quoi commencer. Ni par où. Mais la mine se pose finalement sur la feuille vierge.

« Retrouvez-moi au café de la 17° avenue samedi à 9h, s'il vous plaît. Vous me reconnaîtrez. »


Je ne veux pas trop en dire, je ne veux pas qu'il puisse se préparer ou ne pas venir en connaissant mon identité. Il faut qu'on soit à armes égales.

Samedi, c'est dans deux jours. C'est peut-être trop loin. Est ce que j'aurai encore le courage à ce moment-là ?

Il semble que oui puisqu'on est samedi, qu'il est 8h45 et que je suis devant le café de la 17° avenue. J'ai prit une grosse inspiration avant d'entrer. Normalement, je serais le premier. Je m'installe et commande un vrai petit déjeuner, avec du jus, du café et des viennoiserie. Par de salé, le salé en petit déjeuner, en général, c'est de la viande et je n'en veux pas à ma table.

Je m'installe, joue une petite minute avec mon appareil avant de me rendre compte que je suis bien trop nerveux pour arriver à faire quelque chose de correct.

Mon regard se braque sur la porte et j'attends, tendu à l'extrême, je sens déjà l'angoisse qui reprend sa place. J'ai encore le temps de partir...

Sauf que la porte s'ouvre finalement sur sa silhouette.
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Le mal par le mal
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C’était une mauvaise idée.
C’était une très mauvaise idée.
Une note anonyme lui donnant rendez-vous dans un café un samedi matin, à l’heure où les familles et les touristes s’agglutinent autour d’un petit-déjeuner avant d’aller explorer les rues de la grosse pomme ? Il n’y avait rien de plus suspect. Enfin si, son inconnu aurait pu exiger de le retrouver en pleine nuit dans une ruelle sombre, mais c’était ça justement qui avait retenu son attention alors qu’il était à deux doigts de jeter la lettre. Cela ne ressemblait pas à un guet-apens.

Pour être honnête, Adrian ne savait pas vraiment à quoi ressemblait un guet-apens, mais il se doutait que partager un petit-déjeuner au milieu d’une foule matinale ne figurait nulle part dans les pages du manuel du parfait petit kidnappeur. La curiosité avait fini par l’emporter alors il avait appelé sa mère pour la prévenir qu’il serait un peu en retard ce samedi, qu’il avait quelque chose à régler. Quelque chose d’important ? lui avait demandé Lizzie Osborne à l’autre bout du fil et Adrian, bien qu’elle ne puisse pas le voir, avait haussé les épaules. Non, je ne serai pas long.

Il avait franchi les portes du café à neuf heures précises, parce que le stress menaçait de lui faire faire demi-tour et qu’être ponctuel avait le don de le rassurer. Comme il s’y attendait, ses yeux se heurtèrent immédiatement à une marée humaine parmi laquelle il ne parvint pas à distinguer le moindre visage familier. Vous me reconnaîtrez, avait écrit l’inconnu. Adrian ne reconnaissait personne et il s’en sentait bizarrement soulagé. Ce n’était qu’une mauvaise blague. Il pouvait s’en aller. Quelques secondes s’écoulèrent, suspendues dans le temps, et puis un mouvement soudain dans la foule ouvrit un passage pour son regard et il se retrouva nez à nez avec un fantôme.

Son souffle se bloqua dans sa gorge, ses mains se mirent à trembler et il ressentit tout à coup une irrépressible envie de vomir. Mais il n’en fit rien, paralysé par une terreur qui semblait jaillir du plus profond de ses entrailles. L’évidence s’imposa d’elle-même. Il lui était impossible de faire face à Matthiew Moran sans repenser à 2018. À l’attaque du GLM. Parce que Matthiew était censé être mort, enterré sous les décombres, laissant Adrian libre de prétendre que son passé avait sombré avec lui et les corps de ses collègues. Qu’il n’avait donc plus aucun besoin de se confronter à ses démons.
Sauf que Matthiew était bien vivant et qu’il était en train de le regarder, ce qui voulait dire qu’il était trop tard pour se faufiler dans les toilettes du café et avoir une crise de panique. Le cœur au bord des lèvres, Adrian se força sans trop savoir pourquoi à s’approcher de lui. Tous ses sens lui hurlaient de repartir là d’où il venait mais il se révéla incapable de leur obéir.

Arrivé à sa hauteur, il ne s’assit pas tout de suite. Il jeta un coup d’œil distrait sur les victuailles qui trônaient au milieu de la table et se dépêcha d’étouffer la pointe de jalousie qui venait de lui sauter à la gorge. Il ne comprenait pas comment Matthiew pouvait avaler quoi que ce soit en de telles circonstances et Adrian n’était pas sûr de pouvoir l’imiter. C’était au-dessus de ses forces. Il n’arrivait pas à faire semblant que tout était normal.
Je croyais que tu étais mort, dit-il finalement, toujours debout, après une attente qui lui parut interminable.”
Malgré sa voix indolente, il n’avait pas oublié.
La dernière fois qu’ils s’étaient vus, Matthiew lui avait demandé de le tuer.

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Je ne connais pas bien son physique, je ne l'ai vu qu'une ou deux fois, pas plus. Le reste du temps, c'était le noir, aveugle, coincé sous cette gangue qui me mangeait les yeux et le visage. C'est sa voix que je connais, c'est sa voix qui m'a offert autre chose. Un moment de réalité dans ce cauchemar, un moment hors du temps. J'avais le droit à de véritables échanges, à une sorte de chaleur grâce à lui.

Mais j'ai tout foutu en l'air. J'ai craqué. J'ai pleuré, je n'en pouvais plus et j'ai cru que je pouvais lui demander de l'aide. J'ai cru que je pouvais lui demander de m'injecter quelque chose plutôt que d'en prendre.

Il n'est jamais revenu après. J'avais échoué.

Mais là, je l'observe, je le vois vraiment. Il est là. Il est vivant.

Il hésite et je suis en train de douter. J'ai peur, je veux pas qu'il approche, je ne veux pas entendre sa voix. Pourquoi j'ai fait ça ? Je suis pas prêt, pas prêt du tout. Tant pis. Je pardonnerais pas. C'est pas, grave, j'ai vécu quatre ans avec mes angoisses et mon incompréhension, je peux continuer. C'est pas grave.

C'est pas grave.

J'ai les mains moites. En réflexe, je viens triturer mes pauvres doigts raides, sans me faire mal, mais c'est un tic que j'ai quand je stress.

Il arrive finalement, et je sens l'angoisse se coincer en une grosse boule dans ma gorge. La crise d'angoisse est pas loin, elle risque de prendre sa place, de déborder. Il arrive à ma hauteur sans s'asseoir. Son regard se balade sur la table et je baisse les yeux, les posant sur mon appareil. J'ai envie d'avoir quelque chose en main. J'ai peur. J'ai tellement peur.

Et finalement, il ouvre la bouche. Sa voix.

Sa voix !

Un frisson me remonte le long de la colonne. Les souvenirs affluent et je fini par croiser les bras sur ma poitrine. J'ai l'impression de retourner là bas, attaché, avec ces tubes, avec cette douleur. Ses prélèvements à lui n'étaient pas douloureux, jamais. Mais intrusif, je ne voulais pas qu'on me touche, je ne voulais pas et on m'obligeait à ouvrir la bouche pour qu'un coton tige se loge contre l'intérieur de ma joue, on plantait une aiguille dans mon bras. Il y avait toujours quelque chose.

Je lève les yeux sur lui finalement, je crois qu'ils sont un petit peu embués, sa silhouette est floue. Je ne veux pas pleurer devant lui. Je ne suis pas là pour ça.

-Je pensais que vous l’étiez aussi...

Du pied, je pousse la chaise qui lui fait face, pour l'inviter à s'asseoir sans un mot. Je dégluti et enroule les doigts mobiles autour du verre de jus d'orange, pour me donner un peu consistance, m'occuper les mains.

J'inspire pour essayer de chasser cette crise qui menace mon souffle. J'ai du mal à la réguler, je me force pour ne pas que ça s'emballe.

-Comment allez vous, Adrian ?

« Adrian » Ce prénom, je le prononçais presqu'avec plaisir à l'époque.

-Merci d'avoir répondu à mon invitation... Je suis désolé que ça ai été fait comme ça. Je ne savais pas comment faire d'autre...

Le jus devient un petit peu chaud sous mes doigts.
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Le mal par le mal
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Les yeux de Matthiew commencèrent à s’embuer de larmes et Adrian dut se retenir de partir en courant. La moindre trace d’émotion sur son visage lui rappelait trop leur dernière rencontre, quand il avait craqué devant lui, brisant l’étrange illusion qui leur avait fait oublier le temps de quelques heures où ils étaient. Qui ils étaient.
Matthiew n’aurait dû être qu’une tâche à accomplir de plus, une série de lettres et de chiffres qui dansait sur son écran, redessinant l’empreinte génétique du jeune mutant sous une forme que l’œil humain était capable de déchiffrer. Il avait suivi le protocole à la lettre, avait obéi à toutes les recommandations de Trask Industries, s’était même soumis à un test psychologique pour leur prouver qu’il était capable de faire face aux prisonniers. N’oubliez jamais, Dr Osborne, lui avait-on dit, que ces gens sont là pour une raison. Vous n’avez pas à savoir laquelle. Contentez-vous de faire ce qu’on vous demande.
Et Adrian s’était exécuté, motivé par l’amour du travail bien fait.

Le raclement de la chaise sur le sol lui parut assourdissant, même dans le brouhaha chaleureux du café. Adrian hésita un moment. Rien ne l’obligeait à rester, si ce n’est l’intensité de la voix de Matthiew lorsqu’il lui avoua qu'il le pensait mort, lui aussi. Il s’assit finalement, le dos raide, les mains crispées sur ses genoux, avec l’horrible sensation de ne pas être à sa place. Il ne put s’empêcher de jeter des regards furtifs autour d’eux, cherchant l’agent de Trask caché parmi la foule, ou peut-être celui du gouvernement. C’était un test. Son retour à Trask Industries n’était pas aussi attendu qu’on lui avait fait croire et maintenant, ils voulaient s’assurer qu’il était bien loyal. Et Matthiew dans tout ça ? Quel était son rôle ? Est-ce qu’il se trouvait encore sous la coupe de ses anciens geôliers ?
Et s’il était venu pour se venger ?
Comment allez-vous, Adrian ?

La question le prit au dépourvu, l’arrachant à la spirale infernale de ses pensées. Comment il allait ? Difficile à dire ces temps-ci. Un brin amusé, Adrian haussa les épaules avant de répondre : “Ça dépend des jours. Et toi ?” La simplicité de cet échange, si innocent en apparence, fit naître une vague de nostalgie au creux du ventre d’Adrian. N’était-ce pas comme ça que tout avait commencé ? Un jour, le silence avait été rompu, comme un barrage cédant sous le poids de la curiosité. Il avait suffi d’un mot, d’une requête. Quoi précisément, il ne se souvenait plus. Quelque chose d’aussi insignifiant que de bouger son bras pour qu’il puisse faire une prise de sang plus facilement, peut-être. Mais ce n'était pas très important. Ce qui l’était, c’est qu’ils avaient poursuivi leurs conversations, sans la moindre arrière-pensée.
Et puis, la situation avait dégénéré. Ce n’était pas désagréable de parler à Matthiew, alors il ne s’en était pas privé. Après tout, il avait plus de répartie que la plupart de ses collègues et il appréciait sa compagnie. C’était peut-être ça le problème. Les frontières s’étaient brouillées dans sa tête, mais aussi dans celle de Matthiew. Il n’aurait jamais dû laisser les choses aller aussi loin. N’aurait jamais dû se montrer autant à l’écoute. C’était de sa faute. Il avait été incapable de garder ses distances.
Il était le seul à blâmer.

Dans la bouche de Matthiew, les excuses succédèrent aux remerciements, ce qui n’aida pas les nerfs d’Adrian à se calmer, au contraire. “C’est un piège, c’est ça ?” Le ton de sa voix était plus agressif qu’il ne l’aurait voulu mais c’était plus fort que lui. Il se sentait incapable de continuer à prétendre que tout ça, le jus d’orange, les viennoiseries, les formules de politesse, était normal. “Si tu as besoin d’argent, de papiers…” Il ne finit pas sa phrase. Avec un soupir, il se redressa sur sa chaise, tâchant de reprendre contenance. “Qu’est-ce que tu veux, Matthiew ?

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Je me sens le souffle court, vraiment court, la crise d'angoisse juste au coin du nez. Elle est si proche, prête à me noyer, me submerger. Mais il faut que je tienne bon, que j'avance. J'ai envie de fuir. De le fuir lui et ce qu'il représente. Il est devenue la mort salvatrice une fois et il m'a tourné le dos. Je n'ai jamais demandé grand chose dans ma vie mais j'avais imploré cette fois. Et ça n'avait rien donné, je ne l'avais juste plus jamais revu.

Je baisse les yeux, ils menacent de déborder. C'est dur. Pourquoi j'ai fait ça ? Je veux disparaître.

J'aimerai qu'il s'asseye, j'ai l'impression qu'il serait moins impressionnant assis mais il reste en face de moi. J'ai l'impression qu'il me toise, qu'il est trop haut, qu'il a le contrôle de la situation, le contrôle sur moi. J'ai cette peur primale qui bouillonne dans mon estomac.

J'attends patiemment qu'il réponde à ma question. Je cherche juste a engager la conversation. En essayant de la rendre plus naturelle... J'aime me bercé d'illusion, j'en ai besoin là tout de suite.

Mais finalement il me répond. Ca dépend des jours ? J'ai un pauvre sourire. Il ne sait pas à quel point je le comprend. Est ce qu'il a des regrets ? Est ce qu'il regrette d'avoir fait parti de cette horrible équipe et ses actions douloureuses ? Ils ont fait tellement de mal. Moi, j'ai juste eu de la chance de m'en sortir. Pas sauf, mais tout de même.

-Même réponse. Ca dépend... Il y a des jours plus douloureux. Mais on tient. On est vivant après tout, non ?

Je me force, j'y mets tout ce que je peux, absolument toute mon énergie, mais je souris. Je relève la tête et je lui souris.

Est ce que je crois en mes propres mots ? Non. Jamais de positif quand c'est pour moi. C'est une pensé très égocentrique, mais j'ai un petit peu perdu espoir quand ça me concerne. Oui, je suis en vie. Normalement.

Salem me gronderait pour cette pensée. Mais ce qu'il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal.

Je délaisse mon jus de fruit chaud dont le verre est devenu humide à cause de mon angoisse pour attraper une viennoiserie. Impossible que je là mange, mon estomac ne la supporterai pas. Mais je la dépiaute consciencieusement. Je n'ai pas la force d'être écologiste à l'instant T et je sais que c'est du gaspillage et je m'en veux. Mais je ne peux pas m'en empêcher.

Je me dis que le fait qu'il me réponde est une bonne chose, qu'on va peut-être réussir à avoir une conversation, celle qui me permettra d'avancer, de pardonner, de faire mieux.

Mais non.

J'ai l'impression de recevoir un coup dans le ventre avec ses questions. Un piège ? Non... Non. Je relève les yeux vers lui et les accusations continuent. De l »argent, des papiers ?

Définitivement, cette rencontre ne se passe pas comme je l'avais imaginé, bien que je ne l'ai finalement pas imaginé.

Je me sens sale qu'il me demande ca, je me sens sale qu'il pense que je puisse être là pour quelque chose de matériel. Le poing que je peux bouger se ferme et les larmes amères se transforment en larmes de rage.

Je me relève, abandonne ma viennoiserie pour lui faire face. Je me sens bouillir de honte et de désespoir.

-Ce n'est pas comme ça que je me souviens de vous. Je ne pensais pas que vous penseriez que je suis là pour quelque chose d'aussi trivial.

Je sens mes sourcils se froncer, ma bouche se tordre.

-Vous savez ce que je veux ? Je veux tourner la page. Je veux passer à autre chose. J'ai osé vous redemander de l'aide.

J'insiste sur l'idée de renouveler une requête à son encontre. Je suis injuste.

-Je me suis …

Les larmes me bloquent la voix, m'étouffent. Je ne finirai pas cette phrase. Mes joues sont trempées. Je suis ridicule.

A nouveau, j'ai craqué.
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Le mal par le mal
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Ses accusations à peine voilées semblèrent provoquer une vague de colère en Matthiew, réaction prévisible qui réussit pourtant à surprendre Adrian. Il resta figé sur sa chaise, un peu assommé, alors qu’en face de lui, le jeune homme se releva brutalement, l’air trahi. Autour d’eux, les conversations s’essoufflèrent, les regards s’attardèrent, et Adrian prit soudain conscience qu’ils se trouvaient dans un lieu public, aussi exposés que deux gladiateurs au milieu d’une arène. Ce n’était pas l’endroit pour se remémorer un passé douloureux. Trop de monde, trop de rancœurs, trop de non-dits. Il pouvait entendre la rumeur enfler en marge de leur conversation, alimentée par les larmes de Matthiew. Chacun de ses mots frappait juste, avec la précision d’une flèche empoisonnée, et il pouvait sentir leur mal se répandre en lui, faisant ressurgir tous les regrets et toute la culpabilité qu’il avait cru avoir enfoui au plus profond de sa mémoire.

D’accord, finit-il par dire d’un ton mécanique, s’efforçant de masquer son trouble, avant de se lever à son tour. D’accord, très bien.” Il glissa les mains dans ses poches et en ressortit une poignée de pièces qu’il jeta négligemment sur la table. C’était plus qu’assez pour couvrir l’addition. “Je suis désolé. Viens.” Il esquissa un geste vers le bras de Matthiew mais se retint juste à temps, craignant que le contact ne l’effraie. “Allons parler dehors. Nous serons plus tranquilles.

Lorsqu’il sortit du café, l’air frais sur son visage lui fit l’effet d’une claque. Il se retourna vers l’autre homme et fut presque choqué de le découvrir à ses côtés, malgré la tension qui irradiait de son corps tout entier. Il l’entraîna jusque dans une ruelle moins fréquentée, à l’abri des regards, et c’est seulement là qu’il prit le temps de répondre, ses pensées comme un maelström qui menaçait de l’engloutir : “Matthiew, je… Je ne sais pas comment tu me vois, mais ce n’est pas… Juste parce que je te parlais, juste parce que je t’écoutais, ça ne signifie pas que je suis quelqu’un de bien. Tu étais quand même…” Une brève hésitation. “Un prisonnier. Et je n’ai rien fait. Je suis désolé, j’ignore ce que tu attends de moi. J’ignore comment t’aider. Tu devrais…” Non, il avait perdu le droit de lui dire ce qu’il devait faire. “Tu es libre. Tu es vivant. Tu n’as pas besoin de moi pour… Pour avancer. Pour tourner la page.” Et il sourit, un peu émerveillé, un peu ému, réalisant tout à coup que oui, Matthiew n’était pas mort, Matthiew était là, devant lui, et tant pis s’il le détestait, tant pis s’il l’insultait, au moins cela prouvait qu’il y avait encore de la vie en lui. Encore de l’espoir.
Adrian avait envie de pleurer.
Tu n’as besoin de personne, tu es suffisamment fort par toi-même, visiblement.

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Je n'ai aucunement conscience de ce qu'il se passe autour de nous, des regards sur nous. Je n'ai d'yeux que pour Adrian en face de moi. Adrian qui vient de se prendre mes demandes dans le visage, Adrian qui n'a pourtant pas bougé, pas réagit. Il ne s'est même pas énervé non plus. Je ne comprend pas. C'est avec cette attitude là qu'il pouvait supporter de voir ses patients ? Je ne comprend pas. Comment est ce qu'il peut rester aussi stoïque ? Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. Mes joues sont trempés de larmes et lui reste face à moi, assis.

Un mot finalement. Il a un mot et j'ai l'impression qu'il m’assomme avec.

« D'accord ».

J'ai un pas en arrière, je me sens vaciller.

« Très bien »

Non. Il n'y a pas de « très bien » qui tienne. Mes doigts se resserrent sur le dossier de la chaise pour me maintenant dans la réalité. Mes phalanges blanchissent.

Il sort une poignée de monnaie qu'il laisse sur la table.

« Je suis désolé »

Est ce qu'il va juste partir comme ça ? Est ce qu'il va juste à nouveau disparaître en me laissant comme ça ? Avec mes angoisses, avec mes promesses personnelles ? Je ne sais pas comment je pourrais le vivre ça. C'est un nouvel affront.

Mais non.

« Viens »

Je ne comprend pas, je ne comprend rien et je n'ai pas un mouvement quand il approche sa main de mon bras, je suis dans un état un peu second. Je le suis sans un mot jusqu'à cette ruelle. L'air frais ne me fait rien, j'ai chaud, je bouillonne.

Quand enfin il me fait face, j'ai l'impression avoir tout perdu. La colère est retombée, une lassitude la remplace.

Mais quand il parle, quand ses mots m'atteignent, je retourne en arrière. C'est une claque. Un prisonnier. Juste ça, un cobaye. Je le sais pourtant mais l'entendre est toujours plus compliqué, surtout venant de lui. De celui qui m'avait offert un rayon de soleil. Je n'aurai jamais du me faire de film. Jamais. Mais je n'avais que ça, des films. Je me suis accroché et aujourd'hui encore, j'ai besoin de lui.

-Si, j'ai besoin de vous.

Je crois qu'on ne pourra plus m'arrêter.

-J'ai encore besoin de vous parce que non, je ne suis pas libre. Je ne pourrais pas avancer seul. Ce n'est pas possible, pas actuellement.

Il y a trop de cauchemars, trop d'angoisse.

-J'ai besoin de vous pardonner et je ne sais pas comment m'y prendre. Je ne sais pas comment faire pour arrêter de vous en vouloir.

Oui, voila, je lui en veux de m'avoir laisser dans la souffrance.

-Oui je suis vivant et ce n'est pas grâce à vous. Mais je ne suis pas fort. Je suis perdu dans mes angoisses, je m'épuise dans mes cauchemars et à chaque fois, il y a votre intervention. A chaque fois je vous demande de l'aide et à chaque fois vous disparaissez.

Je serre le poing et fronce les sourcils. Je sais que je suis injuste, qu'il aurait préféré ne plus jamais me voir.

-J'ai besoin de vous pardonnez et là, à l'instant T, c'est impossible. Alors une nouvelle fois... Je vous en prie...

Je prend une lourde inspiration et plante mon regard dans le sien.

-Aidez-moi, Adrian.
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