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Insomnia. (Darius)

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insomnie : tapage nocturne des pensées. ---   @Darius Sinclair   



D'échanges en échanges, les hypothèses s'étaient tissées en fil d'or dans la promesse de retrouver les disparus. Pour autant, Samara ne parvenait pas à s'en contenter, car la cartésienne en elle percevait les failles de l'hypothétique. Rien ne se fixait, rien ne se confirmait ; Et rien que pour cela, Ascii avait grand mal à saisir l'étincelle d'espoir et d'enthousiasme qui crépitait entre Darius et elle.

Au lieu de cela, elle laissait à son ainé toute la primauté de l'effervescence de la découverte et songeait déjà à se replonger dans ses recherches. Parce qu'elle avait besoin de quelque chose de tangible, d'un fil d'ariane qui la sortirait de la tourmente labyrinthique qu'elle ressentait.

Ainsi acquiesça-t-elle simplement, armée d'un faible sourire que le crépuscule de sa colère octroya à son tempérament redevenu serein. La mer de ses intentions s'était définitivement défaite de toute tempête et à présent, elle songeait à l'après.

[ / ]

Après la visite de Darius, Samara n'avait pas attendue pour se replonger dans les recherches des disparus. Et ce fut ainsi que les heures s'écoulèrent, puis les jours dans une perte progressive des repères temporels. Car dans le noir illuminé de néons de son bureau, Samara avait oublié la vie qui se déroulait hors des quatre murs de son antre.

En une poignée de jours, elle s'était octroyée quelques instants pour se doucher ainsi que se nourrir. Du moins, dans les premiers temps, car bientôt, le simple fait de se nourrir lui était presque devenu trivial et elle avait finalement décidé de le faire tout en travaillant sur ses recherches. A fréquence régulière, elle n'avait pas dérogé à sa responsabilité en envoyant le rapport de ses trouvailles à Darius.

Sans rien ajouter de plus.
Sans chercher à le croiser au détour d'un couloir.

A vrai dire, cela faisait déjà plus de trois jours qu'elle n'avait pas quitté son antre. Les écrans étaient devenus sa nouvelle fenêtre sur le monde, leur grésillement lumineux était un réconfort silencieux.

Ainsi se retrouvait-elle en fin de journée, assise à son bureau, les bras croisés sur un bout de bureau et la tête calée contre. Un sommeil fugace l'avait pris à revers alors qu'un immense plaid recouvrait ses épaules et que ses traits tirés par l'épuisement se dissimulaient sous sa chevelure désordonnée. Pendant ce temps-là, sur les écrans de l’hackeuse tournait différentes recherches, comme si le repos ne pouvait être une perte de temps.

Lorsque finalement Darius frappa à la porte du bureau d’Ascii, l'épuisement musela le bruit qui aurait dû parvenir à ses oreilles. Et donc, elle ne put se réveiller tandis que l'inconscient l'avait accueilli à bras ouvert afin de lui imposer un autre cauchemar qui aurait vite fait de la remettre au travail.

Les nouvelles tocades à la porte la firent finalement sursauter dans un cri rapide. Réveillée en sursaut dans la panique d'images résiduelles, Samara redressait le buste pour se placer droite sur son siège et passa un regard paniqué sur les alentours avant d'apercevoir la silhouette du Doyen dans la pénombre colorée du bureau. Un sursaut fut la réponse immédiate à sa présence suivit d'un souffle précipité. Puis, elle retrouva pieds et passa une main hésitante dans ses cheveux afin de les ordonner. Enfin.. Essayer.

« Il y a du nouveau ? Tu les as trouvés ? » Demanda-t-elle d'une voix brisée par la fatigue et un soupçon d'espoir dilué dans la panique.




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Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis l’échange entre Sam et Darius qui avait poussé ce dernier à s’inscrire aux groupes de recherche menés par la ville et à partager l’information aux personnes de confiance. Parce qu’une piste était mieux que rien du tout, le doyen de l’Institut s’était accroché à l’espoir tracé en rouge sur la carte de New York suite à la découverte des vidéos de surveillance. Cela indiquait seulement le trajet emprunté par les mutants enlevés jusqu’à ce que les caméras ne puissent plus les traquer ; ce n’était pas grand-chose et quelques visites sur ces lieux n’avaient pas encore abouti à quoi que ce soit de nouveau. Pourtant, malgré la situation de plus en plus décourageante, Darius était un optimiste dans l’âme ; il refusait de laisser aller le sentiment qu’ils allaient être retrouvés. Qu’il n’était pas trop tard et que le désespoir était un piège à éviter.

Samara était visiblement sur la même longueur d’onde. Le vampire ne l’avait pas revue depuis sa dernière visite, mais entre les fréquents rapports envoyés par e-mail et le cliquetis des touches de clavier qu’il pouvait entendre chaque fois qu’il passait devant la porte, il ne pouvait s’imaginer la hackeuse en train de faire quoi que ce soit d’autre que de continuer ses recherches. Si bien qu’après plus de trois jours sans l’avoir aperçue ni dans les aires communes ni par une porte laissée entrouverte, Darius commença à se poser des questions quant à l’isolement de la surveillante en chef. Cela lui semblait étrange même pour l’ermite qu’elle était : dans ce laps de temps il l’aurait normalement croisée deux ou trois fois au minimum.  

Après une journée à s’occuper de responsabilités négligées qui avaient fini par le rattraper, le doyen Sinclair se décida enfin à rendre visite à la Protectrice informatique. S’assurer que les Protecteurs étaient en santé et aptes à fonctionner faisait également partie de son rôle après tout. Il toqua une première fois à la porte du bureau dont le panneau indiquait Ne pas déranger, mais aucune voix ne l’accueillit. Sous la porte, on pouvait remarquer la fluctuation des néons colorés, bien que l’ouïe du vampire ne détectait cette fois aucun bruit de clavier ni clic de souris. “Sam ?” dit-il à partir du couloir. Sans attendre plus longtemps, il se permit d’entrer dans l’antre de la geek pour retrouver celle-ci endormie devant son ordinateur toujours allumé. Il cogna à nouveau sur la porte qu’il tenait mi-close derrière lui. Cette fois, le bruit se rendit aux oreilles de la Protectrice qui sursauta sur sa chaise en se réveillant dans un état semi paniqué.  

Lorsqu’elle retrouva enfin ses esprits, son regard croisa celui de son visiteur et la première chose qu’elle articula fut au sujet des disparus. Darius secoua brièvement la tête sans toutefois articuler les mots que personne ne voulait entendre. “Et moi qui croyais être le vampire de l’Institut,” fit-il plutôt remarquer en observant la pénombre de la pièce, seulement illuminée par quelques faibles néons ainsi que la lumière bleue des moniteurs. “Je viens seulement voir comment tu vas, avant qu’on ne te perde toi aussi,” ajouta-t-il plus sérieusement. De toute évidence, elle devait manquer de sommeil pour s’être endormie si tôt et dans cette position, en plus d’avoir probablement sauté la plupart des vrais repas. “Quand est-ce que tu es sortie prendre l’air pour la dernière fois ? Ou sortie de cette pièce tout court ?

Quelle que soit la réaction de Sam face au manque de progrès, Darius tenait à mettre au clair qu’elle devait aussi prendre soin d’elle-même.

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insomnie : tapage nocturne des pensées. ---   @Darius Sinclair   



L'esprit hagard, silencieusement égaré sur les landes de la fatigue, Samara prenait quelques secondes afin de se retrouver. De se recentrer. La colonne piquée dans le vif d'un réveil tout en surprise, elle glissait une main hésitante dans ses cheveux tandis que l'espoir se frayait un chemin sournois vers ses pensées encotonnées. Il n'en fallut guère davantage pour que le réveil se fasse plus vif tandis que l'ensemble des craintes lapidaires qui l'avaient enchainées depuis quelques jours déjà la rappelait à leur bon souvenir.

La négation muette de Darius soutira à l'Hackeuse un soupir de dépit alors qu'elle décrochait déjà son attention de son visiteur afin d'observer les diverses barres de chargement dans leur évolution. A vu d'œil, elle savait que son sommeille avait été de courte durée. Ou alors.. Ou alors que ses processeurs souffraient d'autant de fatigue qu'elle. Ce qui n'était pas impossible.

L'humour en demi-teinte du Vampire ne sembla même pas atteindre sa cible tant Sam sembla absente pendant quelques secondes avant de se décider à reposer ses iris brunes sur celles de Darius. A son tour, elle laissait son visage signer à la négative dans l'expectative de se montrer rassurante. D’ailleurs, un sourire élimé ternissait même ses lèvres tandis qu'elle pivotait sur sa chaise pour faire face à son interlocuteur.

« Je vais bien, il n'y a pas matière à t'inquiéter pour moi. » Lui répondit-elle d'une voix sensiblement trainante tandis que son regard analysait dans la longueur les traits du Doyen. « C'est gentil de te soucier de moi mais.. » Mais quoi ? Elle n'avait pas envie de confesser son inquiétude, parce qu'elle savait son vis-à-vis tout autant rongé qu’elle par les disparitions de mutants. Ainsi refusait-elle de partager son fardeau, afin de ne pas ajouter à la peine de son ainé. « Non rien. »

Résignation et retour au silence, Samara ne put s'empêcher de reporter son regard sur les écrans malgré un léger plissement de paupières trahissant son harassement oculaire. « ..Ça dépend, on est quel jour.. ? » Lâchait-elle distraitement avant de finalement revenir tout à coup à Darius et de prendre la mesure de ses interrogations.

« Tu sais bien que je n'aime pas vraiment sortir. » Samara cherchait à minimiser son état, à rassurer par une vérité qui s'était montrée inaliénable pendant trop longtemps. Le tout s'accompagnait également d'un brin de sourire timide alors qu'elle se mouvait de manière à venir plier une jambe et caler sa cheville sous ses fesses. « Et puis, je suis la mieux placée pour faire les recherches que je fais, alors.. » Un haussement d'épaules concluait son propos.

Comme s'ils n'avaient pas le choix.
Comme s'il n'y avait aucune autre alternative.
Comme si son enfermement se justifiait de manière incontestable.

Mais finalement, n'était-ce pas plutôt la culpabilité qui parlait ? Sa sournoise association avec l'inquiétude formait un mélange détonnant au creux des synapses d'Ascii qui ne parvenait plus à jouer la mesure.





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Un léger soupir s’échappa des lèvres du doyen face à l'évidence du mensonge qui traversait celles de la jeune femme. “Bien sûr,” se contenta-t-il de rétorquer en croisant les bras devant lui. Il n'était pas vraiment surpris cependant ; iI se doutait que Samara ne le laisserait pas accéder à ce qui se trouvait derrière la carapace émotionnelle dont elle se vêtait. Et pourquoi le ferait-elle ? Cela faisait longtemps qu’il n’était pas venu la visiter non pas pour un service, mais bien pour elle. Les tâches dont il s'était occupées dans la journée étaient loin d’être la totale des responsabilités mises de côté pour des priorités toujours plus favorisées.

Alors qu’elle le remerciait de son inquiétude, ce fut comme si une fissure s’entrouvrit sur son état d’esprit, laissant paraître des bribes d’émotions conflictuelles avant de se refermer un instant plus tard. Mais quoi ? aurait voulu demander Darius pour lui faire élaborer le fond de sa pensée, mais déjà elle entamait sa stratégie d’esquive, fuyant le regard de son aîné  pour se réfugier vers l’ordinateur qui lui brûlait les yeux. “On est samedi soir,” répondit alors le vampire pour lui épargner l’effort de chercher les petites lettres scintillantes au coin de l’écran. “D’habitude, c'est le moment de la semaine où les gens en profitent pour sortir un peu ou se reposer,” ajouta-t-il comme pour lui apprendre un nouveau concept.

Il connaissait très bien les habitudes d’ermite de la hackeuse, et commençait à se rendre compte de sa tendance à minimiser les problèmes qui faisait en sorte qu’il la surchargeait lorsqu'il prenait ses mots rassurants à la lettre. Elle avait beau être résiliente, s’il respectait les excuses à deux balles qu’elle lui fournissait pour rester enfermée à continuer les recherches, Darius était persuadé qu’elle finirait par craquer d'une façon ou d’une autre. C'était ce qu’il désirait éviter sur le long terme : leur dernière interaction lui avait déjà donné un avant-goût du cauchemar dans lequel l’institut se trouverait s’il ne pouvait plus compter sur la hackeuse, et il ne tenait pas à concrétiser le scénario.

Ce n’est pas une question d'aimer sortir ou non, Sam, c’est une question de santé. Comment veux-tu aider aux recherches si tu tombes malade ?” Et voilà qu’il sonnait comme un père envers sa fille, à la fois compréhensif et intransigeant ; un rôle que le vieux mutant de l’Institut finissait parfois par occuper sans le faire exprès. “Crois-moi, je sais ce que c'est de se sentir responsable…” Samara était loin d'être la seule à faire de l’insomnie à ce sujet après tout : Darius était tout autant coupable d’un entêtement difficile à arrêter. La différence étant qu’il possédait l’injuste avantage d’un corps plus résistant à l’épuisement — pour le meilleur et pour le pire. Et même avec cela, le doyen se permettait des moments de répit. Ils étaient rares, mais toujours existants. “En tant que Protectrice, tu as une responsabilité additionnelle envers les autres… Mais tu as aussi une grande responsabilité envers toi-même,” lui rappela-t-il enfin. Hors de question de laisser Sam se noyer dans la mer de déni qu’était devenu son refuge.

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Mais quoi ? Mais Darius n'avait jamais cherché à s'intéresser à sa santé avant la disparition des mutants. Jusqu'à là, Samara avait évolué avec une liberté d'action grandiose, aussi salvatrice que terrible en fonction de l'orientation de ses états d'âme. Et à présent, elle se retrouvait face à une figure paternelle improvisée la rappelant au bon souvenir de géniteurs qu'elle n'avait pas. Qu'elle n'avait plus. Et qui n'avait jamais eu le temps de lui inculquer les limites de l'acceptable. Les vraies limites de l'acceptable, pas celle de l'horreur et de la douleur.

Alors, comme dans un mécanisme de défense interne, Sam ne pouvait que se renfermer et jouer la carte du mensonge. Non pas parce qu'elle appréciait de mentir à son ainé, loin de là, mais plutôt parce qu'elle avait la sensation étrange qu'une nouvelle dynamique tentait de s'instaurer entre eux. Mais était-elle prête pour une telle proximité ? Nouant une forme d'affection à une considération qu'elle s'était habituée à esquiver par sa discrétion naturelle ? Elle n’en savait rien.

« Profiter.. Je ne peux pas. » Statuait-elle dans un murmure coupable. Samara refusait d'aller prendre l'air et d'explorer un dehors que Brianna lui avait si souvent vendu avec allégresse. Des deux, c'était son amie la plus capable de profiter du monde. Elle, elle n'était rien d'autre qu'une machine humaine communiquant avec brio aux machines d'aujourd'hui et demain.

Son regard remontait discrètement jusqu'à s'amarrer aux traits de Darius qu'elle scrutait malgré la pénombre. Les néons avaient le don de ne pas vous révéler sous votre meilleur jour, mettant ainsi en exergue les creux de la fatigue et les rides de l’inquiétude. « Je ne suis sûrement pas la seule qui a supposément besoin de repos, non ? » Tentait-elle d'un timbre bas mais avec une certaine forme d'audace qui cherchait à renverser la vapeur de leur conversation.

Et si on parlait de sa fatigue, à lui ?
Plutôt que de songer à son épuisement, à elle ?


Revenant machinalement aux écrans, elle se dépliait pour pianoter sur quelques touches et ensuite revenir à sa place. L'attention finalement défaite des écrans ne reportait pourtant pas sur Darius. « Je suis résistante. » Tranchait-elle avec une pointe d'amertume avant de se rendre à peine audible. « Ma mère m'a toujours dit que j'étais plus résistante que j'en avais l'air.. » L'aveu en demi-teinte se voulait symptomatique de cette fatigue qu'elle refusait de reconnaitre. Pourtant, à l'orée de son déni, Samara ne parvenait pas à endiguer le flot de ces évidences qu'elle parvenait sans mal à canaliser en temps normal. L'esprit contradictoire jouait ainsi la mesure d'une échappée vers les landes de ses fêlures passées, comme pour lui rappeler que sa résilience n'était pas tout.

Triturant un moment son haut sur lequel elle tirait machinalement, elle finissait par le relâcher avec un soupçon de soupir silencieux en reportant son regard sur celui du vampire. « Je me doute que tu t'inquiètes autant que moi, si ce n'est plus.. Mais quelle protectrice je ferais si je ne donnais pas tout pour retrouver les disparus ? Je survivrais à un peu de surmenage alors qu'eux.. » Elle n’en était pas certaine. Pourtant, cette pointe de pragmatisme refusait de passer ses lèvres. Parce qu'encore une fois, le déni était le meilleur rempart de Samara contre le désarroi.

Face à l'insistance de Darius, pourtant, elle finissait par reposer les pieds à terre afin de se relever en passant ses mains à son visage. L'instant suivant, elle lui faisait face pour l'observer. « Ecoute.. » Les mots restaient en suspens alors que machinalement, elle reculait d'un pas pour en faire ensuite quelques autres dans le bureau. Communiquer était toujours une sinécure pour l'hackeuse. Ce fut d'ailleurs par un processus de déviation qu'elle reprit la parole : Face à une de ses étagères, elle ordonnait ses figurines avec minutie en reprenant la parole. « Je suis désolée pour la dernière fois, je suis allée trop loin. J'étais.. En colère et inquiète. » Pour autant, s'excusait-elle véritablement pour son propos ? Non, parce qu'elle savait qu'un fond de vérité siégeait dans ses mots prononcés. Pour autant, une part d'elle cherchait à rétropédaler, à retourner à leur relation teintée d'une indifférence qu'elle considérait comme unilatérale.

« C'est bizarre de te voir aussi concerné par mon état. » Soufflait-elle en continuant de replacer ses objets favoris. Nul reproche ne se faisait perceptible dans son timbre, juste une incrédulité née d'une certitude bien étrange. Celle de ne pas mériter autant d'attention.


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La tentative de déviation arracha à Darius un raclement de gorge et un haussement de sourcil, accompagnés d’un regard qui semblait vouloir dire N’essaie pas de jouer cette carte avec moi. Ce n’était pas qu’elle eusse complètement tort : on pouvait bien voir les traits d’épuisement creuser le visage du doyen et les tics d’agitation qu'il s’efforçait de dissimuler. Ils n'étaient pas si différents l’un de l’autre, à vrai dire ; tous deux rongés par l’inquiétude et incapables de déculpabiliser avant de s’être assuré que tout allait aller. Machine défectueuses, programmées pour surchauffer sans jamais s’arrêter. Et pourtant ce retournement de question, prévisible fut-il, l’agaça trop pour qu’il prenne la peine d’y répondre. Parce qu’elle le défiait encore, d’une façon qui lui était propre et dont il était encore loin de s’habituer. Parce qu’elle osait lui remettre la vérité en pleine face, une réalité trop ancrée dans leur quotidien des derniers jours pour qu’il puisse rétorquer sur un ton léger. Non, c’était beaucoup plus facile de se concentrer sur les problèmes qui se trouvaient devant ses yeux — sa propre forme de déni.

... Et tu l’es,” fit-il remarquer lorsqu’elle se mit à paraphraser les paroles de sa mère. C’était la première fois depuis l’entretien initial que Darius entendait Sam mentionner celle qui avait été responsable de son arrivée à l’Institut. Elle s’accrochait aux branches du mieux qu’elle le pouvait pour justifier son comportement. Mais Darius savait qu’elle était résistante, il n’en doutait pas une seconde. Si ce n’était pas le cas, elle n’aurait pas tenu ce rôle de protectrice et de surveillante en chef du réseau informatique durant tout ce temps, enlèvements ou non.

Il poussa un soupir avant de prendre place sur la chaise prévue pour les visiteurs, venant appuyer un bras sur le bureau en approchant son visage de celui de la protectrice tandis que cette dernière continuait de vouloir prouver son point. Lorsqu’elle laissa sa phrase en suspens, refusant de penser à l’éventualité la plus dévastatrice, le vampire choisit de changer le sujet. “Connais-tu la loi des rendements décroissants ?” demanda-t-il. The law of diminishing returns, en anglais — un concept économique avec lequel le PDG de James Couture était bien familier, mais qui était aussi applicable dans de nombreuses autres situations. Il se permit de prendre un crayon et un bout de papier qui traînaient à proximité pour y dessiner un graphique simplifié.  “Ce n’est pas parce que tu y mets le double ni le triple d’efforts que tu auras de meilleurs résultats. Et à un certain point, ça ne sert plus à rien… Tu risques même de nuire à tes recherches.” Plus elle fatiguait, plus elle risquait des mauvaises interprétations, la forçant à réanalyser les mêmes données plus de fois qu’il ne le fallait, voire complètement passer à côté d’informations cruciales. “Si tu veux revenir à la zone optimale, il faut te reposer. Et non, s’endormir sur le bureau ne compte pas,” jugea-t-il bon de préciser, parce qu’il savait qu’elle allait tenter de lui sortir cet argument.

Enfin, le sens de ses mots sembla faire son chemin dans la tête de la hackeuse, car en se levant pour se rapprocher de son étagère, elle cessa de contrer le raisonnement de Darius par un autre. Ou peut-être avait-elle simplement choisi d’abandonner cette lutte, voyant que son aîné ne lâcherait pas non plus le morceau — un autre trait qu’ils avaient visiblement en commun. Préférant tourner le dos au doyen pour s’exprimer plus honnêtement, Samara lui présenta des excuses quant à leur dernière interaction et lui pointa du même coup la nature inhabituelle de leur échange actuel. Bien que dénué de reproche, ce commentaire fut reçu comme un petit pincement au cœur pour la figure bienveillante que Darius s’était promis de représenter envers ses protégés. Quelque part le long du chemin, il s’était égaré, confondant la détermination saine avec l’acharnement sans considération pour autrui.

Une sage personne m’a rappelé que la confiance va dans les deux sens,” finit-il par dire avec un petit sourire qu’elle ne pouvait remarquer dans sa position. “Et je veux que tu puisses me faire confiance, Sam, autant que j’ai confiance en ta volonté de retrouver les disparus.” Elle s’excusait d’être allée trop loin alors qu’en réalité c’était Darius qui avait dépassé les limites de l’acceptable. Le ton qu’il prenait désormais et l’expression de son désir de changement était sa façon de lui présenter ses propres excuses alors que son orgueil l’empêchait toujours d’articuler les mots. “Mais si tu n’en es pas capable, je vais devoir te donner l’ordre de prendre congé…” C’était dit sous forme de plaisanterie, mais ils savaient tous les deux qu’il n’hésiterait pas, en vrai.

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Retourner les situations avec douceur pour ne jamais attirer les projecteurs sur elle ; Samara avait trouvé sa spécialité au fil du temps et des tentatives d'évitement. Maitresse dans l'art de l'esquive, elle se sentait plus facilement concerné par les vagues à l'âme des autres plutôt que les siens. Portes fermées sur un innerworld qu'elle avait renoncé à livrer depuis longtemps, Samara s'était forgée en gardant ses peines et ses doutes sous clés.

Parce que chacun possédait son fardeau.
Parce que personne n'avait besoin de s'encombrer du sien.

Ainsi lorsqu'elle constata à regret que Darius refusait sa déviation par un silence et un regard bien assez évocateur de sa contrariété nouvelle, elle ne fit que pincer les lèvres et clore silencieusement le chapitre. Dans le fond, elle savait qu'elle avait raison ; Tout comme elle savait qu'il savait qu'elle avait raison.
Mais lui aussi avait le droit à sa part belle de déni afin de survivre au fléau de culpabilité qui les avait fauchés au détour des disparitions.

Lorsque finalement le Doyen s'installa sur la chaise laissée de côté, l'hackeuse songea un instant à l'estampiller d'une étiquette au nom du Vampire. Après tout, il était celui qui y passait le plus de temps récemment. C'était.. Toujours aussi étonnant. L'esprit papillonnant revenait finalement s'accrocher aux mots de son visiteur et Samara le regardait griffonner sur la feuille laissée à l'abandon. Allégorie d'une page blanche née du désarroi de ne pas avancer ; Cette feuille, elle avait voulu la jeter avant même d'y coucher un semblant d'idée. Et voilà que finalement Darius y alignait une théorie rationnelle qui avait le don de faire grincer la susceptibilité affutée de fatigue d’Ascii. Tout ça, elle le savait. Tout ça, elle en avait conscience.

Samara savait que son rendement s'élimait à mesure que son corps s'épuisait. Elle savait qu'elle était déjà proche de l'inefficacité calamiteuse.. Pourtant, elle espérait toujours un éclair de génie, une idée lumineuse. Un quelque chose qui pourrait l'éclairer sur la route fraichement tracée d'obscurité qu'elle empruntait pour retrouver les disparus.

« Je connais et .. Oui, je sais. » Soufflait-elle à regret, habitée par une mauvaise foi nouvelle. Elle n'avait pas envie de donner raison à son ainé, tout comme elle n'avait pas envie de quitter cette pièce. « Et si pendant que je dors, quelque chose se passe ? » Demandait-elle en rivant son regard lessivé sur celui de Darius. Paradoxalement, ce n’était pas sa mauvaise foi qui alimentait son questionnement en prenant une forme de défiance ; Non, c’était plutôt l'inquiétude qui piquait le timbre de Sam.

Et bientôt l'inquiétude se transforma en boule douloureuse au sein de sa gorge tandis qu'elle se relevait pour se réfugier dans son coin favori. L'attitude de Darius mêlée à l'ouragan qui soufflait sur ses émotions empêcha Samara de conserver un statut quo de douce impassibilité. La façade s'effritait peu à peu, révélant les fêlures creusées par les évènements.

Rangeant les figurines avec minutie, elle tenta encore une fois la déviation. Non plus vraiment pour Darius, mais bien plus pour elle. Parce qu'à les faire changer de sujet, Samara pouvait éluder ses pires pensées.

Néanmoins, les paroles de Darius la figèrent dans la mécanique de son rangement. Regard cristallisé sur le vide à l'image des songes parasites qui l’obnubilaient ; Ascii laissait sa main retomber dans le vide tandis que son menton s'affaissait. Le rideau de cheveux brun voguait jusqu'à poser un voile sur son profil et elle tentait de contenir une fois de plus la vague acérée de ses émotions.

« Et si.. » Ces deux mots s'arrachèrent à sa gorge avec un tremblement involontaire qu’elle conclue par un grincement de dents afin de contrôler, davantage encore –  une fois de plus, rien qu'une fois de plus – les larmes qu'elle refusait de laisser couler. Une inspiration saccadée plus tard, elle tentait encore. De s'exprimer. « Et si je n'y arrive pas ? »

La peur de l'échec avait toujours alimenté les mantras d'Ascii, allant jusqu'à la pousser dans ses plus grands retranchements. Pour autant, c'était bien la première fois qu'elle se retrouvait à l'orée de sa propre incapacité. Falaise menaçante qui appelait à la chute, l'échec lui semblait être une alternative fatale aux lendemains qui s'annonçaient. Non pas pour elle, mais plus pour des proches, pour une amie qu'elle n'était pas prête à voir la quitter.
Et ce qui fut finalement le trait d'humour de Darius qui se transforma en déclencheur désespéré alors qu'elle cacha son visage dans ses mains tandis que quelques larmes échappées coulaient.

Non.
Non, elle refusait.

Alors, elle prit une profonde inspiration tout à coup pour ne pas simplement se briser tandis qu'elle estimait avoir assez plié. Ses mains chassaient ses quelques larmes alors qu'elle gardait son regard sur le vide. « De toute manière, si j'échoue.. Ca voudra dire que j’ai faillis à mon rôle alors.. » Alors, elle n'aurait rien à faire ici. Elle ne mériterait pas son rôle de protectrice. Elle ne mériterait pas le confort que Darius lui avait accordé, au même titre que sa confiance.
Incompréhension dans l'humour dispersé pour alléger l'ambiance, Samara ne comprenait finalement que ce que son esprit éprouvé voulait bien saisir. Et alors que la prise de congé aurait pu être vue comme des vacances forcées ; Elle, elle ne voyait qu'une demande de quitter l'Institut.


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Et si pendant que je dors, quelque chose se passe ? Voilà la question à un million de dollars, celle qui les tenait éveillés plus longtemps que leur corps ne pouvait le tolérer ; parce que l’idée de se lever un matin et réaliser qu’ils avaient manqué leur chance de faire une différence était beaucoup trop lourde à supporter. Ils se tenaient sur le qui-vive sans oser s’arrêter, mais ironiquement ces “et si” n’étaient qu’une autre sorte de paralysie : s’ils commençaient à laisser les “et si” dicter leur vie, ils finiraient pris dans une boucle infinie. “Et si quelque chose se passe pendant que tu t’évanouis, faute d’avoir ni mangé ni dormi ?” Ils pouvaient se rendre loin dans la chaîne des “et si” sans réellement arriver nulle part.

Pourtant, c’était ce qui semblait tenir la protectrice à flot dans cette mer d’incertitude, alors qu’elle se retirait vers ses figurines de choix pour ne plus faire face à la rationalité de son aîné. Les éventualités du “et si” refirent surface dès que la tentative de dédramatisation de Darius sembla être perçue comme un avertissement. Parfois, même dans des situations normales, l’humour pince-sans-rire du vampire passait complètement sous le radar de ceux qui en étaient témoins… Après avoir vu l'état dans lequel Sam se trouvait cette journée-là, il aurait probablement dû se douter que ses commentaires légers n’auraient pas l’effet escompté. Et juste comme ça, l’illusion de self-control de la hackeuse fut hackée par les quelques larmes qui se mirent à couler.

Malgré les allures sévères qu’il projetait d’ordinaire, Darius n’était pas sans sympathie devant la misère d’autrui — il ne pouvait rester de marbre en observant pleurer celle qu’il cherchait à rassurer. Alors que Sam tentait promptement de refouler ses émotions, il se leva pour la rejoindre dans le coin où elle s’était réfugiée. “C’est correct, tu as le droit de pleurer,” lui souffla-t-il doucement avant de venir la serrer dans ses bras. Pas un regard ne fut croisé ni d’autres paroles échangées ; il espérait seulement lui transmettre un sentiment de confort et de sécurité pour qu’elle puisse enfin se laisser aller.

Il avait beau ne pas être la personne la plus approchable de l’Institut, tout le monde méritait d’avoir une épaule réconfortante sur laquelle s’appuyer en cas de besoin. Soudainement, il réalisa que c’était peut-être tout ce dont la protectrice avait besoin sur le moment : pas de leçons rationnelles ni de blagues déplacées, juste quelqu’un pour la supporter et lui dire que c’était OK.

C’était OK de pleurer, d’avoir peur, d’être angoissée au point de ne plus se contrôler. Elle n’avait plus à maintenir la façade de fortitude alors qu’au fond elle se sentait brisée.

C’était lui qui avait failli à son rôle.

Certes, des mutants qui leur étaient chers avaient disparu, et toutes les justifications paraissaient valables pour se convaincre de laisser tout le reste de côté. Mais il y avait également plusieurs mutants qui étaient encore ici, à l’Institut, prêts à faire ce qu’ils pouvaient pour aider dans les recherches. Darius ne pouvait pas les négliger sous prétexte qu’il n’avait pas le choix ; il pouvait toujours choisir de se montrer plus considéré. Car en tant que figure d’autorité, sans entretenir un climat de compassion et d’entraide entre les murs du manoir, comment pouvait-il espérer des résultats positifs ?

C’était pour cela qu’il devait changer, surtout dans cette situation particulièrement éprouvante. Et cela commençait avec Sam, pour qui son affection s’était jusque là manifestée de façon déformée.

Peu importe ce qui arrivera… Ce ne sera pas de ta faute,” finit-il par articuler en lui redonnant un peu d’espace.

Délicatement, il vint écarter la mèche de cheveux qui cachait le visage d’Ascii pour enfin retrouver ses yeux.

Pardonne-moi d’avoir été si dur avec toi, c’était injuste de ma part.” Après ce roller coaster d’émotions, il était finalement temps de lui présenter les excuses qu’il lui devait depuis déjà trop longtemps. Mais aussi de lui faire comprendre qu'elle était chez elle, ici. “Protectrice ou non, je te considère comme de la famille, Sam. Je ne vais pas te laisser tomber une autre fois.” Et il n’allait surtout pas la renvoyer.

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Roseau pliant pour ne jamais se briser ; Samara sentait un flot d'émotions incontrôlables la submerger. Habituée à endiguer les débordements de son tempérament réputé pour sa timide sérénité, elle ne comprenait pas ce que les évènements avaient provoqués en elle. Déclencheur né d'un attachement à l'autre, finalement, Ascii expérimentait pour la première fois la peur viscérale de perdre quelqu'un, un proche. Car si jusque-là, son flirt avec la mort avait été tout personnel, elle n'en avait néanmoins jamais subi les affres du point de vue de l'amie.

Face à Darius, elle aurait tout donné pour garder la façade et ainsi continuer sur sa lancée sans s'arrêter. Parce que Samara avait la certitude de devoir performer dans un rôle que son refuge lui avait octroyé. Un rôle auquel elle accordait une importance proportionnelle à la confiance que le Doyen pouvait lui octroyer.
Ainsi, de la douce folie à la certitude absolue, il n'y avait qu'un pas lorsque finalement, c'était l'esprit plein de fatigue qui se mettait à jouer de mauvais tours à l'hackeuse.

Et alors même qu'elle s'octroyait cette seconde de relâchement, les mots de Darius provoquèrent en elle un soubresaut. Crainte et honte d'être vue en situation de faiblesse se mêlait à un étonnement fugace alors qu'elle n'osait pas reporter son regard brouillé sur le sien. Non, Samara préférait se cacher. Se cacher, encore et toujours.
Car si elle estimait avoir la fâcheuse tendance à beaucoup trop exposer ses faiblesses, que ce soit de langage ou de sociabilisation, elle s'était néanmoins jurée de ne jamais laisser transparaitre ses tristesses et désarrois afin de ne pas compléter la liste de ses handicaps. Esprit particulier pour attitude déjà particulière, Sam se retrouvait pourtant prise au piège de ses propres habitudes. Car à force de cumules, elle ne pouvait plus. Elle n'y arrivait plus.

Et lorsque les bras de Darius vinrent l'étreindre, elle eut un sursaut avant de laisser la tension de ses épaules se relâcher. Un poids pesa alors sur ces dernières tandis qu'elle dissimulait son visage dans ses mains en restant contre le torse du Doyen.

« Alors pourquoi est-ce que j'ai l'impression que si ? » Soufflait-elle d'une voix tremblante, un hoquet de tristesse prenant le relais jusqu'à rétablir le silence.

Décalant les mains de son visage, elle veilla à essuyer ses larmes avec précipitations tandis que son visage se révéla malgré elle rouge de honte. Le menton bas, elle mit quelques secondes avant de relever son regard brun sur celui de Darius. A ses excuses, elle rougit davantage encore et détourna le regard, particulièrement désarçonnée devant la tournure des évènements.

« Je crois.. Qu'on apprend dans la dureté. » L'hésitation dans le verbe trahissait des paroles étrangères, à l'image d'un reliquat d'hier dont elle ne parvenait pas à se défaire. Après tout, un héritage ne s'effaçait pas aussi facilement, même si on œuvrait avec acharnement pour l'ignorer.

Puis finalement, c'était un moment de silence plein de stupéfaction qui s'instaurait tandis que Samara fixait longuement les traits de son ainé. « Je.. Mais.. » Faire partie de la famille que représentait l'Institut n'était surement pas le plus choquant pour elle. Parce que réciproquement, elle avait fait de ce lieu son havre de paix, son unique refuge. Et quiconque y demeurant gagnait en importance pour elle. Pour autant, ce fut la fin des propos de Darius qui semblèrent la plonger dans une stupéfaction qu'elle ne cacha aucunement. « Laisser tomber ? Je ne comprends pas.. »

Le visage signait à la négative alors qu'elle cherchait dans sa mémoire un instant où il l'aurait bel et bien laissé tomber. Mais à son sens, un tel évènement ne s'était pas produit jusqu'alors. « Tu ne m'as jamais laissé tomber. » Le timbre brisé tentait de trouver un équilibre afin de fournir de l'aplomb au propos d'Ascii. « Grâce à toi, j'ai une maison.. Des amis, une vie. Avant l'Institut, je pouvais me débrouiller, mais j'avais .. J'avais si peur, tu sais. Tellement peur que j'avais échangé un enfermement contre un autre. » Confessait-elle en détournant le regard, tout à la fois pensive et honteuse de ses choix passés. Mais elle n'avait été qu'une gamine. Rien qu'une gamine. « Je sais que.. Oui, tu n'as peut-être pas officiellement fondé cet endroit, mais c'est toi que je vois veiller sur tout le monde. C'est toi qui viens t'inquiéter de savoir comment je vais alors que tu n'es pas obligé. » Montant ses mains à son visage, elle tentait de chasser les ombres de la fatigue ayant élu domicile au creux de ses traits. « Je crois que si tu pouvais avoir des cheveux blancs.. Tu serais celui qui en as le plus.. » Soufflait-elle finalement en guise de conclusion.

Piédestal posé, Darius y avait trouvé sa place. Et pour la première fois, Samara était parvenue à le verbaliser.



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C’était dans de rares moments comme ceux-ci que l’instinct paternel de Darius en profitait pour se frayer un chemin vers la surface, venant adoucir la dureté de ses traits et réchauffer la froideur de ses gestes envers celle qui en avait de besoin. Il ferait probablement un bon père s’il était capable de concevoir ; malheureusement, la nature en avait décidé autrement et il avait fini par accepter cette condition comme un autre fardeau de sa mutation. On aurait pu voir son implication au sein du manoir comme étant une façon de combler ce vide, mais généralement, cela restait assez loin du véritable lien qui unissait un parent et son enfant. Cependant, il y avait quelques fois où les circonstances parvenaient à faire fondre les barrières, révélant en lui un altruisme particulier qui le poussait à faire tout en son pouvoir pour apaiser la peine de l’autre et trouver les bons mots pour le guider.

L’intimité du câlin était chose nouvelle entre Darius et Samara ; c’était à peine s’ils s’étaient déjà serré la main par le passé. Mais à ce moment, il en avait complètement oublié ses propres soucis, ne souhaitant qu’aider la protectrice à passer à travers la vague d’émotions qui la chamboulait. Alors qu’elle appuyait sa tête contre son torse, il la serrait contre lui d’une main et lui caressait les cheveux de l’autre, de la même façon dont il se souvenait avoir réconforté sa jeune sœur il y avait des années de cela. Et lorsque Sam chercha à s’éloigner pour essuyer son visage rougi par les larmes, il lui tendit un mouchoir avant de lui assurer que la faute ne serait pas la sienne, quel que soit le résultat des prochains jours. Malgré tout, elle exprima avoir du mal à y croire, et Darius ne pouvait pas la blâmer. “Je t’assure que ce n’est que ça… une impression.” C’était tout ce qu’il pouvait lui promettre compte tenu de la situation.  

Puis, les excuses suivirent — ses excuses, celles qu’il portait avec lui depuis un moment mais dont il n’avait pas réussi à se décharger avant cet instant. On apprenait peut-être dans la dureté, mais lorsque cette dureté engendrait de la colère, elle devenait plutôt un obstacle. Même si elle sembla lui pardonner, il pouvait sentir qu’elle tentait de faire marche arrière en minimisant les fautes du doyen, alors qu’il n’avait pas oublié la façon dont elle avait mis son pied à terre pour lui demander de la respecter.

Mais ce furent les dernières paroles de Darius qui semblèrent déclencher la plus grande stupéfaction chez la hackeuse. Elle se mit à le dévisager longuement, en silence hormis quelques balbutiements, comme si elle venait d’être témoin d’un phénomène étrange et inexplicable. “Qu’y a-t-il ?” s’empressa-t-il de demander, soudainement inquiet. Était-ce à cause de ce qu’il avait dit, ou venait-il de se transformer en monstre sans le savoir ? Comme il n’y avait pas de miroir à proximité, il fut sur le point de sortir son téléphone lorsque Sam révéla finalement qu’il s’agissait de la première option : elle ne comprenait pas du tout son sentiment de l’avoir laissée tomber.

Il s’apprêta à s’expliquer, mais elle le devança, lui étalant toutes les raisons pour lesquelles elle lui était reconnaissante pour ce qu’il faisait pour elle. Il était loin de l’avoir laissée tomber, selon elle.

Et ce fut à son tour de demeurer bouche bée pendant un moment.

Il était évident que les paroles de Sam venaient du fond du cœur et cela venait le toucher tout aussi profondément. Derrière son masque d’homme confiant et en contrôle de toute situation — et au-delà même de sa mutation — Darius n’était aussi qu’un humain, au final. Les doutes le rongeaient autant que pour n’importe qui et le sentiment d’être inadéquat ne le quittait jamais réellement ; on pourrait même croire que cet excès d’assurance n’était qu’une façon de compenser pour les idées nocives qui s’étaient installées dans un coin profond de son cerveau. Les standards élevés qu’il imposait aux autres n’étaient qu’un reflet des exigences qu’il tenait envers lui-même, et celles-ci ne cessaient de s'accumuler.

Devant la reconnaissance sincère de Samara, il se sentit comme si les rôles étaient soudainement inversés : elle était la sage mentor et lui, un enfant ébahi ayant du mal à assimiler ce qu’on tentait de lui faire comprendre. À croire qu’il ne pensait vraiment pas avoir laissé cette impression chez la protectrice qu’il avait si souvent sollicitée sans avoir remerciée.

La conclusion de Sam le fit sourire et le ramena à la conversation.

Merci… pour ta confiance,” exprima-t-il doucement. Entendre ces mots lui avait fait beaucoup plus de bien qu’il ne le laissait paraître, mais sa réaction précédente était un plutôt bon indice de l’opinion cachée qu’il avait de lui-même.

Maintenant inconfortable dans cette position où il se sentait un peu trop exposé, il se racla la gorge rapidement avant d’ajouter : “Alors… que dis-tu d’une bonne nuit de sommeil, et d’une petite sortie demain ?” C’était la raison pour laquelle il était venu, après tout, et il continuait de tenir son rôle à cœur — étant même davantage motivé suite à ce qu’elle venait de lui révéler.  “Ne me force pas à découvrir que je peux en fait avoir des cheveux blancs…” insista-t-il finalement avec son habituel sourire en coin.

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Partition d'un désarroi tracé par les évènements, Samara ne parvenait plus à endiguer la tristesse accumulée par ses peurs et échecs successifs. Alors, elle craquait. Elle craquait comme chacun pouvait le faire sous la pression, et pourtant un profond sentiment de honte grandissait en elle à l'exponentiel.
Et comme pour cacher ses fêlures, elle effaçait ses larmes d'un geste crispé, le visage bas. Au mouchoir tendu par le Doyen, elle le prenait afin de s'aider dans le processus. Samara aurait tant aimé disparaitre derrière ce bout de tissu qu'elle en oublia de remercier Darius dans le processus.

Ignorant leur proximité, l'Hackeuse en réalisa sa portée en sentant l'odeur naturelle du vampire lui parvenir aux narines. Habitude qui s'était forgée afin de distancier les gens, Samara avait le réflexe de capter les odeurs des autres dans leur approche et ainsi de remettre une certaine distance entre eux et elle. Pour autant, en cet instant, elle ne parvint pas à faire ce pas en arrière. Au lieu de cela, elle resta là, acceptant plutôt cette proximité nouvelle.

Mieux encore, l'état d'urgence des émotions de la mutante sembla déverrouiller le plafond de verre de ses réflexions tandis qu'elle livra pour la première fois le fil de ses ressentis à Darius. Honnêteté et respect révélé sous le jour d'une confiance qu'elle avait toujours conservé soigneusement pour elle, Samara trouvait étrangement naturel de dévoiler ses considérations pour son vis-à-vis.

Lorsqu'il s'en étonna, elle resta un moment silencieuse. Un peu perdue, peut-être aussi incertaine tant et si bien qu'elle se prit à douter du bienfondé de ses paroles. Était-elle allée trop loin dans son raisonnement ? Elle en avait trop dit ? Pression grimpant rapidement dans le silence angoissé de la craintive, elle laissait filer un souffle tout à la fois saccadé et soulagé lorsque Darius la remercia pour sa confiance. Pour autant, elle ne put s'empêcher de capter son hésitation.
De l'hésitation ? Vraiment ? Ou alors de l'incrédulité ? Samara reconnu plutôt les contours d’une de ses habitudes. Parce qu'elle, elle avait l'habitude de douter de sa valeur. S'en était d’ailleurs presque devenu un rituel chez elle.
Et au lieu de mettre en lumière ce manque fugace de confiance chez Darius, elle choisit de lui adresser un sourire. Certes, il était plus éteint que tous les autres, mais il avait le mérite d'exister et de demeurer sur ses lèvres tandis que Samara s'arrachait à son mutisme.

« Merci de m'accepter comme je suis.. » Soufflait-elle alors en réponse. Comme pour mettre en lumière toute la bienveillance dont avait pu faire preuve Darius à son égard. « D'autres n'en ferait pas autant. »

D'autres l'avait rejeté, renié, pointé du doigt et torturé pour la changer.
Alors même que lui, il lui avait offert une chance d'exister sans se métamorphoser.
Et ce, malgré ses lacunes, ses ratés, ses peurs et ses doutes.

Acquiesçant finalement concernant la demande de Darius, l'Hackeuse baissait les armes et se résignait à accepter ce repos qui lui tendait les bras. Docile comme elle avait pu l'être souvent, c'était pourtant différent cette fois, parce qu'elle s'exécutait avec bon sens et bon vouloir.

Prête à même faire un trait d'humour sur les tempes grisonnantes hypothétiques du Doyen, Samara abandonnait l'idée en osant un geste qu'elle n'avait jamais fait avant. Tendant la main, elle accrochait du bout des doigts sa manche pour l'empêcher de se détourner. Pas encore, pas tout de suite.

Le regard bas et détourné évitant soigneusement le sien, elle hésitait pendant quelques secondes. Doutait encore.
Mais le mal au bord des lèvres demandait à s'échapper, à se révéler. Peut-être parce que les circonstances s'y prêtait, peut-être parce qu'elle doutait que tout cela puisse se reproduire.

« Tu sais.. » S'arrêtait-elle pendant quelques secondes en pinçant les lèvres. « Ma mère.. Elle travaillait là-bas. » Le timbre encore plus bas et la gorge obstruée par la crainte de révéler cette part laissée aux ombres, elle précisait le contour de sa révélation avec une simple information, pourtant cruciale. « Elle y est morte en 2018. C'était une scientifique. » Le dégoût d'une mère transformé en traumatisme indélébile, Samara hésitait un instant avant de venir adresser un coup d'œil à Darius.

Elle espérait qu'il ne la jugerait pas pour son silence.
Ni pour ses racines oblitérées.

« Elle cherchait.. Un remède à ce que je suis. » Ainsi la boucle était-elle bouclée. Il savait tout. Dans les grandes lignes de son existence.




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L’incrédulité l’avait bloqué un court instant, mais ce n’était pas faute de croire à la sincérité des aveux qui avaient été prononcés. Sam n’avait aucune raison de mentir à ce sujet, il savait qu’elle pensait ce qu’elle disait — et qu’elle le pensait très fort étant donné la rareté de l’ouverture dont elle venait de faire preuve. C’était plutôt Darius qui peinait à se voir à travers les yeux de la hackeuse ; il existait un véritable fossé entre l’homme qu’elle décrivait et l’homme qu’il croyait être. L’homme qu’elle percevait n’était qu’un habit dont il s'était couvert pour dissimuler l’être ignoble qui le hantait, à l’instar des costumes dispendieux qu’il portait afin de compenser le dégoût qu’il avait envers son corps abusé. Bien que les cicatrices étaient inexistantes sur sa peau, son esprit en transportait encore toutes les marques aujourd’hui.

Cependant, les remerciements de Sam en réponse à l’hésitation du doyen aidèrent à solidifier cette validation dont elle lui faisait cadeau. Merci de m’accepter comme je suis. En réalité, c’était tout ce que le vampire avait besoin d’entendre pour apaiser le syndrome d’imposteur qui avait pointé le bout de son nez. Un sourire soulagé se dessina sur ses lèvres tandis qu’il hocha la tête en guise de respect. “C’est déjà difficile de s’accepter soi-même, je ne souhaite à personne de subir le rejet des autres.” Il comprenait — du plus profond de son âme, il comprenait. Il s’était toujours vu comme une abomination même parmi les mutants, son gène X étant incapable de faire la distinction entre le sang d’un humain et celui d’un porteur lorsque la soif intolérable dictait ses actions.

Le sentiment d’être différent et isolé même lorsque entouré d’autres mutants — ce sentiment qui l’avait accompagné toute la première partie de sa vie — était la principale raison pour laquelle Dracula s’était donné cette mission d’aider les mutants en détresse lorsqu’il s’était enfin détaché de l’emprise de Darla et libéré des contraintes de son addiction particulière. L’empire financier qu’il avait commencé avec Lia, le Refuge qu’il avait fondé avec Abby, l’Institut qu’il avait vu naître avec Lesley ; tout cela avait été fait dans le but de diriger son énergie envers les mutants qui avaient besoin d’un endroit où ils seraient enfin acceptés pour qui ils étaient.

Il ne voulait pas que les jeunes mutants grandissent en subissant ce qu’il avait subi. Mais peut-être était-ce aussi une sorte de distraction, car il s’avérait qu’accepter les autres était toujours plus facile que de s’accepter soi-même.

Finalement, les émotions chaotiques se calmèrent des deux côtés et ce fut avec une acceptance nouvelle que Samara accueillit la suggestion de repos que Darius lui tendait pour une énième fois. Mais alors qu’il s’apprêtait à lui souhaiter une reposante fin de soirée, il sentit la délicate main de la hackeuse lui tirer le bout de la manche pour empêcher un mouvement de demi-tour qu’il n’avait pas encore entamé. Il tenta alors de lire l’expression dans le visage de Sam pour voir s’il avait oublié quelque chose, mais la protectrice était retombée dans sa vieille habitude de se réfugier derrière sa chevelure alors qu’elle détournait le regard. “Y a-t-il autre chose ?” fut-il forcé de demander.  

Ce fut à ce moment que les derniers remparts semblèrent se briser et que la vérité tenue enfermée depuis toutes ces années vit le jour sous les yeux de Darius. Une affreuse vérité qu’il fut dévasté d’apprendre, et qui expliquait la réaction inhabituelle qu’avait eue Samara lorsqu’il était venu lui demander de rechercher Trask Industries ; mais il était aussi content de voir cette information libérée, car c’était le genre de secret qui pouvait nous ronger de l’intérieur jusqu’à ce que nous ne devenions qu’une frêle coquille de nous-mêmes.

Je suis désolé,” dit-il, simplement et sans jugement, face à cette révélation dont les mots ne pourraient jamais entièrement expliquer les maux qui y étaient rattachés. Le rejet des autres était une chose, celui d’un parent en était toute une autre.

Darius prit la main de Sam entre les siennes pour lui offrir tout le support qu’il savait donner. Le geste n’était pas énorme, mais il était rempli de volonté. “Personne ne mérite ce genre de traitement.” Ce n’était pas nécessairement pour dire que sa mère était une personne terrible, mais les conséquences de ses actions avaient certainement laissé des traces profondes chez celle qu’elle voulait “soigner” et ça, c’était abominable.

Si je peux faire quelque chose pour t’aider, je suis là,” jugea-t-il bon de préciser.

Malgré les portes de la communication qui s’étaient soudainement ouvertes en grand, il avait encore du mal à deviner les intentions de la hackeuse. Alors, qu’elle voulût continuer de partager les souvenirs qui la tourmentaient ou plutôt être laissée à elle-même après s’être déchargée de cet aveu, ou qu’elle eût tout autre besoin, Darius respecterait son choix.

Quoi qu’il en fût, les charnières de la confiance s’étaient véritablement débloquées dans les deux sens, et ils étaient enfin libres de chérir ce moment.

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Bousculée jusqu'à ses ultimes retranchements, Samara ne s'était jamais sentie dans un tel état de faiblesse. Plus depuis des années du moins. Plus depuis qu'elle était parvenue à échapper à son enfer familial. Si jadis la terreur des lendemains noirs l’avait souvent remporté sur la pale lueur d'espoir qu'elle avait tenté de préserver, elle se souvenait que personne n'avait été là pour l'écouter. Personne n'avait été là pour lui tendre la main.
Et ce fut surement à cette époque-là que le ciment de sa réserve fut consolidé afin de la garder à jamais prisonnière de sa timidité maladive. Ayant grandi dans le besoin de s'effacer, de ne plus exister, Samara avait souvent vacillée sur le fil coupant de sa vie. Les blessures de son corps dissimulé sous les couches de vêtements n'étaient finalement que la cartographie de ses malheurs et retraçaient avec honte tout ce qu'elle avait pu subir.

Car si Darius avait fait le choix de se cacher derrière ses costumes, Samara avait fait le choix réciproque de se dissimuler derrière sa discrétion aussi maladive que vestimentaire.
Tout cela parce qu’elle ne se voyait pas briller ; parce qu'elle gardait en elle une terreur d'être vue, d'être l'objet d'une attention qui finirait par avoir pour de bon sa peau. De gamine traumatisée à adulte façonnée, elle s'était pourtant faite à tout cela. Tout cela était entré dans la séquence rôdée de ses habitudes.

Et c'était finalement à l'Institut que Samara avait trouvé un but à sa vie, oubliant celle qu'elle aurait pu être, et songeant à peine à celle qu'elle était. Dans le regard de chaque mutant qu'elle pouvait croiser entre ces murs, elle voyait le reflet de son utilité, de ce qu'elle pouvait apporter. Et jusqu'à peu, c'était également ce qu'elle avait toujours perçu dans le regard de Darius. Mais dans le fond, ça ne l'avait pas empêché de développer un respect sincère pour son ainé.

Parce que depuis sa cachette, elle l'avait vu s'inquiéter.
Elle l'avait vu veiller.
Elle l'avait vu être un meilleur parent que toutes les figures familiales qu'avait pu croiser Delia dans son existence.

Finalement, Darius était un père. Pour elle. Pour eux. Et elle se devait bien de lui faire réaliser la portée de son importance. Surement était-ce pour cela d’ailleurs qu'elle s'était décidée à libérer un peu sa pensée. Et puis, une autre s'était imposée, comme pour se défaire d'un fardeau pesant, comme pour partager les clés d'une compréhension qu'elle ne donnait à personne. Pas même à ses amis les plus proches.
Parce que Darius méritait de saisir les contours de ses peurs afin de ne jamais lui demander de les effleurer, Samara lui offrait en conséquence son ultime faiblesse en guise de tribu unique au nom de leur nouvelle relation.

Hésitante quant à partager un regard avec le vampire, elle conservait son attention arrimée au vague tandis que sa main relâchait la manche du costume. Hésitation et léger frisson de malaise, Ascii ne voulait pas susciter la pitié. Elle ne pouvait le supporter.

« C'est.. C'est arrivé. Tant pis. » Marmonna-t-elle avant de finalement relever son regard brun et le poser sur celui de Darius. Une ombre passait sur ses traits face à son constat et elle haussait brièvement les épaules. « Je le méritais. » Pour sa différence, pour la déception qu'elle représentait. Samara avait connu et s'était imprégnée de ces discours. Elle en connaissait la saveur amère, à la fois saturée d'espoir fou et de colère brute. Elle connaissait par cœur la brutalité d’un regard maternel déçu, trahissant la peine d’avoir une enfant différente, de l’avoir elle. C'était surement pour cela que les mots de Samara étaient aussi plat, aussi cinglants de réalisme. Parce que ça avait été sa réalité.

Et que pouvait faire Darius contre cela, finalement ? Samara se questionna fugacement à ce sujet avant d’esquisser un doux sourire, presque tendre, qui illumina sommairement ses traits fatigués. « C'est gentil Darius, mais il n'y a plus rien à faire. Plus maintenant. »

Sam allait vivre avec ses souvenirs, avec ses cicatrices, comme le faisait chaque mutant, chaque victime du système abimé. Soupirant doucement en venant frotter son œil droit avec le revers de sa manche, elle reprenait ensuite. « Je suis désolée de t'avoir retenu, je vais aller me reposer et.. Ensuite, j'irais faire un tour. Mais.. Merci de m'avoir écouté. »
D'autres avaient surement davantage besoin du Doyen qu'elle, elle en était persuadée. Alors, Samara se résignait sagement à ne plus le retenir et à obtempérer.
Elle allait sortir.


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