misery is a butterfly (bell)

le brouhaha ne participe pas à ton confort.
tu es bien derrière tes quatre murs. la porte de ton bureau ne laisse pas entrer le bruit extérieur.
tu en as besoin, de cette quelconque solitude ; de celle qui berce ton cœur et apaise ton âme, loin d'autrui, loin de tout, seule avec tes propres émotions. celles des autres peuvent rapidement devenir un fardeau, et c'est souvent le cas. le don que la nature t'a donné n'est pas facile à supporter à chaque jour, et souvent tu as besoin de faire abstraction de tout ça ; c'est bien pour cette raison que tu t'isoles ici la majorité du temps, aussi. ta vie sociale est limitée, et la majorité du temps elle se conjugue avec quelques rencontres effectuées dans la journée, elle se conjugue de plusieurs rendez-vous dédiés aux jeunes en détresse, et à quelques amis que tu as su te faire en réintégrant l'institut.
et ça ne te manque pas.
ça te manque pas de côtoyer du monde. ce serait mentir d'avancer le contraire.

ce n'est pas que tu ne les apprécies pas, ou qu'ils t'irritent. loin de là. tu as souvent regretté ce pouvoir bien plus dévastateur qu'on ne peut le penser ; dévastateur pour ta petite personne, mais tu as su accepter ta différence. tu as su travailler sur toi, sur tes compétences, et les user à des fins bénéfiques. tes nombreux rendez-vous sont la preuve ultime que c'est efficace, et que tu as su prendre la bonne décision en occupant cette place particulière au sein de l'institut.

mais la vie n'est pas facile à chaque jour, pour personne et surtout pour aucun de tous ces jeunes dans les couloirs, tous ces mutants à travers le monde.
à chacun ses difficultés, et sa manière de gérer. et si toi tu as su faire abstraction et apprivoiser un tant soit peu ton pouvoir, pour d'autres, c'est difficile. tu ne peux blâmer personne pour ça, et tu n'es clairement pas ici pour juger. comme tout le monde, tu as ton lot de responsabilités et d'expériences plus ou moins néfastes, et au lieu de te lamenter sur ton sort, tu préfères embrasser ce que tu as vécu à pleine bouche, et t'en servir pour aider ton prochain. profonde altruiste, on peut tout d'abord voir ton introversion d'un mauvais œil, mais elle n'est pas employée pour blesser autrui ; juste pour te protéger. alors oui, tes rapports sociaux sont limités. mais tu emploies ton temps à porter soutien à ceux qui sont comme toi, à ceux de ton espèce, aux mutants. chacun devrait pouvoir vivre pleinement sa différence, sans être constamment pointé du doigt comme tu as pu l'être ; le dégoût, tu l'as ressenti trop longtemps au fond de ta gorge, ce sentiment mauvais qui te bouffait les tripes autrefois, et que tu sais encore bien présent chez la majorité de ces adolescents ici.

on toque à ta porte, et tu inspires profondément.
tu te prépares mentalement ; ces entretiens sont toujours épuisants, mais pour rien au monde tu ne souhaiterais les arrêter.
le visage doux de ton rendez-vous se pointe et, affalée droitement dans ton fauteuil, c'est un chaleureux sourire qui étire tes lippes. - bell. entre.
elle pénètre la pièce, et de la paume de ta main tu désignes l'une des deux chaises à l'autre bout de ton bureau. - installe-toi, je t'en prie. se faisant, tu te redresses sur tes deux jambes pour t'approcher de la fontaine à eau qui se trouve à l'une des extrémités de la pièce, et tu sors deux gobelets. - tu en veux aussi ?

(c) mars.