Rêve éveillé - ft. Nando

L’été était plutôt calme au Refuge, il y avait moins d’entrées de jeunes en général. Parce qu’ils arrivaient à trouver des endroits où dormir dehors sans avoir besoin d’un lieu sécurisé où dormir. Les jeunes sans domicile fixe peuvent parfois être impressionnants. Ils trouvent des subterfuges pour survivre. Sydney a toujours un œil attentif quand elle se balade dans les rues de New York. Il lui est déjà arrivé de repérer un jeune qui semble en détresse et dans le besoin et de l’aborder pour finalement lui proposer de rejoindre le Refuge. Les mutants, pour certains, sont facilement identifiables. C’est eux qui sont à protéger en priorité, car ce sont eux qui risquent le plus de se faire tuer ou attraper.

Sauf que ces derniers temps, le Refuge est plus calme. Certains jeunes sont partis en colo avec certains adultes travaillant au Refuge. Sydney fait partie des murs, elle préfère rester ici pour accueillir les nouveaux jeunes mutants et ceux qui ne souhaitent pas partir. Quoi qu’il en soit, le temps est parfois un peu long. Aujourd’hui, elle s’ennuie particulièrement. Elle a fait pas mal de rangement, est passée dans les chambres des jeunes pour vérifier qu’ils n’ont besoin de rien, puis elle est revenue dans le salon principal où se trouvent deux garçons en train de jouer à la console. Sydney fait quelques parties avec eux, elle a réussi à les battre, mais elle s’est aussi fait battre. Puis elle remarque Nando, qui fait du bénévolat au Refuge et qui est en train de roupiller sur un fauteuil à côté.

— Hé, Syd ? Cap ou pas cap de voir de quoi il rêve ?

La jeune femme sourit au mutant qui vient de la mettre au défi. Tout le monde ici sait qu’elles sont les pouvoirs de Sydney. Elle hausse un sourcil en regardant le jeune mutant et elle secoue la tête.

— Ce n’est pas très poli de faire ça. Tu le sais.
— Alleeeez ! S’teuplaît.
— J’ai dis non. Entraîne toi à être imbattable plutôt. Je reviendrais te défier dans l’après-midi, dit-elle dans un sourire avant de se lever du canapé.

Elle s’éloigne un peu, mais reste tout de même dans un coin de la grande pièce. Ses yeux sont toujours posés sur Nando qui semble dormir profondément. Sydney pince les lèvres. Non, elle ne devrait pas faire ça… mais sa curiosité a eu raison d’elle. Doucement, la mutante glisse dans l’esprit de son collègue et plonge dans le rêve dans lequel il est bercé.

Nando ne pouvait que blâmer le ronronnement de la clim de l’autre côté de la pièce, qui avait le don de le bercer entre les sons du jeu vidéo du Refuge. Déjà, il n’était pas un grand amateur de jeux console, lui qui ne savait que rarement se détendre. Et Nando revenait d’un shift matinal qui l’avait vu se lever plus qu’à l’aurore. De toute façon, le mécanicien n’avait pas besoin de raison pour piquer du nez au Refuge. Il était là si souvent que la seule raison pour laquelle il n’avait pas une chambre était qu’il avait son propre appartement de l’autre côté de Manhattan.

Et Nando avait toujours un lien d’affection particulier avec le mobilier de salon. Le souvenir de la jeunesse, de l’âge insouciant où il n’avait pas encore été mis à la porte et qu’il n’avait qu’un canapé pour royaume. Heureusement, il ne rêvait pas de ça.

Sans grande surprise pour l’intrue de sa psyché endormie, le mécano rêvait d’engrenages et de changement d’huile. Ses mains occupées sur des écrous et visses dans un geste répétitif que Nando percevait avec précision malgré les volutes de Morphées. Surtout, il n’était pas seul, discutait dans leur dialecte mexicain d’un match de baseball fictif avec un Angel assis sur les marches du bâtiment devant lequel les deux hommes étaient installés.

Nando qui était un homme simple, rêvait de choses simples.

Il se tourna vers Sydney, dont l’apparition soudaine ne perturba nullement la douce continuité de sa rêverie. « Tu sais me passer le bac de récupération ? » Question posée à son assistante improvisée, comme si elle avait toujours été là, toujours eu sa place dans la narration assoupie.

Se glissant doucement dans l'esprit endormi de Nando, elle laisse doucement les contours du rêve apparaître sous ses yeux. Il ne faut que quelque secondes à Sydney pour comprendre que le bénévole du Refuge est en train de rêver... de son travail ? Cela confirme simplement à la mutante à quel point il est passionné. Restant pour l'instant uniquement en "surface" du rêve, en tant qu'observatrice. Elle entend Nando discuter avec quelqu'un, la langue lui rappelle doucement son enfance. Elle reconnaît l'espagnol qu'elle est capable de parler sans difficulté, mais l'accent lui confirme qu'il parle avec un mexicain. La voix qui lui répond vient cependant percuter la jeune femme. Elle reconnaît cette voix entre mille. Se concentrant désormais sur l'homme qui accompagne Nando dans son rêve, elle reconnaît son frère. Cette apparition la chamboule à tel point qu'elle perd un instant le contrôle de son pouvoir et qu'au lieu de rester en temps que simple observatrice, elle prend place directement dans le rêve de Nando, à l'instant même où il lui demande de lui passer...

Elle réalise qu'elle n'a absolument rien compris. Si Sydney est une professionnelle très compétente au Refuge, elle n'a aucune compétences en mécanique et cela se ressent. D'autant plus que le fait que Nando s'adresse à elle prouve qu'il la voit et lui confirme qu'elle a perdue le contrôle. Naturellement, elle se tourne vers son frère, ses yeux lui demandant de l'aide. Il pointe discrètement le doigt vers le bac de récupération que vient de lui demander Nando. Elle s'exécute alors et le donne à son collègue.

— Tiens, dit-elle simplement.

Elle cherche ensuite à s'orienter dans ce rêve qui n'est pas le sien. Elle a tout un tas de questions, mais elle ne veut pas que Nando se doute de quelque chose. Ce rêve doit ressembler à quelque chose de naturel. Si elle le contrôle un peu trop, cela pourrait sembler suspect. Elle tente de raccrocher la discussion, cherchant à être attentive à l’échange entre Ángel et Nando, mais elle peine à garder le contrôle de son pouvoir en raison de la présence de son frère.

— Tu l’as vu le match Gaby ? lui demande alors son frère.

Sydney se fige lorsqu’il l’appelle par son surnom. Ça, c’est son souvenir. C’est ses pensées, qui n'appartiennent qu’à elle. Preuve qu’elle est en train de faire n’importe quoi.

— Moi, c’est Sydney. Vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre.

Le propriétaire de ce rêve, c’est Nando. Il devrait reprendre le dessus et faire en sorte qu’Ángel ne soit pas SON Ángel à elle. Nando ignore qu’elle est Gabriela. Il ne sait pas qu’elle est la sœur d’Ángel.

Il y a un temps d’arrêt qui suit la requête de Nando, mais il le remarque à peine, occuper à tourner de manière éternelle ses visses dans le vide. Finalement le bac noir arrive entre ses mains et il remercie Sydney d’un coup de tête. Le récipient est callé en dessous du réservoir et Nando attend patiemment qu’il réussisse à ouvrir le compartiment. Qu’il ne s’étonne pas si le lendemain, en dehors de ses rêves, il soit particulièrement prudent avec ses tournes-vis.
 
« Ouais, comme si tout le monde pouvait être Gabriela. » Il eut un rire Nando, son rire un peu fort, mais camarade. « J’ai pas fait les présentations ? Arf. Sydney, voici Angel. Faut pas se laisser impressionner par les tatouages. » Nando il avait du mal à comprendre l’importance que les gens pouvaient apporter à tout ça. Il y avait d’autres manière de prouver son appartenance, et son style. Il respectait le choix de chacun, certes. Mais lui, ça ne lui viendrait jamais à l’idée de se faire piquer pour ajouter ça à son charme naturel.

« Je suis doux comme un ange » rajouta la fabulation d’Angel. Nando haussa un sourcil à ces propos. Même dans le tissage élaboré sous les doigts de Morpheé, Nando ne perdait pas de vue qu’Angel était un Percecuteur. Il restait quelqu’un de dangereux de par sa profession. Même s’il ne lui avait jamais fait de mal à Nando. Tout le monde avait le potentiel de blesser et Nando essayait de ne pas perdre ça de vue. Mais il gardait toujours une couche de prudence quand il était avec Angel. L’autre mexicain était à l’imagine du monde. Il ne fallait pas en dire trop. Ca laissait la place à l’incompréhension sur le sujet en M.  

L’inconscient capta la réflexion sous-jacente, tous les deux appartenaient au même monde, naviguant sous la surface. Nando fit tomber son outil et finalement l’huile du moteur se renversa sur lui, et à même le sol. Tache sur le monde.

Nando poussa soupir sur la salissure de ses vêtements. Angel se redressa et il abandonna sa clope par terre et désigna Sydney/Gaby du menton. « Mais dis, il est où ton collier ? »

Comme si tout le monde pouvait être Gabriela. Cette remarque surprend Sydney, parce qu'elle se demande ce que Nando connaît de Gabriela, de son ancienne identité. Ángel lui a-t-il déjà parlé d'elle ? Et puis d'abord, comment est-ce que Nando connaît son frère ?! Le flou de ce rêve perturbe Sydney, elle ne s'attendait pas à ça en se glissant dans les songes de son collègue de travail. Elle regarde finalement Ángel et lui offre un petit hochement de tête. Ce dernier la regarde avec curiosité. C'est plus ou moins la deuxième fois qu'elle le revoit depuis ce vingt dernières années. La première fois, c'est elle qui a provoqué cette rencontre. Et en effet, elle a été surprise de voir toute l'encre qui est venue colorer sa peau. Mais elle était bien trop dans l'émotion de le revoir pour en dire quoi que ce soit.

Sydney gardait le silence, préférant observer plutôt que de perturber un peu plus le rêve de Nando. Son regard quitte difficilement le visage de son frère, mais elle blêmit quand il lui demande où est son collier. Elle porte la main à son cou et elle secoue la tête.

— Quel collier ?
— Celui que tu mérites d'avoir. Ton collier anti-mutant, précise-t-il avec une forme de haine dans le regard.

Ce n'est pas lui. Ce n'est pas Ángel. C'est uniquement la représentation que Nando s'en fait. Ne mélange pas tout Syd, pense-t-elle pour elle-même.

— Je n'en ai pas.

Elle lance un regard vers Nando, elle a besoin de vérifier qu'il ne se doute de rien. Que penserait-il s'il savait qu'elle n'est là que parce qu'elle est venue voir ce qui se passe dans son rêve ? Les rêves sont intimes, tout le monde ne vit pas bien que l'on s'y infiltre. La curiosité vient de mettre Sydney dans une mauvaise posture...

— Et comment vous vous connaissez tous les deux ? demande-t-elle alors pour changer de sujet et comprendre un peu plus pourquoi son frère se retrouve dans le rêve de Nando.

Ce collier que Nando n’a jamais du porter, puisqu’il n’est pas un mutant. Ce collier que certains lui auraient mis volontiers, juste pour avoir côtoyer des mutants (coucou papa). Nando sait très bien de quoi il est question, il le voit quotidiennement dans les garages des taxis, parfois sous forme de bracelet aussi. Ces collègues qui sont forcés de s’afficher de la sorte, pour garantir qu’ils ne sont pas un danger pour les autres, tout en s’affichant comme bête de foire. Nando n’aime pas ce collier et il fronce les sourcils quand Angel en fait mention dans son rêve.

« Lâche-lui la grappe, tu veux » dit Nando de manière un peu défensive. « J’ai la survie de ta moto entre les mains. » Même si c’est une menace en l’air et en rêves, Nando espère que ça sera suffisant pour que le sujet soit abandonné. Il n’aime pas les problèmes Nando, même dans ses rêves.

Et Sydney détourne le sujet à sa manière. L’ombre d’Angel hausse les épaules et il explique l’évidence de l’inconscience. « On est voisin. » Le spanish harlem, ce quartier de tous les possibles, de tous les accents espagnols que New-York puisse condenser en quelques blocks. « Même quartier, même église.
– même cuisine. » Les deux hommes rigolent, et pendant une seconde, au-dessus de la bécane, Nando pense à sa mère. La beauté de la synchronisation fait que la petite figure de madame Moreno apparait à la fenêtre, pour se plaindre d’un Tupperware manquant. Une histoire récurrente au Refuge, Nando qui refourgue souvent des plats préparés par sa mère. Une manière de soutenir les mutants, de loin.

Une manière de s’assurer que personne ne se faufile dans ses rêves à elle, surement.

La plupart du temps, Sydney sait très bien se débrouiller toute seule. Elle n'a pas besoin de quelqu'un pour demander à un autre de fermer son clapet et de la laisser tranquille. Néanmoins, ce sentiment de peur qui l'envahit lorsqu'elle voit son frère la perturbe à tel point qu'elle remercie silencieusement Nando de s'en être mêlé. Tout ça n'est qu'un rêve et pourtant, Sydney a l'impression de le vivre comme une réalité. Bien trop perturbée par le fait de voir Ángel dans le rêve de son collègue. Les explications ne semblent pas lui suffire. Elle les observe, se demandant comment il est possible qu'elle est vécue pendant si longtemps à côté de son frère sans jamais l'avoir croisé avant.

Même église. Cette même église dans laquelle Sydney est allé à la rencontre de son frère, sachant pertinemment qu'il ne lui aurait jamais fait de mal dans un lieu sacré. Le temps d'un instant, elle se demande ce qui aurait pu se passer si Nando avait été présent. Cela aurait-il changé les choses ?

— Je ne te savais pas croyant, dit-elle à l'attention de son collègue.

D'un côté, c'est plutôt le genre de choses qu'on garde pour soi la plupart du temps. Finalement, Sydney réalise qu'elle ne connaît pas vraiment Nando. Elle se fait la remarque que venir le visiter pendant son rêve n'est pas la meilleure façon de faire connaissance. Elle se sent intrusive, mais quelque chose l'empêche de partir. Sa curiosité est décuplée, elle a encore besoin d'en apprendre plus. Cela lui donne aussi la possibilité de "rattraper le temps perdu" avec son frère. Même si tout ça est irréel. S'il décide de la tuer, ce ne sera pas pour de vrai. Mais elle peut quand même le voir, c'est une opportunité particulière pour Sydney.

Maman Moreno apparaît alors à la fenêtre et Sydney se met à rire doucement.

— Ce ne serait pas les Tupperware que tu emmènes tout le temps au Refuge par hasard ?
— Au refuge ? interroge Ángel.

Sydney devient alors muette. Elle n'aime pas parler de mutants avec son frère. C'est un sujet qui la paralyse complètement, elle se sent mal à l'aise. Au lieu de ça, elle porte son intention vers ce visage inconnu à la fenêtre.

— Ne vous en faites pas, je ferais en sorte que vous récupériez vos Tupperware à partir de maintenant !

Elle pose ensuite son regard sur Nando et lui offre un sourire. Elle s'approche ensuite du véhicule sur lequel il est en train de réparer des trucs et elle pince les lèvres.

— Tu essayes de faire quoi exactement ? tente-t-elle de s'intéresser alors qu'elle n'y connaît rien.

Nando haussa les épaules sur sa régularité à l’église. Il porte une croix discrète autour du cou, c’est tout. Pour lui, la foi est quelque chose qui est liée à sa famille. Ce qu’il décide à chaque fois de laisser sur le pas de la porte du Refuge. Ces gosses ont la vie assez difficile pour qu’ils se coltinent un croyant collant de plus. La religion divise les gens, tout autant qu’elle les rapproche. Pour Nando, c’est une part de son intimité, il ne se voit pas l’imposer aux autres. Ni l’interroger, comme Sydney le fait dans son rêve sans qu’il ne se rende compte.

« Si, ces tupperwares là. Pourquoi tu crois que je je retourne la maison à chaque fois quand je les trouve pas? T’as pas droit aux plaintes de ma mère tous les soirs. » Il aurait voulu plaisanter sur ce coup-là, Nando. Malheureusement, c’était une part de la triste vérité de vivre avec une mère hispanique. Les Tupperware étaient tout aussi sacré que Jesus. « Fais pas ton jaloux Angel, toi aussi t’as droit à ta ration » qu’il éluda facilement.

Nando posa son regard sur la pièce du moteur qu’il réussit enfin à enlever du cadran de métal et il poussa un soupir de soulagement. « On va mettre un chat dans son moteur, pour voir si ça ronronne quand on démarre la moto. » Et la phrase ne semblait pas du tout étrange à Nando dans le monde de ses rêves. Un chaton apparut entre les pieds d’Angel, qui se frotta contre l’homme tatoué, l’innocence de la boule de poils qui ne savait pas quel triste sort l’attendait.

Il n’en dit pas plus concernant sa foi et Sydney le respecte. Elle a grandi avec des parents et une famille très croyante. La religion fait partie de sa vie, mais tout comme Nando, c’est quelque chose qu’elle garde pour elle uniquement. Elle n’a pas besoin de le partager. Ça lui appartient. Ce rêve permet à Sydney d’en apprendre plus sur Nando. Elle ne pensait pas que la mère de son collègue était si présente dans sa vie. La mutante laisse cet épisode de côté afin de se consacrer sur la moto de son frère sur laquelle Nando est en train de bricoler. Jusqu’à ce que ce chat apparaissant soudainement vienne bousculer tout ça. Ángel récupère le chaton et le donne à Nando pour qu’il le mette dans le moteur.

Sydney attrape l’animal rapidement et le garde contre sa poitrine. Même si tout ça est un rêve qui n’a rien de réel. Elle a besoin de protéger ce chaton. Si les deux protagonistes de ce rêve agissent dans l’esprit de Nando, elle, elle est bien consciente et a tendance à rationaliser les rêves.

— Ne lui faites pas de mal, le pauvre !
— Comment oses-tu, sale mutante, crache le Ángel du rêve.

Il sort alors une arme de nul part et la tend sur elle avant de tirer. Sydney ferme les yeux avant de s’expulser elle-même brutalement du rêve de Nando. La mutante rouvre les yeux, elle est toujours au même endroit : dans le salon principal où les gamins jouent aux jeux vidéos et où Nando dort dans un fauteuil particulièrement confortable. Doucement, elle prend conscience de ce qu’elle vient de vivre et un frisson la parcourt. Être confrontée à cette version de son frère est à l’opposé de ce qu’elle a vu de lui lorsqu’elle l’a retrouvé récemment. Cela ne l’aide malheureusement pas à dépasser sa peur qu’il lui fasse du mal. Le problème, c’est que Nando était aussi présent dans ce rêve… Il a vécu la même chose qu’elle. Sydney doit se souvenir de ne pas faire notion de tout ça devant lui. Il ne doit pas savoir qu’elle s’est glissé dans son esprit. Jamais.

— Tiens, tu te réveilles enfin ! dit un des gamin en criant presque.

Sydney relève la tête et voit Nando qui se réveille justement. Émergeant du sommeil. Elle prend une grande inspiration et fait semblant d’être occupée à faire quelque chose pour ne pas paraître suspecte.

C’était un rêve, Nando le saisissait d’une manière infime. Encore plus quand celui-ci prit une tournante dramatique quand le chat fut arraché de leur plan parfait. Tout ce qu’il resta de Nando quand il se réveilla en sursaut fut le coup de feu mélangé au miaulement du moteur. Il se redressa rapidement du fauteuil, les yeux encore salis du sommeil dont il venait de s’extirper. Il se frotta les yeux de ses doigts calleux et jura de ce rêve étrange. Il aurait dit que c’était à la limite du cauchemar, presque. Angel ne s’était jamais conduit de la sorte dans la vraie vie et il ne voyait pas ce qui pouvait justifier un tel comportement.

Un cauchemar, donc.

« Si vous vous débrouilliez mieux sur vos consoles aussi, je me serais pas endormi. » Mais quand il sortit le visage de ses mains, il reconnut Sydney. Sydney qui était là, mais qui était aussi dans son rêve. Il parut confus quelques secondes, sous le poids de la réminiscence. Dire qu’il aurait vraiment voulu savoir ce qui arriverait à la boule de poils dans son moteur.

Nando poussa un soupir et il s’étira de tout son long, avant de se redresser. « Je vais me faire un café.
- J’en veux bien avec deux sucres stp.
- T’es trop jeune. Et tu joues trop mal » contrecarra Nando qui dépassa les jeunes mutants et tapotant la chaussure de l’addict du café, en guise de remontrance. Il avait bien besoin du goût amer pour chasser celui de son sommeil.

Mais il y avait quelque chose qui lui restait dans un coin de son esprit. Il fit demi-tour en plein milieu du couloir. Sans pour autant retourner complètement dans la salle de séjour, il s’appuya sur le chambranle de la porte. « Eh. » Il interpella Sydney, sans prononcer son nom. « Tu veux une tasse ? »

Elle faisait semblant de chercher quelque chose dans un des meubles du salon. En réalité, Sydney n'a pas la moindre idée de ce qu'elle en train de chercher, mais elle tente de se sortir cet horrible cauchemar de son esprit qu'elle a vécut à travers le rêve de Nando. Elle aurait tant de questions à lui poser... mais c'est tout simplement impossible sans que son collègues n'est conscience qu'elle s'est introduit dans sa tête. Et elle sait que c'est rarement quelque chose que les gens apprécient. C'est intrusif et Sydney pourrait s'en vouloir si elle n'y avait pas découvert que Nando était en relation avec son frère. Tout ce qui était en lien avec Ángel l'obsédait plus ou moins.

Elle continue de farfouille dans le meuble en essayant de ne pas sembler tourmenter, mais elle est complètement perdue dans ses pensées. Sydney continue d'écouter d'une demie oreille la discussion entre les enfants et Nando puis elle se sent soulagée lorsqu'il quitte la pièce.

Malheureusement pour y revenir presque aussitôt. Elle redresse la tête vers lui dès l'instant où il l'interpelle. Les yeux de la mutante se plonge dans les siens. Elle le regarde quelques secondes, un instant suspendu puis elle répond enfin.

— Je ne dis pas non à un café !

Elle a au moins besoin de ça. Avec un peu de rhum dedans, elle ne dit pas non également, mais elle ne le fera parce qu'elle travaille. Dès qu'elle a des enfants sous sa responsabilité, elle est extrêmement prudente.

— Ne t'embête pas, je viens avec toi pour le récupérer.

Elle le suit jusqu'à la cuisine et elle s'accoude à une table en attendant qu'il prépare leur boisson. Elle l'observe de dos, les lèvres pincées entre elles. Mal à l'aise avec le silence, elle lui demande :

— Ta sieste était bonne ?  

Elle a envie de ravaler ses mots dès l'instant où ils franchissent la barrière de ses lèvres. Il va se douter de quelque chose... Il va forcément se douter de quelque chose. Elle garde l'espoir silencieux qu'il ne fasse pas le lien entre l'apparition de Sydney  dans son rêve et ses pouvoirs.

Ils passèrent de longues secondes à se regarder en silence, Nando appuyé contre le chambranle de la porte et Sydney en profonde réflexion. Il attendit patiemment, Nando, quand l’affirmation fut reçue, il ajouta « ouais, on dirait bien que tu as en besoin. » Il sourit un peu, puis partit en direction de la cuisine. Il était à son aise dans la maison qu’il connaissait depuis longtemps et qu’il avait réparé d’ici, de là.

Il sortit les ingrédients des armoires et s’occupa silencieusement, comme à son habitude. Le silence était le bienvenu et l’aidait à sortir ce mauvais rêve de sa tête. Car ce n’était que ça, non ? Le timing de la question de Sydney lui fit hausser un sourcil, mais il ne s’en formalisa pas. Il ne voulait pas être ce type de personne qui remettait les mutants en question dès que ça touchait leur pouvoir. Il voulait que le Refuge reste un safe space pour tout le monde, même pour ceux qui y travaillaient.

Alors, Nando ne s’arrêta pas dans sa surveillance de la cafetière. « Mouais… » dit-il un peu trainant. « Des rêves bizarres. » Il haussa ses épaules. « Ça arrive. » Ce qui ne lui arrivait pas, c’était de rêver de Sydney. Il n’avait pas le souvenir que ça lui soit arrivé, jamais. Il se retourna pour servir le café devant la jeune femme et il alla se coller contre le plan de travail. Il souffla sur sa propre boisson fumante, et il observa Sydney derrière sa tasse. « J’ai rêvé de toi. » A quoi bon se prendre la tête sur cette idée qu’il ne pouvait pas dire ce qu’il se passait dans son subconscient ? Il n’était pas là pour donner une image d’un mec dur à cuire qui ne comprenait rien à la femme.

Mais il fronça les sourcils, conscient de la succession de ses propos. Ca pouvait être mal pris. Alors, il ajouta rapidement. « Enfin, c’était pas pour ça que c’était bizarre. » Non, c’était pour le chat dans le moteur et Angel qui était agressif.

Au final, Sydney était la chose la plus normal des fabulations de Morphée.

Sydney était tendue à l’idée qu’il devine qu’elle s’était glissée dans son rêve, mais elle n’eut pas l’impression qu’il avait fait le rapprochement. Jusqu’à ce qu’il précise qu’il avait rêvé d’elle. Les sourcils de la mutante se froncent immédiatement. Elle le fixe et essaye de se montrer la plus surprise possible.

— De… moi ? Pourquoi ?

Elle tente de lâcher un léger rire, il sonne un peu faux, mais elle se dit que son collège ne l’a connaît pas suffisamment pour savoir qu’elle n’est pas dans son état normal.

— Qu’est-ce que je foutais dans tes rêves ? Nando… Tu passes trop de temps au Refuge si tu te mets à rêver de tes collègues.  

Elle tente l’humour, pour dédramatiser cette situation qu’elle a envie de fuir. Et pourtant, elle ne bouge pas, elle ne tente pas de trouver une excuse pour s’éloigner de Nando. Sans doute parce qu’elle se pose beaucoup trop de questions à propos de sa relation avec Ángel et que la curiosité est un des vilains défauts de Sydney. Elle est peut-être en danger, mais ses dernières retrouvailles avec son frère lui font penser que les choses vont peut-être être amenées à changer. Elle rêve de ce monde où Angel et elle sont de nouveaux proches. Un monde où elle n’aura plus peur de lui.

— Qu’est-ce qui était bizarre..?   ose-t-elle demander en le regardant droit dans les yeux.